2027, un ministère de la Biodiversité

Extraits du livre de Michel SOURROUILLE, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir ».

Voici nos deux propositions pour réconcilier l’homme et la nature :

  • protéger la biodiversité en France ,
  • renforcer au niveau international le rôle de la Convention sur la diversité biologique.

Le Premier ministre étant déjà en charge de superviser tous les domaines liés à la transversalité de l’écologie, un ministère spécifique aura pour objectif de faire respecter le tissu du vivant pour mieux s’en ressentir partie prenante.

« Notre croissance démographique se fait au détriment des autres espèces, alors même que nous commençons juste à prendre conscience de notre dépendance vitale vis-à-vis de la biodiversité. La conversion des terres détruit l’habitat des autres espèces, accélère la perte de biodiversité et, couplée à l’extraction des ressources et aux émissions de polluants, réduit les services éco-systémiques de soutien de la vie humaine. La nature est peuplée d’un nombre incalculable d’espèces dont beaucoup sont sensibles, font preuve d’émotions et sont capables d’apprendre et de vivre au sein de sociétés qu’elles ont elles-mêmes organisées. Respecter tout type de vie, c’est admettre que l’ensemble de la nature a des droits. Les reconnaître est un préalable à une juste répartition des ressources ».1

« Il nous faut honorer l’océan, l’humus, l’eau et l’air », nous disait Nicolas Hulot. La protection et la réhabilitation des océans, des forêts, des zones humides, des terres arables, de tous les écosystèmes ne sont pas facultatives, mais constituent une obligation pour lutter contre le réchauffement climatique, préserver la vie sous toutes ses formes et enrayer la pauvreté.

Ministre de la Nature et de la Biodiversité

1. Protéger la biodiversité en France

Avec la crise écologique, on est bien face à une défaillance du marché. Si les services rendus par la nature sont surexploités, c’est que personne n’en assure le coût. La nature ne se fait pas payer quand elle nous donne son eau, son pétrole, ses forêts, ou quand elle gère et digère nos déchets. Elle n’envoie pas d’avocat pour les préjudices qu’elle subit quand on dérégule le climat ou qu’on détruit la biodiversité. Il n’y a pas d’autres choix que de recourir à des mécanismes impliquant la puissance publique. Autrement dit, la gestion de la biodiversité en tant que bien collectif doit devenir une mission régalienne.

Les tentatives récentes d’élaborer une loi sur la biodiversité sont aussi lentes qu’insuffisantes. En mars 2015 le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages avait été voté en première lecture à l’Assemblée nationale. Ce projet de loi n’arrive que le 19 janvier 2016 en première lecture au Sénat. La biodiversité n’est pas au centre des préoccupations du gouvernement socialiste. Cette loi n’aura pas les moyens de peser sur les grandes politiques agricoles, de transports ou industrielles qui portent le plus atteinte à la biodiversité. L’enjeu principal réside dans la notion de compensation. Depuis une loi de 1976, l’idée est que tout maître d’ouvrage doit « éviter, réduire et compenser » les impacts de ses projets sur les milieux naturels. Or, on constate que les deux premiers critères s’effacent au profit du troisième. Cela donne un droit à détruire la nature en laissant croire qu’on peut remplacer ce qu’on a détruit à un endroit par un bout de nature supposé équivalent à un autre endroit. De nombreuses études scientifiques ont prouvé que la fonctionnalité des écosystèmes restaurés n’atteint jamais celle de ceux détruits, tant il est difficile de récréer des milieux constitués au fil des siècles. Au final, il y a « financiarisation de la biodiversité », banques de compensation, transfert des actifs naturels, reprise du vocabulaire de l’économie. Il faut revoir ces procédures et privilégier le premier principe, « éviter » de détruire la nature.

