La démocratie représentative est géographiquement délimitée. En effet, la première mission du député consiste à représenter les Français et les sénateurs représentent les collectivités territoriales. Pourtant, comme le remarque Dominique Bourg*, les problèmes environnementaux ne sont plus locaux, mais transfrontaliers et, pour certains, globaux. Le changement climatique, l’acidification des océans, l’érosion de la biodiversité… sont des problèmes planétaires, à l’interface entre l’humanité et la biosphère. C’est une situation totalement originale. Cette problématique nouvelle entraîne nécessairement une nouvelle conception de la démocratie représentative. Dominique Bourg propose d’ajouter des institutions supplémentaires… autant dire que les désastres écologiques arriveront plus vite que nos réformes !
C’est pourquoi nous proposons une méthode beaucoup plus rapide, changer le statut de la représentation, quitter son enfermement territorial face à des problèmes globaux qui s’étendent dans le temps et dans l’espace. Chaque parlementaire devrait se sentir le représentant de ses électeurs, mais aussi des acteurs-absents, c’est-à-dire les habitants des autres territoires, les générations futures et même les non-humains. Des chefs d’Etat réunis pour traiter du réchauffement climatique ou de l’extinction des espèces ont d’ailleurs fondamentalement pour rôle de penser à la place des générations futures et des non-humains. Cela ne consiste pas à se substituer aux générations futures pour décider à leur place de ce qui serait « bon pour elles », mais à décider d’éliminer ce qui serait « mauvais pour elles » de par notre action présente.
La même procédure de représentation élargie devrait d’ailleurs s’imposer à tous les acteurs de la vie économique, chefs d’entreprises ou ménages. Car ce que nous produisons et consommons aujourd’hui a des effets écologiques planétaires et de long terme. Chacun de nous doit donc se faire l’avocat des tiers-absents, ceux qui ne peuvent être présents lors de nos délibérations mais qui sont pourtant directement concernées par nos décisions.
* LeMonde du 31 octobre 2010, un système qui ne peut répondre au défi environnemental
nous représentons des représentations :
C’étaient des gouvernements (des pays) qui étaient représentés à Nagoya pour la dixième conférence des parties sur la diversité biologique. Ces représentants soutenaient (ou non) les entreprises qui profitent des ressources génétiques tirées de la biodiversité. Les représentants des Etats-Unis comme d’habitude ne se sentaient pas du tout concernés par une convention sur la diversité biologique, car seul importe la protection du niveau de vie américain. Par contre, les intérêts des peuples indigènes sont négligés, son représentant Karmen Boscan Ramirez s’exclame* : « Nous étions là, nous avons pu nous exprimer, mais toutes les choses que nous demandons pour le respect des savoirs traditionnels et des ressources génétiques des terres indigènes n’ont pas été prises en compte. Où se trouve le respect de la Terre-mère ? »
Lors d’une réunion à Londres le 6 décembre, Jane Goodall représentait les chimpanzés, Biruté Galdikas les orangs-outangs, Ian Redmond les gorilles et Aurélien Brulé défendait les gibbons*. Nous avons tous un système de représentation qui nous incite à devenir le représentant de causes les plus diverses, les intérêts des grandes entreprises, les intérêts des Américains, les intérêts des peuples indigènes, les intérêts des grands singes, les intérêts de la Terre-mère…
* LeMonde du 31 octobre 2010
@ Helvète
– Les humains sont capables de se représenter n’importe quoi, y compris une abstraction totale comme « Dieu » et d’agir en fonction de cette croyance. La question de se sentir responsables ou non des chocs écologiques est donc simplement une question d’apprentissage.
– Il ne s’agit pas de culpabiliser, mais de responsabiliser. Se sentir responsable des glaciers nationaux ET des glaces du pôle peut être ressenti même par des habitants de Marseille…
Les représentations à grande échelle sont un leurre, car personne ne sent responsable pour des problèmes qui se passent loin de chez lui.
Et franchement comment s’intéresser à la montée des eaux dans le Pacifique alors qu’on n’arrive pas à résoudre les problèmes des plastiques qui traînent dans le coin de sa rue ?
Il faut arrêter de chercher de culpabiliser les gens pour des problèmes qui ne les touchent pas, mais au contraire chercher les problèmes qui les touchent de près: la baisse de la fertilité, les pesticides, les décharges du passé, la disparition des glaciers nationaux…
Peu de gens sont capables de se projeter dans des niveaux complexes d’abstraction (même les images ne suffisent plus: montrer des enfants de faim en Afrique et n’espérer pas que les nantis réduiront leur portion au petit-déjeuner le lendemain). Ainsi va l’homme
De la part d’un de nos correspondants à propos de « vers une démocratie écologique » de Bourg et Whiteside :
Le livre de Bourg paraît très décevant. Il considère la démocratie représentative dans l’abstrait, et pas dans les conditions actuelles où elle est très sérieusement dégradée. Et sa proposition revient à rajouter une strate supplémentaire de représentation encore plus éloignée des citoyens. Ses références sont d’ailleurs le WWF et la Fondation Nicolas Hulot, deux ONG financées par les entreprises…