Migrant·e·s, pour un accueil inconditionnel

La position de la commission « immigration » d’EELV peut être caractérisée par cette phrase ,« Pro-migrant·e·s : la rationalité de l’accueil inconditionnel ». Selon cette commission, la solidarité voudrait l’accueil inconditionnel, celui qui fait qu’une dynamique de concertation entre les présents et arrivants peut advenir… et des cultures nouvelles naître pour le bénéfice collectif. Voici quelques éléments sur la position officielle du parti EELV pour « le devoir d’accueil et la solidarité active aux réfugié·e·s politiques, économiques et environnementaux » telle que posée par la charte des valeurs et principes fondamentaux du mouvement, d’une part, en faveur d’une « politique d’accueil efficiente » pour répondre à la « crise de l’accueil » telle que votée par le conseil fédéral. On va s’efforcer de « quitter le terrain de la morale et de l’émotivité » pour « déplacer le débat sur le terrain des faits » : elles ne sont pas toujours là où la rhétorique de l’appel d’air, du grand remplacement et autres fantasmes malheureusement plus répandus qu’on croit dans le spectre politique.

1. Flux migratoires et empreinte écologique : D’abord, de combien de personnes parle-t-on ? Le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) estime à 740 millions le nombre de migrant·e·s internes dans le monde, contre 200 millions de déplacés pour les migrations internationales. On parle de 3 % de la population mondiale, un pourcentage resté stable ces cinquante dernières années. 37 % des migrations ont lieu d’un pays en développement vers un pays développé, seulement, 60 % se déplaçant entre pays développés ou entre pays en développement. 7 % des migrant·e·s (15 millions de personnes) sont des réfugié·e·s dont la plupart vit à proximité du pays qu’ils ont fui : j’ai coutume de citer le chiffre de 1 réfugié·e pour 6 libanais·e·s contre 1/300 français·e·s. Enfin, on estimait à 50 millions le nombre de réfugié·e·s environnementaux·ales en 2010 et 200 millions d’ici 2050. Dans ces conditions, j’avoue m’interroger sur l’analyse qui consiste à acter qu’un·e Français·e a une empreinte écologique respectivement 9 fois supérieure à celle d’un·e Érythréen·ne et presque trois fois supérieure à celle d’un·e Malien·ne pour arriver à la conclusion que « ce type d’immigration est donc néfaste sur un plan écologique ». En revanche, il y a une corrélation claire entre empreinte écologique française et déplacements forcés de populations pour raisons environnementales. Quant à ceux qui imputeraient malthusiennement à « une plus grande fertilité des femmes immigrées » l’empreinte écologique supplémentaire, les chiffres les plus récents montrent que, si la fécondité des immigrées est plus élevée que celle du reste des femmes : le surcroît de fécondité des immigrées ne pèse guère dans la moyenne nationale (il la fait passer seulement de 1,65 à 1,72, soit 0,07 enfant) ce qui est peu. En outre, il·elle·s « évacuent le problème général » de l’accès aux soins et – plus spécifiquement féministe – de l’accès aux soins, à la santé sexuelle et à la contraception dans une situation de cumul de vulnérabilités (femme, racisée, en situation de précarité administrative, etc.).

