Ce serait une étrange erreur que penser conserver la Nature en maintenant inchangé le système économique qui la détruit. Matérialisme, libéralisme, urbanisation aggravent en effet considérablement la pénurie de Nature résultat de l’encombrement de l’espace par la croissance démographique et économique. Tant que notre civilisation matérialiste donnera au milieu naturel une grande valeur lorsqu’il est détruit, une valeur faible lorsqu’il est sauvegardé, comment s’étonner qu’il disparaisse ?
La seule réponse, la clef de voûte de cette construction nouvelle est la socialisation de la Nature. Ce serait reconnaître qu’elle est le bien commun universel, qu’elle doit être ouverte à tous et que son maintien est une mission de service public. D’où la nécessité d’affecter une forte part du Revenu National à un « budget de la Nature » et d’en faire supporter le poids principal aux responsables des nuisances : les pollueurs doivent être les payeurs. Cette civilisation nouvelle devra donner la primauté aux biens immatériels sur les biens matériels, au socialisme sur le libéralisme, à la ruralisation sur l’urbanisation.
[Philippe Saint Marc, Socialisation de la nature (Stock, 100 000 exemplaires vendus en 1971)]
En 1972, René Richard propose à Philippe Saint-Marc de rédiger une charte de la nature. L’objectif est double. Il s’agit d’abord de mobiliser l’opinion publique autour d’un projet de protection de la nature et, par ce biais, de faire pression sur les pouvoirs publics. Il s’agit également de provoquer chez les associations de protection de la nature un « saut qualitatif », en les amenant à prendre en compte l’ensemble du champ de l’environnement, concept neuf à l’époque. Il faut près d’un an et une vingtaine de réunions pour élaborer cette charte qui paraît le 14 novembre 1972. La charte recueille environ 300 000 signatures dont celle de François Mitterrand.
ART. 1 Le droit à la Nature doit être l’un des fondements de toute civilisation. Il est l’une des conditions de sa survie et de son progrès.
ART. 2 -Sur une terre où l’homme détruit de plus en plus, la surpopulation est incompatible avec la sauvegarde du milieu naturel.
ART. 3 Qui détruit la Nature doit payer : une taxation de toutes les formes de nuisances doit faire payer aux responsables le prix de la prévention ou sinon de la réparation.
ART. 10 L’écologie ignore les frontières politiques. La Protection de la Nature exige une communauté d’action à l’échelle européenne et à l’échelle mondiale et la renonciation aux souverainetés nationales. Elle nécessite la constitution d’Autorités internationales disposant de pouvoirs réels et de crédits importants.