Avec la goélette Avontuur, la jeune compagnie québécoise Portfranc a inauguré « la première ligne maritime commerciale carboneutre du XXIe siècle entre l’Europe et l’Amérique du Nord ». Mais avec seulement l’équivalent de trois conteneurs à bord, on est très loin des 20 000 que les cargos transportent en quatorze jours de traversée de l’Atlantique. Il est vrai que Portfranc s’était lancé en 2015 uniquement dans le commerce en ligne de produits de luxe français. Les idées écologiques ne sont-elles compatibles qu’avec un segment du marché, ce qui voudrait dire abandonner le commerce de masse ?
Dans tous les villages de France, il existait encore dans les années 1960 un commerce de proximité qui fournissait la quasi-totalité de ce qui était nécessaire tout en offrant la possibilité d’échanges sociaux. Le marché ne s’est pas imposé facilement car il ne correspond pas à l’état normal d’une société stable mais ses avantages en matière de dissolution des liens traditionnels de subordination ont compensé dans un premier temps la baisse des solidarités traditionnelles. Aujourd’hui on constate que l’établissement du libre-échange a été un cataclysme destructeur. La destruction des communautés de base s’opère par la décomposition des sociabilité communautaires et l’envahissement des modèles culturels issus du monde marchand. Il a fallu forcer paysans et artisans à gagner leur vie en exportant leur travail vers un marché qui s’est mondialisé. Elle a entraîné ainsi la ruine des formes anciennes de production et de protection sociale et la complète exclusion de tous les insolvables par rapport à un réseau commercial qui devient étranger aux pauvres et non plus libérateur. On dit que le commerce est pacificateur puisqu’il se substitue aux dominations ancestrales et aux guerres de prédation. C’est faux. S’il crée des liens d’interdépendance, il est surtout à l’origine de liens de dépendance absolue envers les firmes transnationales et source d’emprise forcenée sur les ressources de la planète. La cohésion socio-écologique n’est possible que si elle permet la cohérence locale contre l’interpénétration mondiale, c’est-à-dire si le commerce est limité au strict minimum des besoins. D’autre part une marine à voile consacrée dans le futur aux produits de luxe ne ferait que reproduire une société inégalitaire.
L’équilibre écologique n’est pas dans le libre-échange entre l’Europe, le Canada, ou l’Asie. Il nécessite le protectionnisme, une démondialisation. C’est une inefficacité totale et un gaspillage éhonté lorsqu’un pays importe et exporte les mêmes biens. L’échange international ne devrait porter que sur une répartition équitable des réserves de minerais et de métaux, à chaque région du monde de recycler ensuite ses propres matériaux. Le monde doit retrouver un développement autocentré comme à l’époque où les difficultés de transport au long cours rendaient difficile l’échange international. Si nous limitions nos besoins à l’essentiel, les forces locales de production et la coopération mondiale suffiraient à couvrir tous les besoins matériels de l’humanité. Certains villages tentent aujourd’hui désespérément de rétablir l’ordre ancien en subventionnant un commerce local. Ils ne réussiront qu’à partir du moment où les cargos, les avions et les camions disparaîtront. Un conseil pour accélérer la transition : valorisez les circuits courts si vous ne pouvez produire ce que vous consommez. Pas besoin de marine à voile pour cela. Ni de Marine le Pen.
* LE MONDE du 24 octobre 2017, Une goélette ressuscite la marine à voile transatlantique
Cette histoire sympathique de « cargo » à voile n’est qu’une opération de com’ et de greenwashing. Clément Sabourin patron de Portfranc compte avant tout faire des affaires, notamment entre l’Europe et le Canada. Business as usual !
– « Notre mission c’est aussi de faire du lobbying auprès des autorités. Il faut que les commerçants qui font du transport vert ne soient pas imposés de la même manière qu’un commerçant qui se lave les mains et continue à émettre des gaz à effet de serre. »
https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/la-rochelle-les-marchandises-voyageront-la-voile-1501938458
Pour en revenir à la question du titre, OUI ! Le retour à la marine à voile est parfaitement possible !
Quant il n’y aura plus de carburants fossiles, et faute d’ici là, d’avoir enfin réussi à pomper le Cosmogol 999… d’où tirerons-nous l’énergie ne serait-ce que pour les transports ?
Ce sera donc le retour des chariottes à traction animale, de la marine à voile et probablement des galères.