Après une présidentielle à couteaux tirés qui se termine aujourd’hui sur le score que vous allez bientôt connaître va commencer le grand jeu des législatives. La multiplicité des candidatures dans chaque circonscription, le flou des étiquettes traditionnelles droite/gauche, l’éclatement de la gauche en tendances opposées et de la droite qui ne sait plus si elle est d’extrême ou du centre, la grande possibilité de triangulaires où le FN servira d’arbitre, sans parler des députés sortants qui voudront conserver leur fief… nous promettent de grands moments de suspenses. Mais l’intérêt du parlement à venir, c’est que la diversité du nouveau recrutement et la dissolution des grands blocs droite/gauche pourrait permettre la recherche du consensus. Nos députés auront le choix entre une vie politique d’alliances hétéroclites fugaces qui nous ramèneraient aux mœurs de la IVe république ou une nouvelle posture qui nous amènerait à une autre manière de fabriquer les lois.
Il y a un article de la Constitution qui n’a pas eu jusqu’à présent le succès qu’il mérite. Les députés ne forment pas normalement un bloc unitaire et partisan, ils ont toujours le libre choix de leur vote. La place des partis dans le système démocratique est seconde, non déterminante.Selon l’article 27 de la Constitution française, « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel ». A l’origine, Macron voulait exiger de ses candidats la promesse de voter une douzaine de réformes essentielles. Mais c’était illégal aux yeux de l’article 27 ; il n’y a pas d’engagements préalables possibles sur un programme et le vote clanique est normalement impossible. En définitive Macron n’avait demandé qu’un engagement « moral » à soutenir « six chantiers » aux contours relativement généraux, comme « renforcer la sécurité de la nation » ou « moderniser notre économie » . Dans la charte des candidats mélenchoniste aux législatives, la formulation était assez souple : « respecter la discipline de vote du groupe lorsqu’une décision collective a été prise conformément au programme l’Avenir en commun » . Un(e) élu(e) est constitutionnellement libre de son vote même si son groupe d’appartenance essaye d’imposer une discipline de vote qui garantirait une certaine cohérence politique. Le statut d’élu est nominatif et ne dépend pas des partis ; en fait le parlementaire va représenter la France, sa désignation préalable par un parti et même le vote électoral final ne sont que des procédures pour arriver à ce résultat. D’ailleurs un candidat n’est pas obligé d’avoir habité préalablement dans une circonscription déterminée, il y a souvent ce qu’on appelle des « parachutages ».
Trop de votes dans l’hémicycle correspondaient jusqu’à présent à une logique partisane, on vote comme ses camarades car le grand chef l’a dit. Pourtant il suffit d’appliquer cette idée d’un parlementaire votant en son âme et conscience car représentant du peuple français (et non d’un parti) pour que les choses changent. Les votes législatifs doivent reposer sur la conscience personnelle des différents élus, ce qui fait alors qu’il n’y a plus de votes blocs contre blocs. On devrait alors arriver à la recherche d’un consensus entre opinions différentes au lieu d’avoir un affrontement stérile entre majorité et opposition. D’ailleurs le vote de chaque député est à chaque fois publié et les électeurs peuvent à tout moment savoir si « son » élu a agi ou non en fonction du bien public. Quand il s’agit en particulier d’un vote pour faire face à l’urgence écologique, on peut donc discerner qui fait quoi. Cela relativise la polarisation française sur l’antagonisme droite/gauche au parlement. Si dans l’avenir on mettait en place la proportionnelle intégrale pour les législatives, seul moyen d’avoir une Assemblée nationale à l’image du pays, cela ne voudrait pas dire forcément le bordel, l’impossibilité d’arriver à une décision. En reprenant les résultats nationaux des législatives de juin 2012, le PS aurait obtenu 206 députés, l’UMP 190, le FN 95, le Front de gauche 48 et EELV 38. Cet équilibre fragile entre forces de droite et de gauche, 292 députés contre 285, n’est pas un problème si l’intériorisation de l’article 27 par chaque élu rend possible d’arriver à des votes majoritaires malgré la diversité idéologique affichée. L’ingouvernabilité d’un pays tient surtout à l’esprit clanique, que ce soit avec deux partis dominants seulement ou avec une multiplicité de partis. Rappelons enfin que l’écologie n’est pas un vulgaire enjeu partisan, elle est un enjeu politique au sens le plus noble. Ce n’est un sujet ni de gauche, ni de droite, ni du centre, c’est un sujet supérieur. C’est simplement l’avenir et la sauvegarde de la famille humaine et de son écosystème, la planète. Chaque citoyen, élu ou non, devrait se mettre dans la disposition d’esprit de rechercher l’intérêt commun.
Pour en savoir plus, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir », un livre de Michel Sourrouille