L’irrationalité écolo n’est pas du côté des accusés

Stéphane Foucart le dit :  « Toute l’inquiétude à l’égard des nanotechnologies ne serait rien d’autre que la manifestation d’une forme aiguë d’irrationalité… La science est à la traîne de la formidable capacité d’innovation de l’industrie. Sachant que la réglementation est elle-même structurellement en retard sur la science, le procès en irrationalité fait aux adversaires des « nanos » prend une dimension assez paradoxale… Car s’il n’est pas raisonnable de prôner l’abandon de la recherche sur ces objets aux promesses si grandes, il ne semble pas non plus très rationnel d’en avoir généralisé l’usage sans en avoir mieux exploré les risques. »*

Qui donc est irrationnel ? Les signataires de l’appel d’Heidelberg (et tous leurs successeurs) qui accusent les autres d’irrationalité ! Démonstration :

– « Nous soussignés, membres de la communauté scientifique et intellectuelle internationale, nous nous inquiétons d’assister, à l’aube du XXIème siècle, à l’émergence d’une idéologie irrationnelle qui s’oppose au progrès scientifique et industriel et nuit au développement économique et social. » Parler « d’idéologie irrationnelle » sans définir de quoi on parle n’est pas très scientifique. C’est d’autant plus suspect que les signataires de cet appel ne relèvent pas tous de l’écologie scientifique, et acceptent à leurs côtés des « intellectuels » non scientifiques. Est-il irrationnel de s’opposer à certaines  techniques ? Ces signataires ne sont en fait que les serviles servants d’un système techno-industriel dont la croissance destructrice n’est pas du tout questionné.

– « Nous demandons par le présent appel que la prise en compte, le contrôle et la préservation des ressources naturelles soient fondés sur des critères d’écologie scientifique et non sur des préjugés irrationnels. » L’écologie scientifique a pour objet de comprendre le fonctionnement de la biosphère, certainement pas de la « contrôler ». Il y a assimilation entre science et techniques, entre recherche et application, qui montre parfaitement qu’on se situe du côté des entreprises et non à la recherche du savoir. D’ailleurs il s’agit selon cet appel de « préserver les ressources naturelles », non de protéger la biosphère : c’est un but utilitaire. Mais que font tous ces signataires pour nous empêcher de brûler toutes nos ressources fossiles comme nous sommes en train de le faire ?

C’est tellement facile d’accuser les autres de sa propre irrationalité au lieu de se remettre en cause. Il s’agit d’un stratagème fréquemment employé, une manipulation qui permet de se blanchir à moindre fait, une disqualification d’autrui pour masquer sa propre turpitude, une perversion mentale… qui peut nuire gravement à la planète et à tous ses habitants.

* LE MONDE du 17-18 novembre 2013, Irrationalité(s)