Quarante ans après la publication de son livre The population Bomb, le scientifique Paul Ehrlich persiste et signe : la surpopulation – associée aujourd’hui à la surconsommation – est au centre de la crise environnementale à laquelle la planète est confrontée.
« En quelque 60 millions d’années, Homo sapiens est devenu l’animal dominant de la planète. Nous avons de plus en plus utilisé ce pouvoir pour épuiser le capital naturel de la planète, notamment ses terres agricoles profondes et riches, ses nappes phréatiques constituées durant les périodes glaciaires et sa biodiversité. Cette tendance est en grande partie due à la concomitance entre croissance démographique et augmentation de la consommation par habitant, une combinaison qui ne peut se poursuivre encore longtemps sans que risque de s’effondrer notre civilisation désormais mondiale.
L’impact négatif de notre espèce sur nos propres mécanismes régulateurs de la biosphère peut être plus ou moins rendu par l’équation I = P.A.T. Dans cette équation, la taille de la population (P) est multipliée par la consommation moyenne de ressources par individu (A pour « affluence »), elle-même multipliée par une unité de mesure de la technologie (T) qui actionne et entretient la consommation. Le produit de P, A et T est l’impact (I), une estimation du niveau de dégradation, par les hommes, des services écosystémiques dont ils dépendent. A en croire les médias ainsi que les déclarations de nos hommes politiques, les problèmes environnementaux, tels qu’ils sont reconnus aujourd’hui, peuvent être résolus par des changements mineurs en matière de technologie et de recyclage (T). Des véhicules ultralégers et économes en carburant présenteront de toute évidence des avantages à court terme, mais au fur et à mesure que la population et la consommation augmenteront, ils rejetteront toujours plus de dioxyde de carbone (et de caoutchouc vaporisé) dans l’atmosphère. Aucune avancée technologique ne permettra que la population ou l’abondance matérielle continuent à augmenter. Et face à cet état de fait, il est pour le moins étonnant de traiter par le mépris les deux problèmes, pourtant si liés, de la population et de la consommation.
Chaque habitant qui vient aujourd’hui s’ajouter à la population provoque en moyenne plus de dégâts que la personne précédente sur les fragiles mécanismes de régulation de la biosphère, toutes choses égales par ailleurs. Et la raison est simple : Homo sapiens est devenu l’animal dominant grâce à son intelligence. Les paysans n’ont pas commencé par s’installer sur des sols pauvres où l’eau était rare, mais dans de riches vallées fluviales. C’est là que la plupart des villes se sont développées, là, donc, que les sols riches sont à présent recouverts pour construire des routes et des banlieues et que les sources d’approvisionnement en eau sont polluées ou surexploitées. Résultat : pour pouvoir supporter davantage d’habitants, il faut se déplacer vers des terres toujours plus pauvres, creuser des puits toujours plus profonds ou exploiter des sources toujours plus lointaines pour obtenir de l’eau. Il faut ensuite dépenser plus d’énergie pour transporter cette eau sur des distances toujours plus grandes afin d’approvisionner champs, habitations et usines.
Alors pourquoi n’accordons-nous pas d’importance à la question de la surpopulation ? A droite, les tentatives gouvernementales de contrôle des naissances relèvent de l’anathème puisqu’on considère que le rôle de l’Etat dans les chambres à coucher doit se limiter à forcer les femmes à mener à terme les grossesses non désirées. A gauche, on craint, non sans raison, que le contrôle des naissances puisse avoir des relents racistes ou discriminatoires s’il est destiné, par exemple, à réduire le nombre de populations minoritaires ou pauvres. En outre, certains leaders religieux continuent à vanter la sur-reproduction auprès de leurs ouailles. Mais la responsabilité revient principalement à l’ignorance qui conduit les principaux médias, y compris des journaux comme le New York Times, à camper sur leurs positions natalistes. Ainsi, on pouvait lire dans un article du Times du 29 juin qu’on assiste actuellement à une chute des naissances dans les pays industrialisés, les Etats-Unis, dont la population continue à augmenter, constituant une « heureuse exception« .
