« Suis-je écologue ou écologiste, scientifique dans sa bulle ou politiquement engagé ? » Comme d’autres scientifiques, Franck Courchamp est en pleine crise existentielle : « Pendant des années, j’observais la destruction de la biodiversité de manière neutre, comme un chercheur en médecine verrait une maladie : pour étudier les dysfonctionnements du corps humain Aujourd’hui, je vis très mal cet effondrement du vivant et j’ai décidé de m’engager… Je ne sais pas si c’est notre rôle de résoudre les problèmes environnementaux, mais c’est peut-être notre devoir… Cela me mettrait mal à l’aise en tant que citoyen de ne pas agir, mais cela me met mal à l’aise en tant que scientifique d’agir, car je risque de perdre de la crédibilité indispensables à mon travail. » Cette ambivalence, que Franck Courchamp désigne comme « la bipolarité de l’écologue », s’applique à d’autres disciplines académiques. Pour un nombre croissant de climatologues, de biologistes, d’agronomes ou d’astronomes, la production de connaissances pour leur seul intérêt scientifique ne suffit plus, alors que les glaciers fondent, la mer monte, les espèces s’éteignent et les événements extrêmes se multiplient. Et que la société, toujours plus inquiète, leur demande des réponses à la crise. La tentation est alors forte de sortir des laboratoires pour investir l’agora.* Quelques controverses sur lemonde.fr :
MrFred : Quand la moitié des Sciences de la Terre sont financés par Total et consort, on s’étonne de décrire les scientifiques comme neutres. Ils sont au contraire une partie prenante du changement climatique.
C H Dontenwille : Pour qu’une science reste rationnelle, vérifiable, elle doit rester descriptive et non prescriptive, et ne peut pas faire de prospective sérieuse, par exemple. Selon Bourdieu, le scientifique doit effacer ses opinions dans ses travaux, puis laisser son autorité scientifique derrière lui lorsqu’il s’engage … sous peine d’être entraîné dans la perte de crédibilité qui entache les polémistes.
Frog : La neutralité de la science est bien aussi illusoire que la neutralité de la presse. Toute parole, toute recherche nécessite un angle avec un regard humain. Ce qui ne change rien aux faits objectifs. Mais quand on constate que la terre est au bord de la destruction, il est normal en tant qu’être humain qu’on s’en inquiète. Et si je puis me permettre, ceux qui détruisent l’environnement, eux, ne se posent pas tant de questions morales ! Se disent-il « ah mais ce n’est pas mon rôle de pomper le pétrole jusqu’au dernier litre » ? « Ai-je bien le droit de vendre des produits dont personne n’a besoin et qui rendent malades les êtres vivants » ? Evidemment non. Alors la pureté face à ça, ça nous fait une belle jambe. Le propre de l’humain est d’avoir des convictions.
Untel : Triste mélange, mais favorisé par le laxisme des pairs qui admettent ou ferment les yeux sur une telle dérive. Normalement il faudrait virer les militants de la science, d’un coup de botte bien placé.
JDL : Je suis scientifique en écologie et ce ne sont ni des coups ni des bruits de bottes qui feront faiblir mon engagement citoyen, sauf a considérer qu’être payé par vos et nos impôts ne donne aucune éthique ni aucun devoir…
-Alazon- : Escroquerie à la science : voilà le bon terme pour désigner cette tendance récente qui consiste à se parer de ses titres académiques pour défendre une position militante. L’exemple le plus caricatural est Aurélien Barrau, astrophysicien qui utilise son titre pour promouvoir ses idées sur un sujet (la régulation du CO2) sans lien sérieux avec sa discipline. C’est un travestissement des opinions en savoir. Les scientifiques sont là pour expliquer les résultats scientifiques (par exemple il y a un réchauffement climatique), ils ne prescrivent pas ce qu’il faut faire face au réchauffement climatique. Cela, c’est du strict ressort du politique.
