Les tours à la conquête du ciel, signe de notre déclin

La tour de Babel s’est effondrée, les tours jumelles sont tombées le 11 septembre 2001. Mumford le disait, just glass-and-metal filing cabinets. Les gratte-ciel sont à l’image de notre démesure, c’est la perte du sens des limites qui signera notre perte.

Pourtant la critique des immeubles qui veulent se faire plus grand que la raison humaine est rare. C’est pourquoi un article du MONDE** mérite d’être signalé : « Shanghai Tower atteindra 632 mètres… La tour de l’assureur Ping An, à Shenzhen atteindra les 660 mètres de hauteur… Toutes les autres villes chinoises veulent la leur… Démonstration de mégalomanie, le milliardaire Zhang Yue envisage de construire la plus haute tour du monde à 838 mètres… Auteur de recherches sur la corrélation historique entre la course vers le ciel et l’avènement des grandes crises, Mark Thornton, économiste à l’institut Mises à Auburn (Etats-Unis), prévient : « La construction des gratte-ciel est un événement précurseur et le signe des troubles économiques d’une région. L’Empire State Building et la tour Chrysler, inaugurés à New York alors que l’Amérique sombrait dans la Grande Dépression, ou les tours jumelles Petronas à Kuala Lumpur achevées après la crise financière de 1997 en Asie du Sud-Est en portent le témoignage… Les tours les plus élevées sont un syndrome d’économies coupées de la réalité. Les gratte-ciel sont juste un symptôme de politiques économiques extravagantes de la part d’un gouvernement… » On veut une tour qui en jette au moment même où la croissance se ralentit en Asie.

« Les villes deviennent si grandes et les forêts si petites. Les gratte-ciel de Manhattan sont trop immenses et rendent l’homme trop petit. »*

* LE MONDE du 4-5 août 2013, les villes chinoises veulent toutes leurs gratte-ciel géants

** Fatu Hiva, le retour à la nature de Thor Heyerdahl (1974, traduction française 1976, éditions du Pacifique)