Le silence qui entoure le facteur surconsommation (A) dans l’équation I=PAT est plus facile à expliquer. En effet, la consommation continue à être perçue comme un bienfait par de nombreux économistes, hommes d’affaires importants et hommes politiques, pour qui l’augmentation de la consommation est la panacée à tous les maux économiques. Trop de chômage ? Poussons donc les gens à acheter un 4×4 ou un nouveau réfrigérateur. La croissance perpétuelle est la raison d’être de la cellule cancéreuse, mais les économistes de bas étage n’ont pas d’autre idée. Certaines économistes de renom commencent pourtant à aborder la question de la surconsommation, mais le problème et ses solutions restent difficiles à analyser. Il faudrait donc que des chercheurs mettent au point des préservatifs anticonsommation ou encore une pilule du lendemain post-frénésie de soldes. Et, bien sûr, il y a la fâcheuse question de la consommation dans les pays pauvres. Une minorité non négligeable des pays émergents possède la richesse suffisante pour acquérir les habitudes de consommation des pays développés (par exemple : manger beaucoup de viande et acheter des voitures). La régulation de la consommation est bien plus complexe que celle de la démographie et il est nettement plus difficile de trouver des solutions humaines et équitables à ce problème.
Notre animal dominant est en train de gaspiller son intelligence et ses formidables accomplissements. En effet, le sort de notre civilisation est actuellement entre les mains de décideurs qui regardent délibérément du côté du confort et du profit immédiats. Il faut débattre et décider si nos congénères veulent un maximum de personnes sur terre vivre avec un niveau de vie minimum ou bien une population beaucoup plus restreinte qui permette aux individus d’avoir le choix entre plusieurs styles de vie. Comment parvenir à un changement qui concerne tout, depuis les politiques démographiques et la transformation des systèmes énergétiques, industriels et agricoles à travers le globe jusqu’aux relations Nord-Sud et interreligions en passant par les positions militaires ? Voilà bien un défi titanesque pour tout un chacun. Hommes politiques, industriels, écologistes, sociologues, simples citoyens et médias doivent participer aux débats. Est-ce possible ? Cela reste à prouver. Mais certaines sociétés ont accompli des transitions majeures dans un passé récent, comme le prouvent la révolution des droits civiques aux États-Unis ou l’effondrement du communisme en Union soviétique. »
L’animal dominant, évolution démographique et environnement de Paul et Anne Ehrlich (2008)
Pardon, je me suis trompé de link à propos de mon article sur la population dans une revue latino-américaine de sciences sociales
periodicos.ufpe.br/revistas/realis/article/view/249033
Je n’étais pas occurrent que Paul Ehrlich préconisait la stérilisation forcée des femmes pauvres. C’est drôle. Il n’a pas pensé lui-même à se faire vasectomiser avec deux gros cailloux percutés avec force contre leur bourse. Comme le faisaient les Arabes au Caire avec les esclaves noirs expédiés au Moyen-Orient – des eunuques, de sorte à les empêcher de procréer. L’avantage de cette méthode traditionnelle sur la méthode aseptique moderne : elle est zéro émission de CO2.
Je n’étais pas au courant de cette technique des deux cailloux. Je pense alors que l’expression «casse-burnes» (et autres) vient de là. N’empêche que les deux cailloux c’était il y a très longtemps, on ne va quand même pas prôner le retour Moyen Age. Ni renoncer à certaines techniques, surtout celles à zéro émission de CO2. Le casse-noix, par exemple. 🙂
Je vous invite à lire mon article publié dans une revue latino-américaine à propos de la population, mais en portugais. Le traducteur de Google peut aider, en faisant un peu de CO2.
Link: file:///C:/Users/User/Downloads/249033-195666-4-PB.pdf
Le P de l’équation doit être pondéré en termes d’impact géographique et de magnitude. Lorsqu’on traite de l’impact (I) et de population (P), il serait important d’intégrer le facteur géographique (si local, régional ou mondial) et le facteur magnitude (si réversible ou irréversible). La population ayant des taux de natalité les plus élevée provoque des impacts plutôt locaux/régionaux et réversibles que celles à taux peu importants. Onfray, quand il mange un steak ou il fait un « live », cause plus impacts globaux et irréversibles que les 10 Africains qu’il a fait mention. Il lui faudrait, peut-être, faire la distinction de la part de la déforestation causée par l’augmentation de la population, de la part destinée à produire le steak qu’il mange. Moi aussi. La population est un problème complexe, il faut la réduire, certes, mais délicat. Qui en est de trop ?
