Notre premier numéro de Biosphere-Info est paru le 3 septembre 2005. Il était hebdomadaire et récapitulait ce que nous écrivions chaque jour sur notre site biosphere. En voici la teneur :
Faucheurs volontaires. Des faucheurs d’OGM (organismes génétiquement modifiés, ou plutôt chimères) ont été incarcérés en France. L’ordre public, a expliqué le procureur, « c’est la protection de la propriété de chacun, mais par-dessus tout, c’est la loi avec un grand L qui est le fondement de la démocratie, de vos libertés. Si la loi n’est plus respectée, c’est la loi de la jungle qui s’installe, la loi du plus fort : les faucheurs volontaires balayant les décisions du Parlement et les avis de nombreux experts ». Mais l’avocat des disciples de la désobéissance civile rétorque que 80 % des gens en France sont opposés aux OGM, la démocratie est donc présente dans la destruction des parcelles et, de toute façon, l’intérêt général est bien plus fort que l’ordre public.
La Biosphère ne comprend d’ailleurs pas pourquoi les gens mangeraient des produits à base d’OGM : ils n’ont pas meilleur goût, ils ne sont pas moins chers pour le consommateur et c’est un coût supplémentaire pour l’agriculteur : les seuls avantages sont pour les multinationales productrice de semences. Alors vive l’action directe contre la recherche appliquée même si des agriculteurs vendus aux multinationales endommagent lâchement les voitures des faucheurs volontaires.
Hymne biosphèrique. A la rentrée scolaire 2005, l’enseignement de l’hymne national et son histoire sont par la loi du 23/4/2005 devenus obligatoires. Ecrite en 1792, la Marseillaise est à l’origine le chant de guerre pour l’armée du Rhin. Aujourd’hui encore de très jeunes enfants chantent les « allons enfants de la patrie… contre les féroces guerriers » et on appelle aux armes pour faire « couler un sang impur » dans les manifestations les plus hétéroclites, le 14 juillet ou la coupe du monde de foot. Pourtant « l’amour sacré de la patrie » a été fort mal employé depuis l’invention du nationalisme au XIXe siècle puisqu’il a jeté les humains dans des guerres fratricides et inutiles : ce n’est pas la guerre qui a rapproché les Français et les Allemands, c’est la construction pacifique de l’Europe.
Mieux vaudrait chanter tous en cœur « Allons’enfants de la Biosphère » pour un hymne de réconciliation non seulement entre les humains, mais aussi avec la Nature. Un concours est ouvert, envoyez-nous vos paroles de substitution à l’hymne guerrier en faisant bien gaffe : tout outrage à « la Marseillaise » est redevable de 7500 euros d’amende !
La rente pétrolière. Le triplement du prix du baril, passé de 20 à 60 dollars depuis l’an 2000, entraîne l’enrichissement des pays exportateurs, de Riyad à Lagos, de Caracas à Moscou. Mais le pétrole n’est que malédiction. Cet argent facile soutient artificiellement le budget d’un Etat parasitaire, la corruption augmente plus que proportionnellement aux « investissements » somptuaires en palais, yachts et bijoux, des proportions importantes des pétrodollars prennent le chemin des paradis bancaires internationaux, les populations locales restent le plus souvent pauvres ou asservies. Même si de nouvelle infrastructures routières, portuaires ou touristiques sont mises en chantier, la croissance démographique va de pair avec un chômage structurel que nulle croissance économique dans un monde fini ne pourra résorber.
La Biosphère attend avec impatience la fin de cette malédiction pétrolière qui pèse sur la planète, que ce soit dans l’impasse de tous ces pays qui perdent une partie de leur sous-sol au profit de richesses apparentes, ou dans l’aveuglement d’un monde mue par un système thermo-industriel sans lendemain, si ce n’est le réchauffement climatique qui en résulte.
