Qui voudrait le boulot de merde laissé par Hulot ?

« Si je m’en vais, il va y avoir trois EPR de plus dans les prochaines années », confiait Nicolas Hulot début août à Libération, qui a publié ses propos après sa démission. « Ça me fait chier, ils n’ont toujours pas compris l’essentiel. Le problème, c’est le modèle techno-industriel. Cela me fait penser à cette phrase de Bossuet : ‘Nous nous affligeons des effets mais continuons à adorer les causes’. » Dans ce confidentiel glissé au cœur de l’été, Nicolas Hulot donnait un écho particulier au « dilemme » des ministres de l’Environnement depuis le début de la Ve République : comment défendre des intérêts écologiques contraires à l’action d’un gouvernement qui pense principalement croissance, création d’emplois et hausse de la consommation ? Comment, en dehors des « petits pas » et des « quelques dossiers qui avancent », avoir du poids, par exemple face aux lobbies qui freinent des quatre fers pour sortir du glyphosate ou qui répètent à qui veut l’entendre que l’énergie nucléaire est un préalable à la transition écologique ? « Aucun des écologistes pressentis pour succéder à Nicolas Hulot n’entrera au gouvernement à moins d’un changement radical de politique en faveur de l’environnement », a affirmé Pascal Canfin, en égrénant la liste des candidats potentiels. « Je les ai eus au téléphone. Aucun d’entre-eux, c’est ma conviction absolue (…) n’ira dans ce gouvernement s’il n’y a pas ce big bang », a déclaré sur France Inter le directeur général de l’ONG WWF.

Malgré ces avertissements, le gouvernement fait de la politique comme d’habitude ; il n’envisage pas de modifier sa feuille de route sur les sujets environnementaux. On fera comme s’il y avait déjà eu des avancées écologiques, on dira que demain tout baignera dans le nucléaire au milieu des fleurs et des petits oiseaux préservés. Alors, quel remaniement ? On occulte l’échec de Macron en matière écologique pour se centrer sur les personnes. Pour un proche de Macron, « soit un remplaçant de poids succède à Hulot, soit c’est un profil moins ambitieux et il faut un remaniement plus large pour habiller la chose». Alors oui, la politique environnementale du gouvernement sera certainement pire, il n’y a personne d’autre que Nicolas qui puisse faire contre-poids au business as usual. Jupiter est nu pour « Make Our Planet Great Again ». Jusqu’à présent, l’écologie a été politisée de manière exclusivement consensuelle. La devise macronnienne « à droite Et à gauche, y’a du bon » laissait croire que tout le monde allait mener des politiques écologiques… Mais le départ de Nicolas conduit à « reconflictualiser » l’urgence écologique dans le débat public.

Au lendemain de la démission du ministre de la transition écologique, qui dénonçait notamment le nucléaire comme « une folie inutile où l’on s’entête », Les Echos révèlent un rapport* dans lequel deux industriels pronucléaires recommandent au gouvernement la relance d’un programme de construction de centrales. Selon ce rapport, il faudrait construire six de ces réacteurs à partir de 2025. Le choix d’une relance – ou non – du nucléaire sera au cœur des arbitrages qui dévaloriseront encore plus le futur ministre de l’écologie. Le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, s’est toujours prononcé en faveur de cette énergie. Tout comme le premier ministre, Edouard Philippe, directeur des affaires publiques d’Areva entre 2007 et 2010. M. Le Maire y voit, de son côté, « un atout pour la France » !

* LE MONDE du 31 août 2018, Nucléaire : un rapport préconise la construction de six nouveaux EPR

8 réflexions sur “Qui voudrait le boulot de merde laissé par Hulot ?”

  1. Autre chose.
    Bien évidemment « le gouvernement fait de la politique comme d’habitude » , puisqu’il est incapable de faire autrement.
    Je n’ai pas eu connaissance de cette fameuse « liste des candidats potentiels » mais je ne me fais aucun souci, je fais confiance à Macron pour remplacer Nicolas. Les gens qui cherchent à briller, ce n’est pas ça qui manque.