Que voulez-vous, on vous dira que l’équation I=PAT est très bien comme ça. Elle est simple, simpliste, voire simplette, c’est comme on veut. Quant à Onfray, si encore il n’avait que ça comme impact. Je pense qu’il ferait bien lui aussi de se taire. Pour le Bien Commun bien sûr.
Les antinatalistes, dénatalistes et autres (néo)malthusiens pensent que le problème du (sur)nombre est plus important que celui de la Surconsommation. Ce n‘est pas qu’ils négligent ce dernier, ils ont besoin de placer l’autre en N°1.
Paul Ehrlich dit : « La régulation de la consommation est bien plus complexe que celle de la démographie et il est nettement plus difficile de trouver des solutions humaines et équitables à ce problème. »
Que le problème de la Surconsommation soit complexe et difficile à résoudre, c’est évident.
Mais pourquoi le serait-il plus que celui du (sur)nombre ?
Pour résoudre le problème de la Surconsommation, on pourrait pour commencer interdire la Pub, l’obsolescence programmée, la production de gadgets etc. Paul Ehrlich imagine plutôt «des préservatifs anticonsommation ou encore une pilule du lendemain post-frénésie de soldes».
Par contre pour régler celui de la (sur)population, à la différence de la plupart des antinatalistes qui se limitent à prôner la Capote et la Pilule (planning familial), lui n’hésite pas à mettre en avant la stérilisation forcée, pour certaines femmes. Au moins de ce côté là il faut lui reconnaître une certaine cohérence. Compte tenu des limites du planning familial (l’inertie etc.) voilà donc La Solution, «humaine et équitable». Bref, de ce point de vue là on peut en effet penser que le problème du (sur)nombre est plus facile à résoudre. Quant à dire que ce serait d’une façon humaine et équitable, faut quand même pas exagérer.
Seulement le fait de voir les choses comme ça (comme je les vois et les commente) fait de vous un nataliste de facto. Et/ou un imbécile qui n’a toujours rien compris, un de ces «cons qui font la désertification» (comme dit Tarrier).
De même, le fait dans ces «débats» (pseudo-débats) d’évoquer ces méthodes radicales, l’eugénisme etc. fait de vous un médisant. Quelqu’un qui prête de mauvaises intentions aux antinatalistes «politiquement corrects», qui bien sûr ne sont animés que par le Bien Commun, l’avenir des générations futures, des petits oiseaux et des baleines etc.
C’était juste pour réinviter encore une fois les gens bien intentionnés à faire très attention. Qu’ils se disent que de toutes façons ce problème va se régler très vite.
– « Alors pourquoi n’accordons-nous pas d’importance à la question de la surpopulation ?»
Toujours la même rengaine, la même tambouille, avec en entrée l’incontournable Tabou. Celui-ci fait dans la Grande Cuisine, celui-ci nous livre l’Explication : « à droite ceci et cela, à gauche n’en parlons pas, et puis les papes et les curés, et patati et patata.»
Pas d’importance, qu’il nous dit ! C’est c’là oui ! C’est comme si nous disions que nous n’apportons pas d’importance à la question de la pollution, ou à celle de la biodiversité etc. Comme si l’absence d’une grande messe annuelle, assortie d’un rapport d’un groupe international d’experts sur la Question, suffisait à dire que cette question n’a pas d’importance. Mais quelle mauvaise foi !
Et ça nous apporterait quoi, de plus et de mieux, que la question de la (sur)population soit traitée de la même manière que celle du Climat ? Suffit déjà de voir ce que ça donne de ce côté là.
Et pour dire à quel point la Question est taboue, à quel point elle n’a pas d’importance, en 2017 ce bouffeur de papes et de curés, cet apôtre de la stérilisation forcée, est allé prêcher jusqu’au Vatican. Faut comprendre. Vu que les églises se vident, que tout fout le camp, notamment les vieilles valeurs, il faut saisir l’occasion. Et faire en sorte que la Question prenne encore plus d’importance, toujours plus ! Faire en sorte qu’elle soit classée N°1 au Top 50. Qu’elle fasse tous les jours la une de tous les merdias. etc. Comme je ne crois pas que nous en sortirons grandis, ce sera sans moi. Misère misère !