la politique autrement, non à la professionnalisation

L’élection correspond à un système délégataire plutôt que représentatif, avec des élus inamovibles jusqu’à la fin de leur mandat. Mais ce n’est pas le plus grave. Aujourd’hui, la politique est un métier*. Le stade ultime de la professionnalisation, c’est l’absence ­totale de passage par une vie professionnelle autre que la politique. Ce phénomène touche tous les partis, à droite comme à gauche. Par exemple François Fillon, ancien Premier ministre et présidentiable pour 2007, a commencé sa carrière politique comme assistant parlementaire en 1976, à 22 ans. L’activité politique ­professionnelle apparaît progressivement avec les premiers partis politiques, l’instauration d’indemnités versées aux élus et l’élargissement des interventions de l’Etat. A partir des années 1980, cette évolution est renforcée par la décentralisation.

Aujourd’hui, la politique est devenue une activité différenciée, spécialisée, permanente et rémunérée. En créant un monde à part, la professionnalisation a en outre l’inconvénient de renforcer les logiques corporatistes. Le milieu politique est le plus souvent tout entier affairé autour des enjeux spécifiques qui le structurent – les alliances, les candidatures, les remaniements… Pour obtenir un mandat, il faut être patient, renoncer à sa vie personnelle et faire énormément de sacrifices. Lorsque le seuil de la professionnalisation est franchi, l’élu cherche donc à se maintenir dans le jeu le plus longtemps possible. Les mandats sont à durée limitée mais ­l’engagement politique est souvent appréhendé dans une forme d’irréversibilité. Pour contrer ce système pervers, la lutte contre le cumul des mandats est nécessaire. Le mandat unique, et surtout sa limitation dans le temps, permettrait de faire respirer la démocratie. Faciliter le retour à l’emploi est un méthode complémentaire. Le nouveau statut de l’élu local permettra aux maires des villes de plus de 100 000 habitants de réintégrer leur entreprise à la fin de leur mandat. Il fait cependant l’impasse sur les élus nationaux. Mais on peut aussi faire de la politique autrement.

Un changement de perspectives dans les modalités de la démocratie est possible. Jacques Testard a bien argumenté les procédures de tirage au sort et de conférences de citoyens dans son livre « Comment les citoyens peuvent décider du bien commun, l’humanitude au pouvoir » (Seuil 2015, 158 pages pour 17 euros)

* Le Monde.fr | 10.03.2016, La professionnalisation des politiques, un verrou français