Le projet de loi actuel envisage aussi la création d’une Agence française pour la biodiversité, soit 1 200 agents de quatre structures déjà existantes. Mais l’AFB n’inclut pas, entre autres, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et ses 1 800 agents. Il s’agit donc de doter l’État d’un instrument plus efficient, une Agence nationale du patrimoine naturel, élargie à d’autres organismes comme le Conservatoire du littoral et les établissements publics des parcs nationaux. Beaucoup reste à faire en termes de revalorisation des organismes qui existent déjà et qui ont été dénaturés. Ainsi Brice Lalonde avait créé les DIREN (directions régionales de l’environnement), organismes ouverts au public. Les présidences Chirac puis Sarkozy les ont supprimées, sans bruit, l’une après l’autre, pour les fondre dans les DREAL (direction régionales de l’environnement, de l’architecture et du logement), sous l’autorité des préfets, simple courroie de transmission du pouvoir. Les DREAL favorisent l’industrie, le bâtiment. Le souci de l’environnement s’y limite au respect de normes, lesquelles sont souvent arrachées de haute lutte par les écolos de terrain. Le simple citoyen n’a plus accès à la documentation naturaliste ni sur les pollutions, bien que la convention d’Aarhus lui garantisse le droit d’en être informé.

Reste donc à former les élèves de l’ENA (École nationale d’administration), ainsi que tous les autres participants des grands corps de l’État, à leurs responsabilités globales en leur enseignant la toxicologie industrielle et les vertus de la biodiversité.

2. Renforcer la Convention internationale sur la diversité biologique

La dimension internationale de la biodiversité doit aussi être prise en compte, l’extinction des espèces ne connaît pas les frontières et l’exubérance du vivant est une garantie de résilience, cette capacité de résister aux chocs.

‘Les épisodes géologiques d’extinction massive ont certes pu provoquer de véritables hécatombes parmi les espèces vivantes. Toutefois, même les cinq d’entre eux qui furent les plus apocalyptiques se sont néanmoins effectués sur des durées se chiffrant en centaines de milliers, voire en millions d’années. Le sixième épisode d’extinction massive, celui auquel nous assistons actuellement, est le seul fait de l’action de l’homme et s’effectue à une vitesse 1 000 à 10 000 fois supérieure à celle des plus rapides extinctions géologiques du passé ! Ainsi il est estimé que la destruction des forêts pluvieuses tropicales conduirait, à son rythme actuel, à la disparition de la moitié des espèces qui les peuplent, soit au minimum quelque 2,5 millions d’espèces vivantes, d’ici à 2050. La situation est proportionnellement pire encore dans de nombreux groupes d’animaux. Ainsi sur les 4 000 espèces de mammifères peuplant la biosphère, plus de 1 000 sont dès à présent menacées de disparition.

Il s’impose à l’ensemble des humains de prendre conscience de l’interdépendance de leurs actions sur l’environnement global, en particulier des conséquences désastreuses de l’utilisation anarchique des ressources naturelles. Les conséquences écologiques globales qui en résultent compromettent de plus en plus l’équilibre de la biosphère’.2

La Convention sur la diversité biologique (CDB) a été adoptée lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992. Les signataires de la Convention se disent (dans son préambule) conscients de « la valeur intrinsèque de la diversité biologique et de la valeur de la diversité de ses éléments constitutifs sur les plans environnemental, génétique, social, économique, scientifique, éducatif culturel, récréatif et esthétique ». En 2002, on s’était engagé à freiner la disparition accélérée des espèces d’ici à 2010 ; aucun pays n’a respecté cet objectif. La Convention devait comporter un volet financier. Elle en a été privée sous la pression des États-Unis. La 11e conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique a eu lieu fin 2012 à Hyderabad, dans le sud de l’Inde. On a bien défini une « stratégie de mobilisation des ressources financières » dont on sait que les fonds ne seront jamais débloqués. Les scientifiques démontrent qu’il n’y a pas de planète de rechange, pourtant rien ne change politiquement.

Une conférence internationale est par définition une rencontre entre nations : chacun défend les intérêts de son pays, pas l’intérêt commun. La superficie et la qualité des habitats naturels continuent à se dégrader presque partout. La France devra agir avec l’aide de l’Union européenne pour donner à la CDB les moyens de son action.

1. Voir à ce sujet : Collectif, Vivement 2050 ! : Programme pour une économie soutenable et désirable, Paris, Éditions Les petits matins, 2013.

