Sexe, Nature, religions et spécisme

Les femmes ont été longtemps infériorisées, que ce soit dans leur droit de travailler, de voter, de s’habiller, de baiser et d’avorter, ou de représenter Dieu. Pourtant en 1949, Simone de Beauvoir constatait dans Le deuxième sexe qu’« on ne naît pas femme, on le devient ». Depuis ce diagnostic, qui n’a jamais été démenti depuis, on sait que la nature de la femme ne dit rien de son statut par rapport à l’homme : le comportement humain est déterminé par un conditionnement culturel. La même année 1949, Elisabeth Schmidt était consacrée pour la première fois pasteur dans l’Eglise réformée de France. Pourtant depuis plus de 2000 ans la Bible n’autorisait ni n’interdisait à une femme d’être pasteur. Aujourd’hui encore l’Eglise d’Angleterre, ébranlée par des divisions internes sur l’ordination possible des femmes et des homosexuels, vient de rejeter une proposition visant à autoriser la consécration de femmes évêques dans le pays (lemonde.fr du 11 juillet). Ni dieu, ni la nature ne disent rien du statut des femmes, et on ne peut même pas faire confiance à la démocratie.

En effet le système démocratique ne dit rien a priori sur l’égalité ou non entre les êtres vivants. La démocratie est un lieu vide où on peut mettre n’importe quoi du moment que cela résulte d’une délibération collective. La lutte pour l’égalité entre hommes et femmes est un exemple de ce perpétuel combat. Le leader des Anglicans n’a pas convaincu le synode général : la maison des évêques et la maison du laïcat ont voté en faveur des femmes, c’est pourtant la maison du clergé qui l’a emporté. L’Eglise du Pays de Galles s’était déjà prononcée contre l’idée de femmes évêques en 2008. L’Eglise épiscopale écossaise autorise depuis 2003 les femmes à devenir évêques, mais aucune n’a encore accédé à cette fonction. La démocratie va dans tous les sens ! Sur ce blog, nous ne comprenons pas cette discrimination entre hommes et femmes : la différence des sexes ne peut pas faire l’inégalité. Mais nous ne  comprenons pas non plus l’idée de supériorité de l’espèce humaine par rapport aux autres formes de vie.

C’est par analogie avec le sexisme que le spécisme a été défini en 1970 par Ryder comme une discrimination selon l’espèce. Cela consiste à assigner différents droits à des êtres sur la seule base de leur appartenance à une espèce. Le spécisme, comme toute conception de l’inégalité, commence dès l’enfance. On ne naît pas femme. Et si nous mangeons de la chair animale, de l’autre côté on développe l’attachement envers des animaux de compagnie. Certaines espèces se caressent, d’autres sont tuées, parfois se sont d’ailleurs les mêmes. Mais dès lors qu’on reconnaît qu’il y a unité du vivant, la stratégie cartésienne de supériorité de l’homme sur les autres espèces ne fonctionne pas. Aucune comparaison des différences n’implique une hiérarchie : on peut étudier des différences et des parentés, mais non pas construire une hiérarchie téléologique. Il faut le répéter encore une fois : toutes les espèces qui vivent aujourd’hui sont nos contemporains, issues du même processus d’évolution. Nous pouvons faire des différences entre les hommes et les femmes, entre les noirs et les blancs, entre les humains et les végétaux, mais il n’y a pas en soi d’inégalités entre les espèces, pas de supériorité en soi de l’espèce humaine. Un vrai démocrate devrait aimer l’humanité, aimer toute la Création, aimer toutes les formes de vie, ne pas ressentir de sentiment de supériorité. Le système démocratique fonctionnerait bien mieux s’il en était ainsi…

4 réflexions sur “Sexe, Nature, religions et spécisme”

  1. Merci pour votre article.

    @ Duconlajoie

    Entre la femme et l’animal, c’est plus qu’un rapport d’analogie, c’est un rapport d’appartenance. 🙂 Ok, la femme n’est pas une poule, la poule pas une rate et la rat pas une femme, mais tous les trois sont quand même des animaux !
    Sinon, où donc situez-vous les humains ?

    De toutes façons, l’analogie entre spécisme et sexisme (ou encore racisme) se situe dans le traitement : domination d’un groupe sur un autre. Bien sûr il y a des différences : dans le spécisme et les pratiques qui en découlent, la domination, l’assujettissement, la chosification et les violences subies par le groupe dominé ont atteint des niveaux jamais égalés dans les autres systèmes dominants.

  2. Il nous semblait pourtant que l’homme et la femme sont des animaux parmi d’autres.

    Si cela apparaît évident, alors seulement on peut comprendre ce qu’est le sexisme, ce qu’est le racisme, ce qu’est le spécisme.

    La stupidité d’une personne n’existe pas, il s’agit simplement d’un manque de connaissance qui ne demande qu’à être dépassé…

  3. Si « spécisme analogue à sexisme » c’est donc que « animal analogue à femme » ! Jamais rien vu d’aussi stupide.

  4. Sur le dernier point, le spécisme, il faudrait plutôt vous en prendre à Descartes et à Freud.

    Au premier qui estimait que l’homme devait se rendre maître et possesseur de la nature car il était à part de celle-ci, au motif que seul l’homme possède l’intelligence lui tendant un miroir lui permettant de se contempler lui-même et de dire « je ».
    Kant a ajouté la pierre fondatrice de cette philosophie de l’Homme supérieur, avec la notion qu’il y a en nous quelque-chose d’unique, de détaché de l’enchaînement des causes et des conséquences gouvernant la totalité du monde matériel, un quelque-chose « a priori », appelons-le l’âme ou l’esprit. Cela se tient, soit on a cette âme nous fournissant le libre-arbitre et nous rendant responsables de nos actes, soit nous ne sommes que pierres roulant le long d’une pente sous la seule force de gravité, et ni l’amour, ni la justice, ni aucune de nos inventions mentales ne valent rien, et allez donc punir un criminel qui vous explique qu’il n’a pas d’âme a priori, qu’il a commis un crime par un simple enchaînement de causes et de conséquences dont il se contente de faire partie.

    Et au second qui a très clairement expliqué que la culture, la civilisation, se construisent *par définition* en s’opposant à la nature.

    Autant on peut désormais ne plus être d’accord avec Descartes (possibilité du « je » chez les animaux, et même si l’on est bel et bien à part en essence, dans les faits la conception asiatique a du bon, où l’homme n’est qu’une pièce du tout et ne devrait pas s’en détacher trop artificiellement de peur de perdre les pédales)… Autant Freud a raison, pour être hommes, nous devons nous détacher de la nature.

    Quitte à s’y rattacher après-coup, à cette nature, mais ça fait une disctinction fondamentale.

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