Contrairement aux propos* du ministre de l’intérieur Claude Guéant, toutes les civilisations se valent au regard de leurs propres critères dont il est impossible de juger de l’extérieur. Guéant n’a rien compris au message de l’autre Claude, Lévi-Strauss, « L’ethnographie cherche à connaître et à juger l’homme d’un point de vue suffisamment élevé et éloigné pour l’abstraire des contingences particulières de telle société ou telle civilisation… Il faudra admettre que, dans la gamme des possibilités ouvertes aux sociétés humaines, chacune a fait un certain choix et que ces choix sont incomparables entre eux : ils se valent. »**
Quant à l’exemple fourni par Guéant, l’interdiction du voile intégral, c’est une atteinte au principe de laïcité qui veut que l’Etat n’interfère pas avec les pratiques religieuses que ne porte pas atteinte à l’espace public. La burqa, c’est rigolo vu de l’extérieur. Vu de l’intérieur, cela regarde la femme qui le porte. Il en est du choc des civilisations comme des pratiques individuelles, à force de vouloir stigmatiser l’autre, on ne fait que préparer une société totalitaire. Il est d’ailleurs troublant que Guéant utilise pour d’autres les qualificatifs qui s’appliquent à lui-même : « bafoue les libertés individuelles et politiques, permet la tyrannie, acceptent la haine sociale. » Guéant ne défend pas l’humanité, il défend un système, le système Sarkozy.
De son côté, Lévi-Strauss porte une condamnation sans faille de la civilisation des principes républicains : « Une civilisation proliférante et surexcitée trouble à jamais le silence des mers. Aujourd’hui où des îles polynésiennes noyées de béton sont transformées en porte-avions, où l’Asie tout entière prend le visage d’une zone maladive, où les bidonvilles rongent l’Afrique, comment la prétendue évasion du voyage pourrait-elle réussir autre chose que nous confronter aux formes les plus malheureuses de notre existence historique ? Cette civilisation occidentale n’a pas réussi à créer des merveilles sans contre-parties négatives. Ce que d’abord vous nous montrez, voyages, c’est notre ordure lancée au visage de l’humanité. »
Au regard des principes de respect des autres, la civilisation policière et raciste de Guéant n’est même pas républicaine. Au regard des limites de la biosphère que la civilisation occidentale a allègrement piétiné, nous pouvons ajouter que cette pustule historique, capitaliste et thermo-industrielle, est vouée à l’effondrement prochain.
* lors d’un colloque organisé par l’association étudiante de droite UNI
** Tristes tropiques de Lévi-Strauss (édition Plon, 1955)
LEMONDE.FR avec AFP | 05.02.12 | Claude Guéant persiste et réaffirme que « toutes les cultures ne se valent pas »
Mais peut etre cherche t il tout simplement la résonnance de ses propos. C’est aussi un coup de pub puisuq’on parle d’eux. Il faut choquer. D’ailleurs il existe des émissions ou des revues spécialisées dans ce domaine.
Guéant est un apôtre du progrès. Rien de bien étonnant donc dans ses propos.
En revanche, la deuxième citation de Levi-Strauss me fait penser à la thèse de Paul Virilio, philosophe de la vitesse, de l’instant ou de l’immédiateté des émotions. « Si tout progrès a son revers, alors, la mise en réseau planétaire prépare la scène de l’accident intégral ».