Le Jour du dépassement, aujourd’hui 1er août 2018

Il existe un indicateur qui a l’avantage de faire une sorte de synthèse d’un grand nombre des impacts écologiques dus aux activités humaines : il s’agit de l’empreinte écologique, initiée par le Global Footprint Network (GFN) et popularisé en France par le WWF (1). L’empreinte écologique individuelle est la surface nécessaire pour produire les ressources qu’un individu consomme et pour absorber les déchets qu’il génère. Actuellement, au niveau mondial, nous utilisons en moyenne 2,9 hectares par personne. Le problème est que nous ne disposons que de 1,7 hectare, qui correspond à ce que la planète produit de façon renouvelable chaque année, ce qu’on appelle la biocapacité moyenne individuelle. La question qui vient immédiatement à l’esprit est évidemment la suivante : comment est-il possible de consommer plus que ce qui est produit ? Eh bien nous puisons tout simplement dans le capital de la Terre : par exemple nous émettons plus de CO2 que les océans et les forêts ne peuvent en absorber (l’empreinte carbone compte d’ailleurs pour plus de la moitié de l’empreinte globale) et sa concentration dans l’atmosphère participe au réchauffement, ou encore nous vidons les océans de leurs poissons, où même nous stérilisons des terres arables en les bétonnant…

On peut comparer l’empreinte moyenne individuelle de notre pays et celle de la planète, ou plus précisément celle d’un français et celle d’un terrien. Tous les deux ans, l’ONU publie ses projections de population pour le milieu et la fin du siècle. L’été dernier celles-ci indiquaient 9,8 milliards d’humains pour 2050 et 11,2 milliards pour 2100. En tenant compte du fait que la biocapacité totale de la planète était de 12,2 milliards d’hectares en 2013 et qu’à cette date nous étions 7,2 milliards, la biocapacité moyenne disponible se situait aux alentours de 1,7 hectare par personne, ce qui correspond à l’empreinte individuelle du Viêt Nam. Pour être en équilibre à cette date et en imaginant une affectation égalitaire des ressources pour tous les individus de la planète, il aurait donc fallu que nous ayons un niveau de vie comparable à celui du Viêt Nam. Pour 2050, et en faisant l’hypothèse que la biocapacité de la planète n’évolue pas, avec les 9,8 milliards d’humains annoncés, il ne nous resterait qu’une biocapacité de 1,25 hectare par personne, soit la possibilité du niveau de vie de la Tanzanie actuelle. Enfin pour 2100, le calcul donne une biocapacité disponible de 1,1 hectare correspondant au niveau de vie du Sénégal d’aujourd’hui. Au vu de ces quelques éléments, on voit bien que la poursuite de la croissance démographique mondiale conduirait à une baisse continue et surtout drastique du niveau de vie des pays du nord et empêcherait aussi toute hausse du niveau de vie de nombreux pays du sud.

L’évaluation de la population soutenable de chaque pays se fait en divisant sa biocapacité globale par son empreinte individuelle. La population soutenable de la planète étant alors la somme des populations de chaque pays. Le calcul donne une « Population SOUTENABLE 2a » de 4,8 milliards d’habitants au lieu des 7,2 de 2013, date des dernières statistiques du Global Footprint Network (il faut plusieurs années pour collecter les données, les analyser et les rendre publiques). On peut évidemment objecter que puisque la majorité des pays doit baisser sa population, il n’est peut-être pas judicieux d’en laisser d’autres croître sous prétexte qu’ils ont de fortes ressources renouvelables. Cela nous amène à un deuxième calcul où les pays débiteurs décroissent démographiquement mais où les pays créditeurs restent au même niveau de population (et donc à la même place sur le graphique). Cette option permet de n’utiliser que 76% de la biocapacité de la planète et donc de constituer une sorte de réserve. Elle pourrait donc être nommée « Population OPTIMALE 2b » (et s’élèverait à 3,6 milliards d’habitants. Les couples doivent absolument pouvoir continuer à avoir un ou deux enfants mais il serait bon qu’ils n’aillent pas au-delà, car l’aventure humaine, malgré toutes ses erreurs accumulées, doit pouvoir se poursuivre le plus longtemps possible.

