Une pétition s’exclame, « Non au contrôle de moralité des futurs enseignants » (LeMonde du 4 juin). De quoi s’agit-il ? Une nouvelle épreuve au concours se propose de mesurer si le professeur connaît… « les textes relatifs à la sécurité des élèves et à la sûreté » ou « les règles de fonctionnement de l’école ou de l’établissement ». Prenons une application officiellement précisée dans un exemple : « Dans l’établissement scolaire où vous exercez vos fonctions, lors d’un intercours, vous remarquez deux élèves en train de se battre dans le couloir. Questions : 1/ Pensez-vous qu’il faille considérer que la surveillance des élèves durant les intercours, relève exclusivement de la compétence des surveillants de l’établissement ? 2/ Qu’évoque pour vous l’appellation communauté éducative ? »
La position des pétitionnaires, c’est de supposer qu’une telle question relève d’une dérive : « Nous ne pouvons accepter qu’un certificat de bonne moralité soit désormais requis pour accéder aux fonctions d’enseignant. » En fait, il s’agit pour eux de défendre un enseignant qui ne soit reconnu que pour son contenu cérébral devant une classe: « Les concours de recrutement ne sauraient évaluer que les compétences disciplinaires et les aptitudes pédagogiques des candidats. » Or beaucoup d’enseignants de l’époque actuelle se lavent les mains des problèmes de comportement des élèves d’aujourd’hui. La communauté éducative, ils n’en ont rien à cirer. Y’a des gens qui sont payés pour assurer la discipline dans les couloirs, pensent-ils ; l’enseignant, lui, il a sa propre « discipline » à enseigner, point barre. Pourtant la « moralité » dont il est question ici ne consiste pas à afficher sa religion ou à dénoncer le surveillant qui ne fait pas son travail. Il s’agit d’une éthique professionnelle. Il ne s’agit pas de l’avènement d’une « société de contrôle », il s’agit de réagir par rapport à une société qui enferme tous les individus dans une spécialisation forcenée des tâches, une division du travail qui en arrive à nous faire oublier le sens de la communauté. Alors, il faut multiplier le nombre de flics et de contrôleurs des contrôleurs.
Notre position sur ce blog, c’est que nous faisons partie d’une communauté humaine et même d’une communauté biotique. Si des intervenants extérieurs arrivent pour matraquer des élèves, un enseignant à le devoir de s’interposer si possible. Si la pollution de la planète devient une réalité, un enseignant doit faire tout son possible pour qu’il en soit autrement. L’éthique du fonctionnaire, c’est comme la morale pour n’importe quel citoyen, il faut se sentir concerné et responsable dans tous les évènements de sa communauté.
….ou encore dans le « comité éthique » que le dérangeant aussi, remuant, mais sympathique, Dany, veut instituer dans son parti et en politique…
Dècidément, cela « bouge » un peu partout..! On ne va pas s’en plaindre ! Ce sera bénéfique à toutes et tous…Et ailleurs (à droite) on ferait peut-être bien de suivre cela avec attention et intérêt , voire s’en inspirer…Bon courage et bon dimanche !
Jeune enseignant, reçu avec le concours « ancienne formule », je souhaite apporter un éclairage sur l’intégration de cette épreuve au concours nouveau. Votre point de vue me paraît pour le moins excessif lorsque vous écrivez : « En fait, il s’agit pour eux de défendre un enseignant qui ne soit reconnu que pour son contenu cérébral devant une classe »…
En fait, cette épreuve avait du sens lorsqu’elle faisait partie non du concours, dont l’objectif aurait dû demeurer la vérification des connaissances disciplinaires, mais de la validation du concours, laquelle intervenait jusqu’ici au cours de l’année de stage. En effet, comment vérifier l’éthique d’un futur enseignant autrement qu’en l’observant dans sa pratique ?
En faisant l’objet de quelques questions, l’épreuve a en fait été vidée de son sens. Apprendre par cœur quelques phrases ou proposer des réponses de bon sens suffira à réussir dans cette épreuve ; or c’est bien l’attitude d’un enseignant dans sa classe qui témoigne de son éthique de fonctionnaire. Le débat actuel masque cet enjeu de façon caricaturale.
Mais que les enseignants soient formés (et pas seulement savants) et qu’on s’assure réellement qu’ils ont les compétences et l’éthique nécessaire à l’exercice du métier paraît superflu pour notre actuel gouvernement.
