D’un côté il y a les méchants. Ils détruisent les forêts pour satisfaire les appétits financiers de leurs firmes multinationales, ils massacrent des tribus indiennes pour favoriser l’exploitation de minerais ou de pétrole, ils ont l’appui de la police. De l’autre côté il y a les gentils. Un groupe d’ecowarriors s’assigne une mission : assassiner à différents endroits de la planète à l’aide de sarbacanes et de fléchettes empoisonnées, des exportateurs de bois exotique, des dirigeants de multinationales et des responsables de la Banque centrale. Les exclus de la mondialisation prennent les armes. Les victimes de la déforestation se vengent dans le sang. Ils parviennent à dérégler le système capitaliste. Ce résumé montre que LE MONDE est du côté des guerriers verts*. Mais il s’agissait seulement pour la journaliste Macha Séry de faire la recension du thriller écolo de Gert Nygardshaug, « Le Zoo de Mengele ».
Un extrait du livre : « Mino avait enfin un but : tuer. Il avait compris qu’il n’y aurait plus jamais de grandes guerres mondiales comme par le passé. Mais une autre guerre était en marche : le terrorisme systématique contre ceux qui avaient le pouvoir de détruire, d’empester et d’oppresser, contre ceux qui n’avaient pas compris l’importance des déplacements des fourmis, la communication sensible des feuilles, la perception exceptionnelle des animaux et la nécessité des concepts environnementaux. Il avait appris qu’il y avait des éco-systèmes, des chaînes d’événements assemblées et forgées au cours d’un lent processus ayant duré des millions d’années. Et que ces chaînes avaient été brutalement rompues par une course aveugle aux profits à court terme. Il n’y avait pas de grâce à accorder. Il ne pouvait pas y avoir grâce (Le Zoo de Mengele, pages 264-265). » A notre avis, ce n’est pas un éloge de l’écoterrorisme, plutôt l’appel à un réseau de résistants à un conglomérat qui fait la guerre à la terre.
Sur ce blog, nous avons parlé souvent des écowarriors**, un mouvement ultraminoritaire qui pose le problème de la violence thermo-industrielle contre la nature et l’homme plutôt que le problème de la violence physique contre des individus. Macha Séry écrit qu’on aurait tort de voir dans le pamphlet antilibéral de Gert Nygardshaug une apologie du terrorisme. Il faudrait prendre ce roman pour ce qu’il est : d’abord un cri d’alarme – au rythme actuel, la moitié de l’Amazonie aura disparu en 2050, voire dès 2030.
* LE MONDE du 15 août 2014, Du côté des guerriers verts
** sur notre blog, articles sur les écoguerriers :
La désobéissance s’apprend, savoir déterminer l’injuste
Un terroriste comme nous les aimons, pirate Paul Watson
Tous ensemble contre les Grands Projets Inutiles
Les Khmers verts et autres Ayatollah de l’écologie
Las! ces gens ne feront pas mieux que les brigades rouges armant leurs illusions d’arme à feu et de coups d’éclat. Il faut être désespérément optimiste pour s’imaginer que l’inefficience de la pensée organique viendra à bout de l’efficience monotone du rationnel. Il faut être enfin devenu complètement aveugle pour ne pas voir que les plumes de méthane du plancher océanique, qui bouleverse encore à la hausse les prévisions, nous déroule le fuseau des Parques en palimpseste lumineux sur fond d’explosion de souffre. Ce n’est pas l’écovillage de la transition, avec ses moeurs qui s’imaginent réinventées, qui nous attend, c’est le bunker technologique de la survie à l’horizon du siècle.