Nous sommes à l’image de l’homme à la cervelle d’or, nous puisons dans les tréfonds de notre planète pour en arracher les derniers morceaux et nourrir notre mode de vie actuel : « Du train dont il menait sa vie, royalement, et semant l’or sans compter, on aurait dit que sa cervelle était inépuisable… Elle s’épuisait cependant, et à mesure on pouvait voir les yeux s’éteindre, la joue devenir plus creuse. Un jour enfin, au matin d’une débauche folle, le malheureux, resté seul parmi les débris du festin et les lustres qui pâlissaient s’épouvanta de l’énorme brèche qu’il avait déjà faite à son lingot. Il était temps de s’arrêter… Trop tard ! »*
Cette légende a malheureusement une réalité mesurée par l’organisation non gouvernementale Global Footprint Network. On compare l’empreinte écologique (l’exploitation des ressources naturelles de la Terre par les humains) avec la biocapacité de la planète (sa capacité à régénérer ses ressources et absorber les déchets, comme les émissions de gaz à effet de serre). Ce jeudi 13 août 2015** est le « jour de dépassement » : en moins de huit mois, l’humanité a déjà utilisé toutes les ressources naturelles renouvelables que la planète peut produire en un an. Cette date tombait en 1975 fin novembre et en 2005, début septembre. Notre planète contient de moins en moins d’or, de pétrole, de minerais, de poissons, d’espèces sauvages… Nous puisons dans le capital naturel au lieu de vivre des intérêts du capital que nous avait offert si généreusement la biosphère. Combien de millions d’années pour fabriquer le pétrole que nous allons consommer en deux siècles seulement ! Il faudrait 1,6 planète pour répondre aux besoins de l’humanité actuelle, or nous n’avons qu’une seule Terre à notre disposition. Si la tendance se poursuit, il faudra 2 planètes pour répondre à nos besoins en 2030.
Quand une génération a dilapidé son héritage familial, il ne reste plus rien pour les générations futures. On ne peut utiliser des ressources que l’on ne possède plus … Un jour enfin, au matin d’une débauche folle, le malheureux, resté seul parmi les débris du festin et les lustres qui pâlissaient s’épouvanta de l’énorme brèche qu’il avait déjà faite à son lingot. Il était temps de s’arrêter… Trop tard !
* La Légende de l’homme à la cervelle d’or d’Alphonse Daudet in Lettres de mon moulin (1866)]
** Le Monde.fr | 13.08.2015, Depuis cette nuit, la Terre vit sur ses réserves
Alors que les humains ne consommait que 103 % des ressources terrestres en 1970, en franchissant symboliquement ses limites le 23 décembre, ils en consomment désormais 163 %. Comme chaque année, Global Footprint Network a affiné sa méthodologie et recalculé grâce à elle tous les jours de dépassement depuis 1970, afin d’améliorer les comparaisons annuelles. Cela permet de constater que le seuil de dépassement a reculé de 132 jours en quarante-cinq ans, bien au-delà de la marge d’erreur de 15 %.
(Le Monde.fr | 14.08.2015, En 50 ans, le « jour de dépassement » des réserves naturelles a avancé de 4 mois)