Le fusil était à l’honneur dans la famille. Mon grand-père paternel était chasseur. Il faisait lui-même ses cartouches. Il m’amenait à l’affût. Nous restions des heures à savourer la nature. Et à tuer ! J’ai connu bien des pratiques discutables, comme ces palombes qui servaient d’appeau et dont on avait crevé les yeux pour qu’elles soient plus tranquilles, ne battant des ailes qu’à la commande. On étranglait le gibier blessé, comment l’achever autrement et proprement ? J’arrachais la langue des étourneaux, mon grand-père disait que sinon l’oiseau aurait un « goût de fourmi ». Les lapins étaient nombreux, le gibier encore sauvage. Puis les lapins ont eu la myxomatose. Et le faisan ne s’envolait plus devant moi, il était apprivoisé et sortait d’un élevage. J’ai arrêté de chasser. La chasse n’était plus ce qu’elle était, une viande d’appoint pour une famille installée à la campagne. Les chasseurs sortent maintenant des villes, avec leur voiture et leur fusil à répétition.
Le chasseur ne devrait pas être cette fourmi motorisée qui envahit les continents avant d’avoir appris à « voir » le jardin à côté de chez lui. [Aldo Leopold, Almanach d’un comté des sables ( 1946, Flammarion 2000)]
La plupart des chasseurs considèrent les écologistes comme des ennemis. Ils ne voient pas que leur ennemi, c’est eux-mêmes et leurs pratiques de « tableau de chasse ». Nous ne sommes plus à l’époque de la chasse et de la cueillette, nous sommes trop nombreux sur chaque territoire, limitant de façon démesurée l’espace de la vie sauvage.
Comment un million de chasseurs français pourrait-il évoluer à son aise dans des paysages urbanisés, fragmentés et « désanimalisés » ? Si le nombre des chasseurs se réduit constamment, l’omnipotence du lobby-chasse perdure, transformant le Parlement de ce pays en comice agricole du XIXe siècle et paralysant le ministère de l’environnement. Le chasseur constitue, pour le législateur, la seule espèce protégée et jusqu’à l’an 2000 le non-chasseur n’avait même pas d’existence juridique. Je ne suis pas contre la chasse, mais plutôt pour le respect de tout être sensible, pour la fin de la souffrance gratuite. Ce livre n’a pas été écrit contre qui que ce soit, mais d’abord pour le vivant, pour la nature, en vue d’un acte de paix, et non de guerre. Ce livre traitera de la chasse-loisir. Personne en France ne chasse plus pour se nourrir. [Gérard Charollois, Pour en finir avec la chasse (la mort-loisir, un mal français) (Radicaux libres, 2009)]
Un chasseur pourrait être un véritable écologiste, inscrit dans une association pour redonner à la nature son exubérance naturelle et ses animaux sauvages. Il deviendrait alors simple promeneur, humant l’air des sous-bois et la chaleur des prés, admirant le vol d’un oiseau et l’effilochement d’un nuage. Pourquoi pas chasseur d’images, s’il veut conserver chez lui à vie le vol d’une perdrix ou la fuite d’un renard. Un chasseur devrait se contenter de regarder la nature sans y toucher, comme le plongeur sous-marin. Quant à la surpopulation des chevreuils, il n’y a pas assez de lynx en France ! Reste les sangliers, mais si on veut se permettre de réguler une population, commençons par maîtriser notre propre fécondité…
(extraits de « On ne naît pas écolo, on le devient », Michel Sourrouille aux éditions Sang de la Terre)