2. Accueil inconditionnel et domination néocolonialiste : Là encore, je m’interroge sur une approche qui consiste à imputer exclusivement au états du continent africain et, par extension, aux ressortissant·e·s de ces états, la responsabilité d’inégalités mondiales héritées justement d’une situation de domination coloniale, puis néocolonialiste qui perdure. L’exploitation par la France de l’uranium nigérien en est un triste exemple : même en simplifiant les causes des conflits à la seule question des ressources, leur exploitation étant globalisée, on ne peut éluder les responsabilités occidentales dans les conflits (pas seulement africains, d’ailleurs). L’accueil inconditionnel ne résout pas les causes de départ des pays d’origine, certes, mais il n’en est pas responsable et, surtout, il n’est pas incompatible avec le changement de comportements économiques prédateurs qui les favorisent. Si l’émigration sert de soupape à quelque chose, c’est bien plutôt à ces causes dont la « pression démographique » est la résultante. Je ne reviens pas sur l’accès à la santé qui illustre les inégalités sanitaires à un niveau mondial, cette fois : « investir dans l’éducation et améliorer le statut des femmes pourrait provoquer une « révolution contraceptive » dont les bénéfices couvriraient d’ailleurs de larges domaines de la santé, bien au-delà de la limitation des naissances, » disait Henri Léridon de l’INED. Toute la question est de savoir si cela est possible dans un contexte de dette pour grande partie coloniale et de réduction austéritaire de l’aide publique au développement. À titre de comparaison, elle représentait 135,2 Md$ en 2014, contre 554 Md$ en 2019 pour les transferts de fonds privés : difficile d’affirmer dans ces conditions que « ces pays ont besoin de ces émigré·e·s sur place et non de l’argent qu’il·elle·s envoient au pays, » d’autant plus au vu de l’impact très négatif de la crise sanitaire sur ces transferts de fonds vitaux pour les pays d’origine.

3. Éthique, humanisme et rationalité… parlons-en : Il est du devoir de l’État de faire droit à l’hébergement inconditionnel, c’est-à-dire quelle que soit la situation administrative des personnes en situation de rue. Cette situation de crise de l’accueil est la résultante d’une défaillance organisée de l’accueil par la puissance publique au prétexte de maîtrise de la dépense publique (mettons de côté la rhétorique de l’appel d’air qui consiste à considérer comme tellement attractif d’ouvrir un point d’eau potable au milieu d’un campement de rue, sic.). Or, le coût d’une politique de non accueil, voire de répression systématique de l’immigration, interroge lui aussi sur le bon emploi des fonds publics : dès 2009, la cour des comptes (institution pas tout à fait no border, guidée par la morale et l’émotivité) estimait en 2008 à environ 190,5 millions d’euros le coût de la rétention administrative en France, soit 5 550 euros par retenu·e (je ne sais pas combien vous payez de loyer mais ça paraît tout de même un brin exorbitant pour enfermer quelqu’un·e). Ceci sans compter qu’à 58,3 % des retenu·e·s ne seront finalement pas expulsé·e·s, la question de l’efficacité d’une telle politique au regard de ses objectifs mérite d’être posée. Je vous laisse imaginer le coût budgétaire et écologique d’une politique d’expulsion par avion, au profit de compagnies privées. Enfin, le coût de l’externalisation de la gestion des frontières de l’UE à la Turquie et à la Libye (avec au passage des marchés d’esclaves à ciel ouvert) se compte en milliards d’euros d’argent public. Je ne sais pas vous mais encore une fois à titre personnel, j’apprécierais que l’argent de mes impôts serve à accueillir et inclure, plutôt qu’à une maltraitance absurde de personnes à raison de leur origine, disons-le xénophobe d’État.

Pour ce qui est de considérer que la majorité des Français·e·s « subissent l’immigration plutôt qu’il·elle·s ne l’approuvent, » c’est aller un peu vite. Déjà, d’après une enquête Elabe d’octobre 2019, seul·e·s 10 % des Français·e·s estiment correctement la proportion de la population immigrée dans la société (en partant sur les estimations du ministère de l’Intérieur, pas particulièrement connu pour être gauchiste, on parle de 0,57 % maximum de la population française en réalité). Par ailleurs 2/3 Français·e·s se disent favorables à l’accueil des réfugié·e·s, selon la même étude. Il y a quelque chose de l’ordre du serpent qui se mord la queue entre une grosse partie de la classe politique persuadée que la population attend d’elle un rejet xénophobe et une opinion publique qui reçoit à longueur de journée des discours de cette partie de la classe politique à base d' »appel d’air », de « vagues ou crises migratoires » : le « grand remplacement » brandi comme un chiffon rouge par certain prendrait quelque siècles, sans doute l’argent dépensé à réprimer le serait mieux à accueillir.

