« La croissance, j’irai la chercher avec les dents », s’exclamait Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle en 2007. Son successeur François Hollande a psalmodié pendant tout son mandat « croissance, croissance » en espérant inverser la courbe du chômage. Nous sommes en 2017 et les présidentiables courent encore après la croissance. Pour la frontiste Marine Le Pen, « la priorité pour 2017-2022 sera de retrouver la croissance ». Elle prévoit 2,5 % de croissance à la fin du quinquennat mais reste elliptique sur les moyens d’y parvenir. François Fillon veut essayer ce qui marche pour éviter la « croissance molle ». Pour ce candidat de la droite catholique, « libérer la croissance » est un impératif afin d’atteindre le plein-emploi. Emmanuel Macron veut « accélérer l’émergence d’un modèle de croissance réconciliant transition écologique, industrie du futur et agriculture de demain. » Vaste programme, bien flou, bâti sur un plan d’investissement de 50 milliards d’euros. Jean-Luc Mélenchon attribue la situation de croissance « atone » à la politique d’austérité menée depuis 2007. Son plan de relance comprend 100 milliards d’investissement financés par l’emprunt. Quand on aime, on ne compte pas. Seul Benoît Hamon se démarque légèrement : « Je ne crois plus au mythe de la croissance ». Son diagnostic s’appuie sur le constat d’une raréfaction du travail allant de pair avec la robotisation de l’industrie. Mais il veut relancer l’économie par un « revenu universel » et un plan d’investissement de 1000 milliards. Il n’y a pas de limites dans les promesses verbales.
Aucun des présidentiables n’a de conscience des dégâts que fait l’augmentation du PIB ni des limites biophysiques qui vont entraver l’ensemble des secteurs d’activité : raréfaction des ressources, gestion impossible des déchets. N’oublions pas les conséquences des chocs pétrolier de 1973 et 1979 sur le PIB, n’oublions pas que la crise des surprimes de 2008 a été causée par la hausse constante du baril qui a douché les promesses de l’endettement immobilier à risque. Le contre-choc pétrolier actuel est une véritable menace d’un nouveau choc dans les prochaines années. Il peut surgir à tout moment, les marchés et le contexte géopolitique étant connus pour leur instabilité. Et il faut ajouter aux périls le réchauffement climatique et ses conséquences agro-industrielles, la surpopulation humaine, un monde de bidonvilles et d’Etats en faillite, etc. La France ne peut pas être une sphère autonome quand les migrants pour causes socio-politiques s’entassent à ses portes et que la quasi-totalité de sa consommation d’énergie fossile est importée.
LE MONDE* titre dans ses pages éco « Candidats cherchent croissance désespérément » mais veut ignorer que la future croissance économique est obligatoirement sous contrainte écologique. L’informatisation de nos activités a beaucoup moins d’effets réels que la croissance qui brûle du charbon, du pétrole ou du gaz. Le journal s’interroge cependant sur une « stagnation séculaire », mais avec des raisonnements bateaux : le vieillissement la population, la moindre productivité, les emplois de services à bas prix. Alors il s’agirait de viser directement l’emploi plutôt que de chercher à réanimer la croissance. « Post-croissance ne veut pas dire décroissance », s’exclame Dominique Méda, conseillère de Benoît Hamon. L’effondrement de la civilisation thermo-industrielle n’est pas au programme, l’écologie ne doit pas être punitive mais adapté au système consumériste tel qu’il existe actuellement. Il faut donc attendre le prochain choc pétrolier pour que les analyses des spécialistes du présent deviennent enfin plus réalistes…
* LE MONDE du 26-27 mars 2017
Tout a fait de votre avis Michel C, je crains de toutes façons que les limites naturelles de la planète ne mettent tout le monde d’accord, il nous restera la satisfaction de l’avoir deviné avant
Je ne crois pas qu’ « Aucun des présidentiables n’a de conscience des dégâts que fait l’augmentation du PIB ni des limites … »
Parce que je ne peux pas croire qu’aucun des candidats, n’a jamais entendu parler du rapport Meadows, des limites de notre planète, et de la décroissance.
Que certains aient du mal à accepter la réalité, ça je le crois et je le comprends.
JL Mélenchon, alors productiviste… a eu un jour une sorte de révélation … et il s’est converti à l’écologie. Certainement pas du jour au lendemain. Mais il s’est fait vite remarquer par son antiproductivisme. En avril 2009 … dans le n°58 du journal « la décroissance » on pouvait lire ce qu’il pensait de la décroissance. Je me souviens que cette interview avait fait couler un peu d’encre dans le milieu, certains pensant qu’il s’agissait d’un canular, d’un poisson… C’est vrai qu’ils sont assez farceurs au « journal de la joie de vivre ».
En décembre 2012 dans une interview à Reporterre , JL Mélenchon racontait sa « conversion » et il disait : « Je m’interdis le mot croissance ». Au même moment et publiquement il déclarait : « La décroissance n’est pas une option mais une nécessité »
Mélenchon est un malin … il a du vite mesurer à quel point il y a des mots qui bloquent, des mots qu’il vaut mieux ne pas dire. Que lui donnerait la sacro-sainte Opinion aujourd’hui , s’il essayait de vendre la décroissance dans sa campagne ?
Alors bien sûr, même s’il cherche à éviter également l’emploie du mot « croissance », il est bien obligé d’aller sur ce terrain, notamment pour expliquer et défendre son programme économique. Ainsi il dit viser « une croissance de la richesse nationale supérieure à 2 % par an dès l’année prochaine ». Même Jean Gadrey ne comprends pas bien …
Je pense vraiment que Mélenchon est un malin. Déjà en mai 2012, en campagne pour les législatives, il disait : « Le mot croissance ne veut rien dire… la croissance n’a pas le même sens pour les libéraux et la gauche ». Sacré Méluche !
Tout le problème est là. Comment faire admettre à des drogués accros à la conso et au toujours plus,la nécessité de décroître ?
Le mot « décroissance » est un mot-obus. Il est utilisé volontairement pour ébranler, percuter, dans le but de décoloniser les imaginaires.
Certains objecteurs de croissance doutent de son efficacité. Certains préfèrent utiliser « a-croissance » (préfixe a : privatif) , et d’autres préfèrent parler de « post-croissance ».
Moi j’aime bien le mot qui percute. L’essentiel étant que tout le monde comprenne de quoi on parle , et admette enfin que la croissance du PIB n’est pas le remède à tous nos maux, bien au contraire.