Le dernier-né des anticancéreux, le Kymriah, atteint la somme exorbitante de 475 000 dollars (400 000 euros) aux USA. Le coût annuel de la prise en charge des cancers en France et de 16,7 milliards.* Les dépenses de l’Assurance-maladie dans le cancer restent principalement liées aux hospitalisations et aux traitements « classiques » (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie avec des molécules anciennes), mais l’essentiel de la hausse des dépenses vient de médicaments très onéreux, avec un surcoût qui pourrait atteindre 1 à 1,2 milliard d’euros par an dans les prochaines années.* On ne peut que s’interroger sur les arbitrages à faire pour financer de telles dépenses. Ce qui est donné en soins de santé est autant de moins pour le reste des activités humaines. Avec le train de vie moyen des Français, nous avons déjà besoin de trois planètes. Jusqu’à la fin 2017, pour continuer à boire, à manger, à nous chauffer ou à nous déplacer, nous allons grandement surexploiter les écosystèmes et compromettre leur capacité de régénération. Comment arbitrer entre l’hospitalisation et l’alimentation ? Entre le nécessaire et le superflu, où est la limite ? Telle est le genre de question fondamentale à laquelle doit répondre l’écologie politique… et les gouvernants en place.
Il faut avoir une vision approfondie de l’efficacité comparée des médicaments. Il fut un temps où les prescriptions médicamenteuses correspondaient à des préparations effectuées par le pharmacien dans son officine. A cette époque les noms chimiques des substances entrant dans la composition des ordonnances constituaient un langage commun pour les médecins, les pharmaciens et les malades. Désormais la pharmacopée se résume aux spécialités des laboratoires, c’est-à-dire des médicaments élaborés de manière industrielle. Il y a maintenant près de 7000 marques qui se font concurrence alors que la dénomination commune internationale (DCI), l’espéranto du médicament, ne compte que 1700 substances thérapeutiques. Étude bien oubliée, une « commission de la transparence » avait évalué en France 1100 médicaments ordinaires : un quart n’avait pas fait la preuve de son efficacité. On peut douter de l’efficacité durable de beaucoup des anticancéreux actuels.
Il faut aussi avoir une approche crédible de ce qui mérite d’être soigné et de ce qui pourrait être qualifié d’acharnement thérapeutique. Pour guérir une angine, pas besoin de médicaments. Un peu de jeûne et 15 jours de lit suffisent. Le médecin sait cela, mais l’ouvrier qu’il soigne doit vite reprendre son travail. Alors on le dope et il est remis sur pied en deux jours ! Pour guérir un cancer, la médecine douce ne suffit pas, il faut se positionner collectivement sur le rapport avantage/coût. Mais la question personnelle que devrait se poser le patient c’est : ma vie vaut-elle la peine qu’on sacrifie beaucoup de ressources pour me maintenir en vie ? Il faut aussi savoir mourir quand l’heure est venue…
* Le MONDE éco du 8 septembre 2017, L’incroyable inflation des prix des médicaments
Une médecine qui est devenue apte à prolonger quasi indéfiniment des vies qui n’en sont plus n’est pas une bonne médecine.
Absolument toute maladie mérite d’être soignée. Si le patient veut être soigné, il est légitime qu’il soit soigné.
Si le placement souhaite ne faire l’objet d’aucun acharnement thérapeutique et désire qu’on le laisse mourir, alors il faut le laisser mourir. Mais il est impératif que cette non-guérison ne soit pas contre le gré du patient.
Le patient doit légitimement avoir le choix, et il ne méritera aucun reproche. Quel que soit son choix, il sera forcément bon.