Jamais l’humanité n’a disposé d’autant de ressources matérielles et de compétences techniques et scientifiques. Personne ne peut croire que cette accumulation de puissance puisse se poursuivre indéfiniment. Des menaces entropique et anthropiques nous assaillent : comment faire obstacle à la puissance potentiellement auto-destructrice sur les hommes et sur la nature ? Comment gérer la violence entre les êtres humains ?
Les initiatives qui vont dans le sens d’une alternative à l’organisation actuelle du monde sont innombrables, portées par des dizaines de milliers d’organisations ou d’associations, et par des dizaines ou des centaines de millions de personnes. Elles se présentent sous des formes infiniment variées : coopératives de production ou de consommation, mutualisme, monnaies parallèles ou complémentaires, mouvements slow food, slow town, slow science, éloge de la Pachamama, mouvements de la sobriété volontaire, de l’abondance frugale, nouvelles pensées des communs, etc. Il est décisif de regrouper leurs énergies, d’où l’importance de souligner ce qu’elles ont en commun. Ce qu’elles ont en commun, c’est la recherche d’un convivialisme, d’un art de vivre ensemble (con-vivere) qui permette aux humains de prendre soin les uns des autres et de la Nature.
Considérations morales
Ce qu’il est permis à chaque individu d’espérer c’est de se voir reconnaître une égale dignité avec tous les autres êtres humains, d’accéder aux conditions matérielles suffisantes pour mener à bien sa conception de la vie bonne, dans le respect des conceptions des autres. Ce qui lui est interdit c’est de basculer dans la démesure (l’hubris des Grecs), i.e. de violer le principe de commune humanité et de mettre en danger la commune socialité. Concrètement, le devoir de chacun est de lutter contre la corruption.
Considérations écologiques
L’Homme ne peut plus se considérer comme possesseur et maître de la Nature. Posant que loin de s’y opposer il en fait partie, il doit retrouver avec elle, au moins métaphoriquement, une relation de don/contredon. Pour laisser aux générations futures un patrimoine naturel préservé, il doit donc rendre à la Nature autant ou plus qu’il ne lui prend ou en reçoit.
Considérations économiques
Il n’y a pas de corrélation avérée entre richesse monétaire ou matérielle, d’une part, et bonheur ou bien-être, de l’autre. L’état écologique de la planète rend nécessaire de rechercher toutes les formes possibles d’une prospérité sans croissance. Il est nécessaire pour cela, dans une visée d’économie plurielle, d’instaurer un équilibre entre Marché, économie publique et économie de type associatif (sociale et solidaire), selon que les biens ou les services à produire sont individuels, collectifs ou communs.
Considérations politiques
Les États légitimes garantissent à tous leurs citoyens les plus pauvres un minimum de ressources qui les tienne à l’abri de l’abjection de la misère, et interdisent progressivement aux plus riches, via l’instauration d’un revenu maximum, de basculer dans l’abjection de l’extrême richesse en dépassant un niveau qui rendrait inopérants les principes de commune humanité et de commune socialité.
Que faire ?
La traduction du convivialisme en réponses concrètes doit bâtir une alternative qui cessera de vouloir faire croire que la croissance économique à l’infini pourrait être encore la réponse à tous nos maux. Toute politique convivialiste concrète devra nécessairement prendre en compte :
– l’impératif de la justice et de la commune socialité, qui implique la résorption des inégalités vertigineuses qui ont explosé partout dans le monde entre les plus riches et le reste de la population depuis les années 1970.
– le souci de donner vie aux territoires et aux localités, et donc de reterritorialiser et de relocaliser ce que la mondialisation a trop externalisé.
– l’absolue nécessité de préserver l’environnement et les ressources naturelles.
– l’obligation impérieuse de faire disparaître le chômage et d’offrir à chacun une fonction et un rôle reconnus dans des activités utiles à la société.
Ce texte est un abrégé du Manifeste convivialiste, publié le 14 juin 2013 aux éditions Le Bord de l’eau (40 p, 5 €). Les lecteurs qui se sentiront en accord avec les principes qu’il expose peuvent déclarer leur soutien à l’adresse Internet suivante : http://lesconvivialistes.fr ou https://www.facebook.com/LesConvivialistes.