Toutefois et si vous n’êtes toujours pas convaincu·e·s à ce stade, la seule Méditerranée a fait d’après le Missing Migrants Project depuis le 1e janvier 2020, environ un·e mort·e toutes les 11 heures et 37 minutes. J’ai coutume de parler d’une « horloge macabre, » on peut aussi s’interroger sur le coût de ces pertes humaines. Je l’écrivais déjà aux côtés d’Éva Sas et de Claire Grover, « refusons le populisme migratoire » : il tord la réalité, est aussi coûteux qu’inefficace et, enfin, tue. Je laisse le soin de compléter en tant que de besoin. Avec humanisme et réalisme, j’espère vous avoir convaincu·e·s que les deux n’étaient pas incompatibles…

10 réflexions sur “Migrant·e·s, pour un accueil inconditionnel”

  1. Il est vrai que l’augmentation de l’empreinte écologique par apport de migrants adoptant le mode de vie d’un pays riche n’est pas écologiquement convainquant sur le long terme. En effet il est nécessaire à cause de notre empreinte carbone que le niveau de vie des pays riches baisse et c’est à l’essentiel. De même il ne faut pas opposer la fécondité des un.e.s ou des autre.e.s car l’urgence consiste à arrêter toute politique publique de soutien de la natalité.
    Par contre l’idée d’un « accueil inconditionnel par solidarité » pose problème car il ne contient aucun argument écologique. On ne peut prétexter de notre passé colonial pour défendre une ouverture totale des frontières, l’écologie prône la relocalisation pour qu’une population donnée arrive à vivre en harmonie avec son écosystème. Cet objectif serait inatteignable si le territoire s’ouvre à un apport sans limites de populations extérieures.

    1. – « Par contre l’idée d’un « accueil inconditionnel par solidarité » pose problème car il ne contient aucun argument écologique».
      Là encore tout dépend par ce qu’on entend par «écologie», plus exactement tout dépend de l’écologisme auquel on se réfère. Il n’existe pas une seule pensée ou idéologie écologique, il y a donc plusieurs façons d’aborder l’éthique de l’environnement.

  2. « le devoir d’accueil et la solidarité active aux réfugié·e·s politiques, économiques et environnementaux »

    En matière de perfidie et scélératesse , les charlots de EELV sont de loin les vainqueurs suivis de près par l’ UMPS et le RN de la cagole MLPen avec ses compatriotes muzz et son refus des stats ethniques .===> Quand on a compté dans ses rangs des Con Bandit , des Eva Joly , des Mamère (comme là-bas , dis), des Jadot , des Duflot , on sn’ a pas de leçons de morale à donner aux autres🤢🤢🤢🤢🤢
    Devoir d’ accueil : quesako et au nom de quel principe transcendental ? JAMAIS
    Par contre , devoir de remigration massive , OUI !!!!!!!!!

  3. Au fait , les statistiques évoquées dans cet article sont -elles de type churchilien : celles auquel seules l’ auteur de l’ article croit et qu’ il a lui-même falsifiées ?
    Ainsi , 2/3 des Français seraient favorables à la venue de migrants : on aimerait connaître la composition ethnique (ta mère) des « sondés  » ( ces nigauds de gauchiottes se font déjà « sonder » par leurs frères muzz toute l’ année et ne s’en rendent pas compte , ces acéphales)

    Une dernière chose , sans le vote de leurs chers muzz naturalisés , ce parti faussement écologique mais vraiment gauchiste et idiot utile du gros patronat, n’ existerait plus !