…d’autant plus que cela s’inscrit complètement, absolument, dans le cadre de la politique (courageuse, dérangeante et innovante, mais porteuse d’avenir …) du « care » de Martine Aubry…Voir » le monde » de ce dimanche !
Bonsoir,
Cette mesure, avec les exemples choisis, ne devrait pas poser de problème et être approuvée, des deux mains, par l’immense majorité des personnels de l’Education Nationale …Mais ce qui va « sans se dire » va encore mieux « en le disant ! ».
Hum, à mon sens, il n’est pas inutile pour un candidat au CAPES, à l’agrégation, ou PE de connaître un peu le fonctionnement des institutions qu’il compte intégrer : savoir comment travailler avec un inspecteur d’académie, le personnel administratif d’un établissement, etc… Bref qu’il ait reçu une formation plus pratique, qu’il ressemble moins à une « bête-à-concours » le jour J. A ce jour, on apprend tout cela après être titularisé, ce qui me paraît un peu bordélique lors des premiers mois. En plus, la question « 2 élèves se cognent dans la cour : vous faites quoi ? » est clairement LA question piège qui n’a pour but que d’abattre le candidat pendant l’oral. Il y a beaucoup d’autres sujets qui rentrent dans le cadre de cette nouvelle épreuve, supposer que cette épreuve se résume à piéger les candidats sur leur aptitude à jouer les gendarmes revient à jouer le jeu de Sarko et sa bande : « prof = maton », « prof = nounou », « prof = flic »…. mais surtout pas « prof = celui qui inculque », ça fait culturel.
@ esteve
Bien entendu, il est anormal qu’un comportement qui devrait être normal, à savoir se sentir partie prenante de la communauté éducative, fasse l’objet d’une épreuve de concours.
Vous faites partie de l’ancienne génération qui ne séparait pas la vie dans la classe de la présence dans les couloirs. Très bien. Mais avec entre autres la fin des PEGC, et la préparation des lycéens à l’université, les jeunes générations de professeur ont été perverties : l’essentiel réside dans sa propre discipline, la discipline est assurée par d’autres, spécialisation oblige. On en arrive même à trouver normal que la police soit partie prenante des établissement scolaires !
Les temps ont changé, et comme plus personne ou presque ne se sent concerné par les autres, nous multiplions les contrôleurs de contrôleurs… C’est cela le paradoxe d’une société qui cultive l’individualisme, qui nous fait oublier la collectivité et qui nous pousse vers une société de flics à la morale étriquée.
Vous mélangez tout… J’ai été professeur de lettres pendant 40 ans… Bien sûr que j’intervenais quand des élèves se battaient dans les couloirs ! Bien sûr que je considérais les surveillants (à l’époque, ils étaient étudiants) comme de jeunes collègues, au même titre que les autres enseignants, ou les agents techniques ! Et aucun de nous n’avait besoin de subir un interrogatoire humiliant pour faire partie de l’équipe éducative !
Mais bon sang de bonsoir, si l’Inspecteur Général qui présidait le jury du concours m’avait posé ce genre de questions, j’en serais tombé sur les fesses… J’aurais eu l’impression qu’il enquêtait pour savoir si ma moralité était conforme à « l’éthique » officielle. C’est d’ailleurs ce qui m’est arrivé en d’autres circonstances… Et cette fois-là, je n’ai pas été surpris. Quand les responsables de l’enseignement à la prison m’ont demandé d’assurer bénévolement un certain nombre d’heures de cours en milieu carcéral, j’ai été convoqué par les Renseignements Généraux pour une enquête de moralité. Les braves flics, bien embêtés, m’ont dit qu’ils donneraient un avis défavorable au Préfet : ma moralité était « douteuse » puisque j’étais militant syndical. Je n’ai donc jamais enseigné à la prison.
Mais j’étais jeune, c’était il y a longtemps (1972). Depuis les choses ont bien changé : on envisage de tester le sens de « l’éthique » des jeunes collègues qui passent le concours de recrutement. Par bonheur, les membres du jury ne sont pas encore recrutés parmi les policiers !
Cela ne devrait pas constituer une « épreuve » de concours ou d’examen, mais figurer à titre de thème ou sujet de réunions annuelles obligatoires, à l’intérieur de l’établissement et en présence du directeur . Par exemple lors de la « prérentrée ».