Voici venu le temps de l’immobilité…

En 1968, 2 % seulement de l’humanité franchissait une frontière, 60 millions de personnes. Aujourd’hui 20 %, soit un milliard et demi. Face à ce bougisme pendulaire (on part d’un endroit pour revenir au même endroit), la période de confinement est propice à la réflexion sur place. Ainsi Jean Viard divague sur les chemins de traverse, de cette pandémie doit naître un code mondial du voyage. A son avis voyager, c’est l’internationalisme qui triomphe, une humanité en cours de construction, au-delà de ses différentes cultures et nationalités. Il n’attend qu’une chose du post-Covid, la remise en route des activités touristiques : «  On devrait retrouver la passion de découvrir cette terre dont les hommes ont fait un monument… » Mais avec un minuscule bémol,  « des voyages qui respectent un code mondial du voyage, avec des séjours moins intrusif et moins polluant. Viard ajoute le fond de sa pensée : « Ne laissons pas les ennemis des mobilités régir le monde. L’humain est une espèce migrante. » Encore un anti-écolo qui croit que les migrations de masse sont encore de saison sur une planète close et saturée d’humains. Rétablissons les faits.

Le réchauffement climatique et la déplétion pétrolière impliquent inéluctablement de refuser les voyages en avions et le tourisme d’éloignement. Les périodes de confinement ne sont qu’un avant-goût de ce qui nous attend, attestations de sortie, contrôles aux frontières, limitations des déplacements. « Voyager local », cette expression de Viard ne veut rien dire. La relocalisation des activités va faire disparaître au niveau socio-culturel toute idée de « voyage ». Comme l’exprime Michel Sourrouille dans un livre collectif « >Moins nombreux, plus heureux, l’urgence écologique de repenser la démographie : « Contrairement à la conception commune selon laquelle la mobilité est une constante de la société humaine, nous constatons historiquement qu’il n’y a jamais eu libre circulation des personnes. Partout dans le monde ancien, les peuples donnaient un caractère sacré aux portes de leur territoire, village ou ville : aller au-delà impliquait toutes sortes de précaution. Même le roi de Sparte s’arrêtait à la frontière de la Cité pour y effectuer des sacrifices ; à l’extérieur était le domaine de l’étranger et du combat. Jusqu’au XVIIIe siècle, seule une minorité de personnes se déplaçait : les soldats, les marchands, les aventuriers et les brigands. La masse de la population était peu mobile et le vagabondage proscrit ; on naissait, vivait et mourait dans le même village. Les frontières nationales érigées au XIXe siècle n’ont fait qu’actualiser cette constante humaine, la délimitation d’une appartenance territoriale. »*

Notre blog biosphere a pris position de multiples fois contre le tourisme, par exemple :

Pourra-t-on voyager après l’apocalypse ?

Tourisme de masse et écologie, incompatibles