Les conférences internationales sur le climat ne servent à rien si l’ensemble des citoyens du monde ne prennent pas conscience que c’est par mes gestes quotidiens que je favorise ou non les émissions de gaz à effet de serre. Le diable loge dans les détails. Puisque je dépense peu, j’économise de l’argent. Mais placé dans une caisse d’épargne, il est réinjecté dans les circuits financiers et participe à l’expansion monétaire qui accélère les échanges et détériore notre planète. C’est un effet rebond* indirect. C’est mon problème principal, quoi faire de mon argent pour ne pas contribuer au consumérisme ambiant ? Le garder en liquide est une solution, définitivement au fond d’un placard, hors du circuit monétaire. J’ai aussi d’autres solutions, comme donner 10 % de mon revenu à Greenpeace. Mon argent va principalement au bien collectif, jamais à des dépenses ostentatoires.
Nul n’est parfait, mais l’essentiel est de ressentir profondément le besoin d’économiser l’énergie. Nous ne changerons notre comportement que si nous avons acquis le sens des responsabilités. Je récuse cette société qui a perdu le sens des limites et dans laquelle il faudrait faire croire que le comportement écologique doit être source d’avantages financiers (économies d’argent, subventions, bonus automobile, etc.) pour être acceptable. A mon avis, la limitation de nos besoins doit d’abord être considérée comme un devoir pour moins peser sur les ressources de la planète. Or le devoir accompli est source de satisfaction. Il n’y a de limites à notre sobriété heureuse que la force de nos convictions. A contrario, une dose de culpabilisation est nécessaire pour éviter les conduites non vertueuses. Le coupable, c’est toi, c’est moi, quand nous ne faisons pas assez pour améliorer les relations de l’humanité avec les possibilités des écosystèmes. Mais comme chacun a ses propres limites, je n’ai pas à me mettre à la place des autres, si ce n’est indirectement.…
Car la simplicité volontaire est aussi affaire d’entraînement mutuel, d’interaction spéculaire : tu fais parce que je fais ainsi parce que nous croyons collectivement que c’est là le bon comportement. Une communauté de résilience ne peut se concevoir que si ses membres deviennent le plus vertueux possible et se donnent les uns les autres les recettes pour s’améliorer. Nous les écolos qui avons compris que le blocage énergétique (pic pétrolier et réchauffement climatique) est devant nous, nous n’avons pas à cacher la vérité : il faudra faire des efforts, de plus en plus d’efforts, et le plaisir sera donné de surcroît. L’énergie utilisée par personne est aujourd’hui équivalente à 15 esclaves énergétiques en Inde, 30 en Amérique du Sud, 150 en Europe et 300 aux Etats-Unis. Un seul litre de pétrole contient l’équivalent de près de 9 kWh d’énergie, alors que le rendement moyen d’un être humain est d’environ 3 kWh au cours d’une semaine de 40 heures de travail ! L’épuisement des ressources non renouvelables va supprimer une bonne partie de nos esclaves énergétiques. Dans l’avenir, que nous le voulions ou non, nous serons bien obligés de nous satisfaire de notre seule énergie corporelle et des énergies renouvelables, une capacité énergétique bien inférieure à notre niveau actuel. Mais si nous n’apprenons pas rapidement et de façon égalitaire le sens des limites, il se pourrait fort que nous revenions demain à une forme d’esclavage, avec monopolisation par quelques-uns de la force corporelle d’autrui.
Michel Sourrouille
* effet rebond : Chaque fois que nous économisons de l’énergie à un endroit, généralement nous allons consommer un peu plus ailleurs. Par exemple le rebond lié à la frugalité : un billet d’action pour une île au soleil sera acheté avec les économies sur les frais de chauffage réalisées en réduisant la température de sa maison l’hiver.