L’art de ne pas répondre… sur le nucléaire militaire

Le gouvernement français, quelle que soit son obédience, a été de tout temps pro-nucléaire. Lors de la présidentielle de 2012, la dissuasion nucléaire n’a pas fait débat. Même la candidate écolo Eva Joly s’est prononcée contre le désarmement nucléaire ! Une Europe sans armes ni centrales nucléaires, c’est toujours pour demain puisqu’il faut attendre l’impossible consensus commun. Pour le 14 juillet 2014, le ministre de la défense Jean-Yves le Brian montre à quel point le débat est bloqué. Il a l’art de ne pas répondre  à la question quand elle lui est posée par LE MONDE* :

 Question : L’un de vos prédécesseurs, Hervé Morin, propose d’abandonner le nucléaire pour faire des économies sur le budget de la défense. Qu’en pensez-vous ?

 Jean-Yves le Brian : « Je voudrais dire à M.Morin que quand je suis arrivé, j’ai pris son héritage. Et qu’est-ce qu’il y avait dans cet héritage ? Il y avait d’abord le système Louvois, un système invraisemblable, qui était fait pour payer les soldats et qui ne les payait pas. Et puis, les drones, dont on avait tant besoin, qu’il n’a pas achetés, et puis les avions ravitailleurs dont on avait tant besoin, et qu’il n’a pas commandé, et puis les bases de défense qu’il a organisées de manière invraisemblable. Alors, je n’ai pas de leçons à recevoir de M.Morin, surtout pas le 14 juillet. »

                 Pourtant il y aurait tant à dire. Ce qui est invraisemblable, c’est de défendre des intérêts vitaux non définis contre une menace strictement potentielle avec nos 300 têtes nucléaires. Ce n’est pas en menaçant d’éliminer un adversaire, militaires et civils confondus, qu’on donne le bon exemple de la sagesse. La dissuasion nucléaire n’est qu’un résidu sinistre de la guerre froide dans un monde globalement sécurisé. L’« assurance-vie d’une nation » ne peut reposer sur des armes de destruction massive, seulement sur la volonté de tout un peuple à  rejeter toute dictature sur les corps et les esprits, qu’elle vienne de l’intérieur ou de l’extérieur. Nous savons que les véritables menaces ne sont plus d’ordre géopolitique, mais écologique : elles portent pour nom le pic pétrolier, le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources naturelles. De cela et des instabilités géopolitiques qui vont avec, une bombe nucléaire ne peut nous protéger. Jean-Yves le Brian et son gouvernement socialiste ne comprennent rien aux enjeux réels de notre monde contemporain. Le nucléaire civil a ses incompatibilités écologiques et la bombe nucléaire n’est pas écolo. Nous avons mieux à faire qu’entretenir un arsenal d’opérette et ses six SNA (sous-main nucléaire d’attaque) ; cela va bien au-delà des nécessaires économies budgétaires.

* LE MONDE du 15 juillet 2014, « Nous allons lancer l’opération « Barkhane »