    D’ailleurs je lui en conseille un … un qui soit capable « de convaincre le président que l’économie et l’écologie sont juste deux manières différentes de compter un même processus »… un qui soit « capable de comprendre le monde scientifique »… et en même temps, un qui aime le nucléaire. J’ai nommé Jean-Marc Jancovivi.
    https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/0302180068570-comme-ministre-nicolas-hulot-etait-a-contre-emploi-2201044.php

  2. De mon côté je n’interprète pas comme biosphère ce commentaire de ThierryC. Mais il revient à lui seul de préciser sa pensée.
    Déjà, être ou ne pas être … that’s the question !

    Quant ThierryC dit « N’accablons pas le gouvernement » et d’autant plus quand il le dit après avoir dit ce qui précède… pour moi c’est clair. Et c’est d’ailleurs ce que je pense et ne cesse de dire.

  3. Le problème reste toujours qu’il est super difficile de faire à la fois la réduction du nucléaire et celle des émissions de CO2. Il faut faire des choix, et Hulot ne s’y est pas résolu.

    D’autant que tout le monde, ou presque, souhaite la croissance, la création d’emplois et l’augmentation du pouvoir d’achat. La quasi totalité des électeurs, comme celle des parti politiques, de droite comme de gauche.
    N’accablons pas le gouvernement sur ce point.

    1. bonjour ThierryC
      vous ne devez pas être un écolo car toute personne consciente de la détérioration actuelle de la planète sait qu’inéluctablement le pouvoir d’achat va diminuer, que ce soit volontairement ou non. Que la plupart de nos concitoyens, bercés par le résultat final des Trente Glorieuses et le saccage de la biosphère, ne le souhaite pas ne change rien à l’affaire : sans pétrole c’est la crise finale…

  4. Stéphane Foucart : « L’été 2018 restera comme un moment de profond paradoxe, entre la manifestation des catastrophes liées au dérèglement climatique et l’extinction de facto de toute réelle volonté politique de lutter contre lui… Si le système financier s’acheminait vers une catastrophe aussi certaine et prévisible, et de l’ampleur de celle qui menace le monde physique, il ne fait aucun doute que les dirigeants de la planète se réuniraient séance tenante et ne sortiraient de leur conclave qu’une fois arrêté un plan de réponse à la situation… Mais un problème profond traverse notre système : l’Etat y est tout entier dévolu à favoriser la croissance… Rappelons que sous sa forme actuelle la croissance implique l’intensification des flux de matière et d’énergie, qui sont les moteurs du réchauffement… Tous les grands médias sont également frappés par cette dissonance cognitive : on déplore un jour le réchauffement galopant pour saluer le lendemain les bonnes ventes d’Airbus… Être à la fois personne de conviction et ministre de l’environnement est aujourd’hui simplement impossible. (LE MONDE du 2-3 septembre 2018, « La démission fracassante de Nicolas Hulot est venue cristalliser le grand hiatus de cet été meurtrier »)

  5. Pressenti depuis quelques jours pour remplacer Nicolas Hulot, Daniel Cohn-Bendit a décliné l’offre car Macron lui a dit : « Si tu es ministre, tu perds ta personnalité, tu n’as plus cette liberté, est-ce que tu veux cela ? »
    A quoi rime un théâtre de marionnettes ? Personne après une telle phrase du chef d’Etat ne pourrait accepter un poste de ministre de l’écologie, car même avec le titre ronflant de ministre d’État, comment affirmer face aux autres membres d’un gouvernement où sont les vrais priorités ? L’éditorial du Monde rappelle la sinistre vérité de notre temps : « La série de reportages que nous publions montre les conséquences à long terme de l’inaction dénoncée par M. Hulot… Ce sont des villes, des régions entières parfois, souillées par des pollutions irréversibles à l’échelle humaine du temps… Une partie du monde devient progressivement de moins en moins propice à la présence de la vie… Partout sur Terre, les sols, l’air, l’eau portent désormais la marque indélébile des résidus de l’activité humaine, sous forme de substances chimiques de synthèse, d’hydrocarbures, de métaux lourds, de pesticides… Quel chef d’Etat s’est emparé de leur message ? Un an est passé, rien n’a changé. » (LE MONDE du 2-3 septembre 2018)

Les commentaires sont fermés.