Denis Garnier, Président de l’association Démographie Responsable

Pour une analyse beaucoup plus complète, aller sur l’article d’origine :
https://www.demographie-responsable.org/population-soutenable-population-optimale.html

3 réflexions sur “Le Jour du dépassement, aujourd’hui 1er août 2018”

  1. Sous son parasol, le Français moyen n’a actuellement qu’une seule idée en tête, se la couler douce, profiter des vacances (parce qu’il le veau bien). Et voilà qu’on vient l’ennuyer avec cette histoire de « jour du dépassement »… eh bien je trouve que ce n’est pas sympa.
    On pourra toujours inventer un nouvel indicateur, plus « parlant », pour soi-disant réveiller les cons.ciences… que ça n’y changera rien. Sauf bien sûr pour ces machins genre Global Footprint Network qui ont fait du désastre environnemental leur fonds de commerce.
    L’indicateur qui me parle le mieux c’est celui qui me dit que si l’humanité entière vivait comme un Français moyen nous aurions besoin de 2,5 planètes Terre, et 4 si nous vivions comme un Américain.
    Quand il est devant sa télé et qu’il a une petite soif, notre Français moyen n’a qu’à ouvrir le frigo (américain) pour se servir une bière bien fraîche, et s’il a trop chaud il lui suffit de forcer la clim. Et de la même manière qu’il a déjà oublié qu’il était champion du monde, notre petit Français moyen aura vite fait d’oublier cette date symbolique, ce n’est pas ça qui va l’empêcher de se gaver jusqu’au 31 décembre. Tant que le frigo fera du froid et le chauffage du chaud, tant qu’il aura de l’eau au robinet et du gazole à la pompe et des biftons au distributeur et des soldes et des black-friday etc. etc. etc. notre petit bourgeois pourra toujours s’endormir en se disant « jusque là tout va bien ».
    Avant de se soucier de l’empreinte écologique de ces milliards de misérables, notre bidochon bien embourgeoisé ferait mieux de se regarder dans un miroir.

  2. « Un basculement des esprits sur la question démographique ne me parait pas hors d’atteinte dans les 15 prochaines années. Dennis Meadows voyait d’ailleurs l’introduction de politiques dénatalistes dès 2030, peu de temps après la nette  »

    Exact ,
    en Inde , en situation d’ urgence démographique ,de nombreux centres de stérilisation (la voie la plus rapide mais la plus dure) voient le jour chaque année et des millions de personnes sont stérilisées (sans compter les nombreux cas réalisés sous le règne de Sajiv Gandhi).
    Dans d’ autres pays tels Pérou( politique de Fujimori) , au Brésil , en Thaïlande , en Egypte, … les mentalités changent lentement mais sûrement .

    Cela doit réjouir les malthusiens et D. Bartes en particulier

  3. Via sa page Facebook, c’est la première fois que j’ai aperçu le Global Footprint Network pointer explicitement et publiquement la population comme un facteur de surconsommation des ressources. Quand on parle de 2 planètes consommées par l’humanite, je pense que l’opinion est bientôt assez mûre pour comprendre que, toutes choses égales par ailleurs (en fait c’est bien pire, car les autres paramètres se dégradent aussi), à moyen terme ne survivra que la moitié de la population, y compris en Europe.

    Le rapport au club de Rome de l’année dernière propose entre autres de rémunérer les femmes qui atteignent 50 ans sans progéniture. Cette proposition, parmi d’autres qui concernent la consommation per capita, a d’ailleurs été reprise dans les médias étrangers (j’entends par là anglophones et germanophones), mais rien dans la sphère francophone, qui continue de faire fausse route en se gargarisant du taux de natalité français. A ce propos, les déterminants territoriaux/culturels soulignés par Emmanuel Todd méritent qu’on s’y attarde.

    Un basculement des esprits sur la question démographique ne me parait pas hors d’atteinte dans les 15 prochaines années. Dennis Meadows voyait d’ailleurs l’introduction de politiques dénatalistes dès 2030, peu de temps après la nette augmentation de la mortalité sous le poids du nombre. À ce sujet, je voudrais signaler que l’inflexion de la mortalité est la première inversion de tendance directement mesurable dans le modèle de Meadows, et quelle surviendrait plus ou moins maintenant, tout contre 2020 : il serait très intéressant d’analyser en détail l’evolution de ce paramètre.

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