Nous sommes 7 milliards, Ariel Sharon est de trop

Ariel Sharon survit depuis le 4 janvier 2006 sous respiration artificielle, à la suite d’un grave accident cérébral *. Ariel Sharon est un patient qui coûte cher : 1,5 millions de shekels (296.000 euros) par an. Ariel Sharon est-il de trop ?

Ariel Sharon a été un facteur important du conflit entre Palestiniens et Israéliens. Le 16 et 17 septembre 1982, dans un secteur « sécurisé » par le ministre israélien de la défense Ariel Sharon, eut lieu un génocide dans deux camps de réfugiés palestiniens (Sabra et Chatila). Le 26 septembre 2000, Ariel Sharon annonce son intention de se rendre sur l’esplanade des mosquées… il déclenche volontairement la deuxième Intifada. Le 6 juin 2004, Ariel Sharon fait adopter un plan de désengagement des colonies de la bande de Gaza… pour mieux poursuivre la colonisation en Cisjordanie. Pourtant les juifs ne sont pas chez eux en Palestine ! En 1880, il n’y avait là que 20 000 juifs installés de longue date. Depuis les immigrations successives ont changé la donne, et la colonisation de la Cisjordanie demeure dans la continuité du sionisme. Dans ces conditions, le conflit israélo-palestinien ne peut que perdurer et les violences dévaster les esprits, les corps et les territoires. Ariel Sharon aurait mieux fait de défendre la décision de l’Assemblée générale des Nations-Unies du 29 novembre 1947 qui recommandait l’établissement d’un Etat juif, mais aussi d’un Etat arabe. Il en est donc d’Ariel Sharon comme d’Hitler, ils auraient mieux fait de ne pas naître. Mais on ne peut revivre le passé.

Par contre on peut débrancher Ariel Sharon ! Le judaïsme reste intransigeant sur le thème de la défense de la vie « jusqu’à son terme naturel ». Mais Ariel Sharon n’était pas du tout religieux (dans un Etat juif !). Ariel Sharon pourrait donc être débranché. Et qu’appelle-t-on « naturel » ? La Knesset a voté à la mi-décembre 2005 un texte qui assouplit la loi religieuse juive. Ce texte autorise non pas l’euthanasie – le mot n’est pas prononcé -, mais l’arrêt des soins qui prolongeraient inutilement la vie humaine. Ariel Sharon pourrait donc être débranché. Autrefois, c’était la mort du corps qui avait de la valeur, aujourd’hui c’est la mort du cerveau. En France, la première déclaration d’un code sémiologique de la mort chez des personnes souffrant d’atteintes neurologiques sévères a été faite dès 1966. Comme tout fait social, la mort n’est qu’un problème de définition.  Et les définitions peuvent se modifier selon notre perception de ce qu’est le sens de l’existence humaine. Il nous faut sans doute accepter de laisser mourir dans la dignité, surtout si nous avons eu une vie indigne.

A l’heure où l’espèce humaine va dépasser 7 milliards de représentants sur une planète qu’elle a dévastée, l’arrêt des machines qui maintiennent artificiellement en vie Ariel Sharon aux frais des contribuables serait une bonne chose.

* LE MONDE du 23 octobre 2011, La dernière guerre d’Ariel Sharon