Fin de vacances, la Biosphère respire. On chiffre les déplacement annuels internationaux à un milliard dont 70 % sont consacrés au tourisme. Ces déplacements au paroxysme pendant les vacances est une pratique dégradante intimement liée à la consommation et au commerce. Pour accueillir les touristes, il faut construire des aéroports, des routes, des équipements, des parkings et donc stériliser des territoires pour dévorer une énergie considérable nécessaire pour voler dans les airs ou rouler dans un camping car. Le touriste est aussi une agression insupportable contre une culture particulière, que ce soit la messe à Notre Dame de Paris couverte par le piétinement des visiteurs qui résonne sous les voûtes, ou le tourisme « solidaire » dans les ghettos de Soweto, les cimetières de Belfast ou les folklores reconstitués dans les lieux les plus divers qu’on veut rendre semblable à leurs stéréotypes.
La liberté de se déplacer semble devenu un droit de l’Homme alors que c’est un acte terriblement destructeur non seulement pour les sociétés humaines, mais aussi pour la Biosphère : supprimez le tourisme !
Richesse de la niche. A l’opposé de la théorie neutraliste, la théorie de la niche prédit une augmentation de la productivité primaire en fonction de la diversité végétale. Pour trancher en pratique, un projet européen a étudié la diversité végétale sur près de 500 parcelles pour 8 sites différents. On a alors observé en moyenne une augmentation de la production de biomasse aérienne en fonction de la richesse spécifique ; ce résultat s’explique par la complémentarité fonctionnelle entre espèces. On a aussi montré que la biodiversité agit comme une sorte d’assurance contre des changements de l’environnement : si les différentes espèces ne réagissent pas de façon identique à ces fluctuations, les réactions tendent à se compenser mutuellement, ce qui entraîne une stabilisation du fonctionnement d’ensemble du système malgré le fait que chaque espèce continue à fluctuer fortement. Enfin la biodiversité est un réservoir d’adaptation à des changements de l’environnement.
Du point de vue des écosystèmes, il n’y a pas d’avenir durable pour une société humaine qui détruit la biodiversité.
Qui peut être contre la décroissance ? Un ouvrage très sérieux « Le développement durable, les termes du débat » (coll. Compact civis), indique dès le début de son premier chapitre ce qui sous-tend l’évolution actuelle des idées : « Le slogan de la décroissance générale interdirait la réduction de la pauvreté et n’est guère compatible avec nos systèmes démocratiques. Il convient, en revanche, de disjoindre le dynamisme de nos sociétés de la croissance des flux de matières et d’énergie qui l’a toujours sous-tendu. C’est la croissance de ces flux qui met en péril la viabilité pour l’espèce humaine, notamment la biosphère(…) Il convient encore d’ajouter à la nécessaire décroissance des flux de matières et d’énergie la décroissance, non moins impérative à long terme, des effectifs démographiques planétaires ».
La Biosphère ne peut que se réjouir d’un tel discours de Dominique Bourg, mais cela implique de condamner à mort (mentale bien entendu) tous les économistes et politiques qui ne jurent que par la croissance !
Neutre pour le climat. Pour réaliser leur livre, « 80 hommes pour changer le monde », Sylvain Darnil et Mathieu le Roux ont interrogé des entrepreneurs dans différents pays. Pour rester neutre par rapport au climat, les auteurs ont alors calculé l’empreinte climatique de leur voyage autour du monde grâce au site Internet futureforests.com. Ils ont en conséquence financé un projet de plantation, au pied du Kilimandjaro, de 1300 pousses de M’pingo, une espèce rare d’ébène africain. La croissance de ces arbres devrait absorber, tout au long de leur vie, l’équivalent des 11 tonnes de CO2 émises par l’ensemble de leurs trajets.
L’initiative est louable, mais si la croissance d’une forêt fixe le carbone, un incendie détruira tous les efforts accomplis. La seule énergie utilisable pour les déplacements humains doit résulter des énergies renouvelables, on ne peut recouvrir la terre toute entière d’arbres.
PS : Aujourd’hui Biosphere-Info est devenu un mensuel. Il paraît tous les 1er de chaque mois sur ce blog biosphere.
Pour le recevoir gratuitement par mail, il suffit d’en faire la demande à biosphere@ouvaton.org
ATTENTION, tous les blogs hébergés par lemonde.fr seront fermés à partir du 6 juin 2019.
LE MONDE ne nous a donné aucune explication sur le pourquoi de cette fermeture générale…
Ce BLOG.BIOSPHERE sera donc transféré chez un autre hébergeur, nous y travaillons…
Bien à vous, fidèles lecteurs…