Nicolas Hulot est devenu ministre d’État le 17 mai 2017, à 32 ans, il y a un an. « Transition écologique et solidaire », pas facile pour lui de mettre en œuvre cet objectif. Beaucoup trop facile de l’attaquer sur son bilan actuel. Un professeur de sciences po, Simon Persico*, déverse sa bile : « Hulot a privilégié une stratégie d’accompagnement d’Emmanuel Macron… Les réformes qui ne sont pas adoptées la première année du mandat ont beaucoup de chances de ne pas l’être par la suite… Ces actions prolongent le travail de ses prédécesseurs, quand il ne s’agit pas d’appliquer des lois déjà votées… Il est permis de douter qu’il mène à bien les propositions (modestes) du candidat Macron. Si l’on passe sur les vœux pieux, comme celui de créer une Organisation mondiale de l’environnement, on voit mal comment Nicolas Hulot va réussir à diviser par deux la pollution atmosphérique, va atteindre son objectif de doubler, d’ici à la fin du mandat, la capacité en énergie éolienne et solaire … En matière d’écologie, aucune réforme d’ampleur n’est en vue… Alors qu’il était le fer de lance du mouvement écologiste il y a moins d’un an, Nicolas Hulot s’en éloigne progressivement… Sa cote de popularité a perdu près de vingt points en un an… »
La frontière est étroite entre compromis et compromission. Mais soyons objectif, la tâche d’un ministre écolo est surhumaine. Le problème global de Nicolas Hulot, c’est qu’il devrait aller à contre-sens de la marche actuelle de la société thermo-industrielle et obtenir pourtant l’arbitrage favorable du 1er ministre, ce qui paraît impossible dans le contexte actuel, libéral-croissanciste. Le problème personnel d’un ministre de l’écologie, c’est qu’il doit éviter d’être contaminé par les habitudes de pensée des autres membres du gouvernement qui pensent majoritairement business as usual et croissance à n’importe quel prix. Or l’appartenance à un groupe, ici le gouvernement, implique d’être amené subrepticement à penser comme le groupe. C’est le phénomène de l’interaction spéculaire, comme dans un miroir, on fait ainsi parce que les autres font de même et s’attendent à la réciproque. En 1995, Nicolas pouvait écrire : « Je passais en revue le spectacle politique, médiatique, judiciaire qui souvent nous égare. Je me méfie comme de la peste de ces influences sournoises qui diffusent et s’immiscent sans éveiller la conscience. Il faut savoir se rebeller contre toutes ces dépendances et conserver son libre arbitre : être rebelle pour choisir ensuite. » Difficile de nager contre le courant dominant. Le troisième problème est temporel. Un ministre de l’écologie ne peut pas faire tout en même temps, il doit donc décider d’un calendrier programmatique, ce qui laissera de côté bien des domaines d’action. De plus il devra gérer en priorité les événements de court terme, ce qui l’empêchera de prendre le temps de préparer le long terme pour les générations futures. Il est impossible de défendre véritablement la cause écologique dans un gouvernement qui n’est pas à 100 % écolo, dans une France où nos ressortissants sont arc-boutés sur leur privilèges et leur niveau de vie, dans une Europe ressassant les slogans usés de la concurrence libérale et de la compétitivité, dans une cacophonie mondiale où les nations du monde entier sont allergiques à la pensée du bien commun. Alors il faut pardonner à Nicolas ses insuffisances…
Début novembre 2017, Nicolas avait donné rendez-vous à la fin 2018 pour savoir s’il restait ou non au gouvernement : « Regardez la différence de culture entre Edouard Philippe, Emmanuel Macron et moi, nous venons de planètes différentes ! Si vous réagissez trois fois par une menace, au bout de la quatrième, vous n’êtes plus crédible. Je n’avançais pas sur un chemin de pétales de roses, mais j’avançais. J’ai appris à faire des concessions, j’ai appris à gérer la complexité. Je suis le seul à connaître mes lignes rouges, mais la première ligne rouge, c’est l’instant où je me renierai. Je ne me donnais pas des limites tous les jours, contrairement à la petite musique ambiante. » En fait Nicolas n’a qu’une arme à sa disposition, la menace de la démission. Encore faut-il qu’il agisse ainsi en soutien d’une réforme d’envergure, mais on ne voit pas s’en dessiner aujourd’hui les contours. Il lui reste six mois pour montrer jusqu’où il est prêt à aller…
* LE MONDE du 10 mai 2017, Nicolas Hulot, un bilan en deçà des attentes
Mais il va faire quoi s’il démissionne? En étant au gouvernement, il fait du Nicolas Hulot (je ne vois pas de compromis, avant il greenwashait déjà les grandes entreporises avec sa fondation).
Michel Dubromel, président de France Nature Environnement : « de nombreux chantiers ont été ouverts depuis un an mais au-delà de certains affichages, ils n’intègrent pas les priorités environnementales et les urgences climatiques, comme on peut le constater dans nombre d’arbitrages gouvernementaux. Les objectifs et avis du ministre d’Etat en charge de la Transition Ecologique et Solidaire sont insuffisamment pris en compte, en tout cas pas au même niveau que ceux d’autres ministères. Le plus souvent en raison d’objectifs économiques de court terme ou en réponse à des lobbies actifs. Le gouvernement peut et doit mieux faire dès les prochains mois en matière de transition écologique, tant en définissant des objectifs concrets et adéquats qu’en ce qui concerne les moyens dédiés ».