  4. « la seule Méditerranée a fait d’après le Missing Migrants Project depuis le 1e janvier 2020, environ un·e mort·e toutes les 11 heures et 37 minutes. J’ai coutume de parler d’une « horloge macabre, »

    Arrêtez , bon sang , je n’ en puis plus car savoir que tant de mes « frères  » africanomuzz et moyen orientaux meurent en Méditerranée m’ est insupportable et de plus , certains osent dire ainsi :  » au moins , les noyés, ces vrais réfugiés économiques , ne viendront plus nous envahir et profiter honteusement de notre générosité sociale » ===> propos honteux que j’ ai tenus moi-même et qui me font maintenant entrer en repentance en mettant un genou au sol et en proposant mes services à « gauchiste international « 😁😁😁😁😁😁

  5. Le problème c’est de savoir si les critères à prendre en compte sont ceux de l’écologie ou de la morale. Bien qu’à EELV on soit persuadé du contraire, ils ne coïncident pas forcément. L’argument 3 est factuellement faux : s’il y a de l’immigration en France, ce n’est pas à cause des pro-migrants, qui donnent une dimension humaniste et sincère à la chose, mais pour répondre à des stratégies économiques lourdes mises en œuvre par le Medef, le gouvernement et les instances européennes, et depuis longtemps par le patronat français. Le but est de :
    – disposer d’une main d’oeuvre bon marché et précaire ;
    – tirer les salaires vers le bas ;
    – rééquilibrer la pyramides des âges pour assurer la pérennité de notre système de retraite, fragilisé par le vieillissement de la population européenne.
    Macron, von der Leyen et Lagarde ne sont pas des militants de la Cimade, sinon cela se saurait…

    1. L’écologie ou la morale ? Oui, on peut dire que c’est ça le problème. Le problème aussi, c’est que l’écologie est devenue un prétexte permettant à certains de répandre et entretenir des idées «douteuses», en tous cas dangereuses. C’est au nom de l’écologie que demain nous pourrions vivre dans un monde totalement déshumanisé. Reste à voir s’il convient de sauver la planète (selon moi elle n’a pas besoin de nous pour ça), ou s’il convient de sauver ce qu’il nous reste encore d’humanité.

  6. – «Toutefois et si vous n’êtes toujours pas convaincu·e·s à ce stade […] »
    Oh rassurez-vous, cher Monsieur ou chère Madame X , si ce n’est que ça qui vous chagrine… en ce qui me concerne il y a un moment que je le suis, con vaincu 😉

    Pour plus de clarté dans ce débat, je pense qu’il vaudrait mieux, d’entrée de jeu, savoir qui est le «je» qui parle ici. Ainsi que celui ou ceux à qui il s’adresse. Ce «je» qui donne ici son point de vue (que je partage), comme s’il répondait point par point aux 3 arguments exposés hier ici par Martin Rott, de l’association Démocratie Responsable.

    1. On aimerait aussi savoir qui se cache derrière le pseudo Michel C.
      Si on demande la fin de l’anonymat pour autrui, on doit le faire pour soi-même…
      logiquement!

      1. @ Biosphère : Je trouve votre réponse déplacée, à ce moment là vous n’avez déjà qu’à demander la même chose à tous les intervenants, ou faire en sorte que votre blog ne soit accessible qu’à ceux qui auront décliné leur identité en bonne et due forme. Je faisais seulement remarquer que cet article aurait été plus compréhensible si comme sur celui d’hier vous aviez mis un nom (hier l’auteur était Martin Rott). Celui-ci il m’a fallu le lire et le relire plus d’une fois pour comprendre, du moins supposer, qui est ce «je». Un nom ou un pseudo personnellement ça ne me gène en rien, ce ne sont pas les personnes qui me posent problème ce sont certaines idées.
        Ceci dit ce n’est que mon point de vue, qui vaut ce qu’il vaut. Si vous le jugez non convenable, ou contre-productif, ou que sais je d’autre, vous pouvez très bien le supprimer.

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