2. Contribution de François Ramade, in Laurent de Bartillat, Simon Retallack, Stop, Paris, Seuil, 2008.

14 réflexions sur “2027, un ministère de la Biodiversité”

  1. Si on a planté des arbres sur les bords des routes, et principalement des platanes, c’était d’abord pour l’ombre qu’ils offraient aux voyageurs, alors en diligence. Aujourd’hui avec la clim, le bagnolard n’a plus besoin de ces arbres, qui pour lui représentent surtout un danger. Si le nombre de morts sur les routes a baissé, c’est aussi parce qu’il y a de moins en moins d’arbres sur les bords. Eh oui !
    Et en plus ces arbres, il faut les entretenir, les tailler, les soigner etc. Non seulement ils ne servent à rien, mais en plus ils nous coûtent cher. Misère misère ! Notamment les vieux. Tout ce qui est vieux d’ailleurs nous coûte cher, mais ça c’est un autre sujet. 🙂

    1. Platane enragé

      L’abattage massif des platanes est un bel exemple de l’écart entre le discours et la réalité. D’un côté on nous dit qu’il faut planter des arbres, qu’il faut les sauver, et de l’autre on les abat. En fait là encore, c’est d’abord du grand n’importe quoi.
      On nous dit qu’on est obligé d’abattre les platanes, parce qu’ils sont malades !
      Quand ce ne sont pas les chiens, qu’on accuse de la rage, ce sont les platanes.
      Qui sont les plus malades ? Misère misère ! Encore aujourd’hui, 76 platanes abattus le long du périphérique parisien, les riverains en colère… (Le Parisien).

      – Abattage des platanes, quelques mises au point !
      ( Publié le 4 février 2016 par Europe Ecologie-Les Verts Grand Avignon)

  2. Esprit critique

    – « De nombreuses études scientifiques ont prouvé que la fonctionnalité des écosystèmes restaurés n’atteint jamais celle de ceux détruits, tant il est difficile de récréer des milieux constitués au fil des siècles. »

    J’aimerais bien avoir des sources, pour regarder ces études de plus près. Là encore il ne suffit pas de le dire pour que ce soit vrai.
    Que veut dire restaurer un écosystème ? Quant à sa fonctionnalité …

    1. Et déjà, c’est quoi un écosystème ? On a l’habitude de parler d’écosystème naturel et d’écosystème artificiel… Une rizière, par exemple, est un écosystème (artificiel) très riche (poissons, mollusques, insectes, plantes etc.)
      C’est quoi alors un écosystème naturel ? En fait je crois que ça ne veut rien dire.
      Pour moi il n’existe pas un modèle unique d’écosystème mais une infinité. Une ancienne gravière ou sablière «rendue à la nature» forme un écosystème qu’on peut qualifier de «restauré». Cet écosystème n’a bien sûr rien à voir avec celui qui occupait l’endroit il y a un siècle, avant l’exploitation de cette carrière. Seulement sur le plan de la biodiversité, ce nouvel écosystème (plan d’eau, zone humide etc.) peut avoir tout autant, si ce n’est plus, d’intérêt que l’ancien. Et tout est comme ça.

      1. Sérieux, tu as vu la la gueule des carrières ? Que veux tu que les animaux en fasse ? Voir photos de carrière ! D’ailleurs, allons voir, pas si loin que ça, en Allemagne par exemple ! Les 3/4 de la Forêt Noire a été rasée pour remplacer les surfaces par des mines de charbon ! Et tu appelles ça un nouveau écosystème positif et mieux que celui d’avant ?

      2. On pourrait parler de l’Amazonie aussi qui se fait ratiboiser ! Je ne suis pas certain que l’état de l’environnement soit mieux qu’avant ! En tout cas je veux que tu me désignes les lieux où les carnages ont produit des environnements plus favorables à la vie sauvage ????

      3. Ben oui, sérieux !

        Encore une fois prends le temps de bien lire ce qui est écrit. Et de réfléchir !
        Je parlais donc d’une ancienne gravière, ou sablière… «rendue à la nature».
        Sais-tu déjà de quoi je parle, as-tu déjà entendu parler de carrières humides ?
        Et de La Réserve de Vie Sauvage des Deux Lacs, dans la Drôme … ?
        ( Sur le site aspas-reserves-vie-sauvage.org. Ou même sur Wikipédia )

      4. Misère misère !

        Et toi, t’es sérieux quand tu écris que les 3/4 de la Forêt Noire a été rasée pour remplacer les surfaces par des mines de charbon ? Si tu crois servir la Cause en exagérant, en alignant conneries sur conneries, tu te trompes. Maintenant je sais bien que l’écologie et la biodiversité ne sont pas tes principales préoccupations.

