No limits, nous n’avons pas quitté l’âge de nos deux ans

Carolyn Baker : « A deux ans, un enfant aime croire qu’il est omnipotent et qu’il n’a absolument aucune limite. Cependant son développement nécessite qu’en plus de pouvoir dire non il puisse admettre qu’on lui dise non sans appel. L‘une des raisons pour lesquelles les parents et les psychothérapeutes parlent de cet âge comme d’un âge terrible est qu’ils doivent toujours maintenir un équilibre délicat entre le droit des enfants de dire non et la nécessité d’imposer certaines limites à leur comportement. La technique d’infantilisation de la civilisation industrielle est insidieuse à cause de sa capacité à capter l’enfant de deux ans en nous et à laisser croire qu’il n’existe pas de limites et que nous pouvons avoir tout ce que nous voulons. Le refus de la civilisation industrielle d’accepter des limites n’a pas seulement rendu les humains narcissiques, cupides et possessifs, il les a aussi empêché de développer la maturité suffisante pour s’engager à laisser à leurs enfants un monde sain et sécurisé.

La raréfaction de l’énergie et la crise économique mondiale garantissent que les ressources qui nourrissent actuellement le mode de vie de la classe moyenne des États-Unis ne seront plus accessibles. Le pic pétrolier signifie non seulement des prix à la pompe follement volatils, mais des prix qui montent en flèche pour les aliments et beaucoup d’autres biens. La génération de la Grande Dépression a connu les pénuries et nous en ferons aussi l’expérience, mais les États-uniens sont incapables d’imaginer à quel point l’effondrement rognera leur mode de vie. En fait, quand j’ai soulevé ces questions en public, les réponses laissaient parfois entendre que de devoir limiter sa propre consommation n’était rien moins qu’anti-patriotique, reflétant ainsi le sentiment d’exception de citoyens à qui tout semble dû. Une autre réaction fréquente est de m’accuser d’être désespérément négative et obtuse puisque la technologie trouvera toujours une solution…

Bien que l’effondrement apporte des épreuves et des sacrifices, il apporte aussi des opportunités. Ceux qui le savent seront capables de naviguer consciemment dans les méandres de la grande transition. L’enfant de deux ans omnipotent qui refusait auparavant d’accepter des limites aura la possibilité de grandir et de devenir un adulte capable de choisir ce qui est souhaitable pour lui, la communauté et la terre. »

in L’effondrement (petit guide de résilience en temps de crise)

aux éditions écosociété 2015, 154 pages pour 10 euros

1 réflexion sur “No limits, nous n’avons pas quitté l’âge de nos deux ans”

  1. « la raréfaction de l’énergie », chère Carolyn n’est pas tout à fait exacte. Tant que le soleil réchauffera notre bonne vieille terre, il y aura du vent, des marées, des courants marins, des végétaux, arbres et animaux (y compris l’homme) donc des muscles.
    Il faut réinventer des modes d’utilisation des énergies renouvelables, les améliorer, en inventer de nouvelles et surtout ne plus gaspiller à tous les niveaux de nos civilisations énergivores.
    Pour le reste je suis d’accord, une prise de conscience du plus grand nombre est indispensable pour infléchir la courbe qui nous conduit à la catastrophe.
    Il est grand temps de prendre en compte les besoins vitaux des pays émergents.
    Le grand écart existant entre les pays industralisés et le reste du monde est insupportable. Notre défi d’aujourd’hui est de rétablir l’équilibre du monde en réduisant notre appétit de produits inutiles et en apportant aux pays pauvres le savoir donc l’autonomie.

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