  3. Reprenant avec son autorisation les écrits de Michel SOURROUILLE, notre blog biosphere présente pendant quelques jours des textes préparatoires à la présidentielle 2027. En effet les résultats de l’épisode 2022 montrent que cinquante ans après la publication du rapport Meadows sur les limites à la croissance, en 1972, l’écologie politique stagne électoralement. La simple idée qu’il puisse exister des limites écologiques à la croissance économique est restée minoritaire dans l’opinion publique, et carrément hérétique parmi les décideurs. L’idée de décroissance y est au mieux ignorée, au pire utilisée comme une invective facile pour disqualifier l’ensemble des écologistes.
    Or le dernier rapport du GIEC est plus alarmant que jamais, une guerre en Ukraine fait craindre pour la sûreté des centrales nucléaires, la hausse des prix de l’énergie préfigure un choc pétrolier et gazier…

  4. C’est ça le plus important sur le plan écologique comme sur le plan moral et c’est pourquoi la démographie est au cœur du problème, en France comme sur l’ensemble de la planète. On ne protégera rien, et en particulier pas les grandes espèces, dans un monde surpeuplé, c’est physiquement impossible.
    On peut négocier en politique, on ne peut pas négocier avec les mètres carrés et avec les lois de la nature qui exigent de l’espace pour le vivant.

    1. Esprit critique

      Physiquement impossible ? Et alors comment expliquez-vous qu’en France (surpeuplée ?) les populations de cerfs se portent aussi bien ? Au point de parler d’explosion :
      – « Les derniers chiffres qui viennent de tomber se passent de commentaires. Dans la montagne jurassienne franco-suisse, la densité de cerfs est passée de 760 individus comptés en 2015 à 1160 en 2018 » (fransylva-paca.fr).
      Et pas que là bien sûr. Et pas que les cerfs. Même chose pour les sangliers. Dans nos montagnes les chamois, isards et bouquetins sont loin d’être en déclin. En certains endroits les mouflons sont là, et le loup, et le lynx, et l’ours, etc. Et encore les phoques, dont les populations augmentent ici et là. Et tant mieux !
      Et pour ne parler que de nos plus grosses espèces.

      1. Sans oublier les rats ! Un couple de rats peut donner jusqu’à 5000 individus au bout d’un an ! Autant dire qu’en France ils sont loin d’être en extinction.

      2. Ce qui ne veut pas pour autant dire que la biodiversité se porte super bien en France. Faudrait être juste fou pour le dire. J’essaie seulement de dire qu’il ne faut pas croire que l’augmentation de la population humaine ne peut avoir QUE des conséquences négatives partout. Un exemple : 18.000 morts sur les routes en 1972, environ 3500 par an aujourd’hui, alors que le trafic routier n’a fait qu’augmenter. Je suis sûr qu’on peut encore réduire ce chiffre. Mais bien évidemment, et je préfère le préciser, cela ne veut pas dire non plus que plus on sera et mieux ce sera.

      3. Oui mais pour réduire le nombre de morts humains sur les routes, il faut tout de même rappeler qu’on a élargi les routes, elles comportent plus de voies et pas que les autoroutes !!! Mais on a aussi multiplié le nombre de routes ! Ce qui prélève davantage d’espaces sauvages aux animaux voyant leurs territoires se réduire à peau de chagrin ! Autrement dit, pour sécuriser l’automobiliste on a prélevé d’avantage de terres sauvages aux animaux ! En outre, pour sécuriser l’automobiliste, on a quasiment doublé le poids de la voiture afin qu’il ne soit pas mort écrasé à l’intérieur de la voiture, autrement dit on a prélevé d’avantage de ressources naturelles pour y parvenir, ce qui revient encore à détériorer les espaces sauvages ! En l’occurrence les résultats ne sont pas neutres et encore moins reluisants que tu ne le prétends !

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