Aurélien Barrau, astrophysicien: « La vie périclite sur Terre et l’on se demande s’il est bien raisonnable que les scientifiques interviennent dans le débat public. C’est scandaleux de se poser cette question »
CFranck : En tant que scientifique et militant, je suis complètement d’accord sur le biais que le militantisme peut finir par créer sur la démarche et la recherche scientifique. Il faut que les scientifiques ne parlent en expert que dans les domaines où ils le sont. Sinon il finiront par décrédibiliser d’avantage l’ensemble des scientifiques. Un scientifique ne peut pas être un militant social au nom de la science sauf pour la défendre…
Vincent Devictor, directeur de recherche (CNRS) : Neutralité scientifique et devoir de réserve, il y voit des principes qui favorisent l’« autocensure » et un « manque de courage » de la communauté des écologues.
Christophe Cassou, climatologue : « Il s’agit de présenter les faits et leur niveau de certitude, d’expliquer qu’ils sont obtenus dans la rigueur de la démarche scientifique, puis de dresser l’ensemble du panel des solutions à la crise climatique. Dès qu’on communique, on devient impliqué. » Cet engagement se traduit d’abord dans la vulgarisation, l’une des missions dévolues aux scientifiques. Dans leurs prises de parole, certains scientifiques choisissent de s’en tenir à leur domaine d’expertise, tandis que d’autres considèrent qu’il faut s’aventurer au-delà, l’ampleur de la crise environnementale nécessitant une vision d’ensemble et une réponse globale. »
Christophe Bonneuil, historien des sciences : « Les scientifiques ont toujours été engagés dans la société, qu’il s’agisse, depuis la seconde guerre mondiale, de défendre la paix, l’avortement ou de dénoncer le nucléaire. Ce qui est nouveau, depuis un an, c’est que les chercheurs, dans leurs pétitions, n’appellent plus seulement les autorités à agir face à la crise, mais soutiennent également les grèves climatiques et l’action directe. » A ses yeux, tous sont engagés même s’ils ne le reconnaissent pas : « Les scientifiques, via les financements publics, sont encouragés à travailler avec l’industrie, les militaires, mais jamais avec le monde associatif. Or la première position n’est pas neutre. » Il émet l’hypothèse que « la perte de légitimité d’un Etat, qui ne remplit plus ses fonctions régaliennes de sécurisation des personnes, par défaut d’action à la hauteur de l’urgence climatique, conduit des chercheurs fonctionnaires à se désolidariser, à faire un pas de côté ».
Atécopol va plus loin que celui du GIEC, qui s’interdit d’être prescriptif : « On assume de dire que la poursuite d’une croissance économique à tout prix est incompatible avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C et la préservation de la biodiversité. Les recherches menées pour développer les techniques, accroître la croissance ou le progrès ne sont pas neutres, c’est juste qu’elles bousculent moins la société. Et qu’elles questionnent moins les scientifiques. » A l’illusion de la neutralité, il faut opposer d’autres vertus comme l’impartialité et l’objectivité.
* LE MONDE du 11 mars 2020, Savants ou militants ? Le dilemme des chercheurs face à la crise écologique
La prochaine loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) inquiète la communauté scientifique. En effet les rapports préparatoires à la future loi mettent en première ligne la compétitivité, la performance, la flexibilité, l’hypermobilité, la surenchère technologique et des sciences mises au service de la croissance du PIB. Aucune de ces propositions ne donne des solutions à nos problèmes. Une perspective de « conquête » des marchés épuisera un peu plus la Terre.
Les sciences ne sont aucunement vertueuses par essence. Si elles ont joué un rôle majeur d’alerte et de compréhension des processus qui ont conduit au désastre, elles ont, en même temps, activement contribué à ce même désastre. Le gouvernement doit reconsidérer en profondeur le cadrage de la recherche à l’aune du plus grand enjeu contemporain : la destruction en cours d’une planète compatible avec la vie humaine.
(tribune in LE MONDE du 12 mars 2020, « La recherche publique ne doit plus servir à détruire la planète »)
Peut-être en effet existe t-il des connaissances qu’il eut mieux valu n’avoir jamais acquises. Toutefois, si nous entendons «science» comme «connaissance» (son étymologie) , alors je dirais que les sciences sont vertueuses par essence. Par contre c’est la technologie qui pose problème.
Et pour la recherche c’est pareil. D’un côté la recherche fondamentale, celle qui a pour vocation de parfaire nos connaissances, et de l’autre la recherche appliquée, celle qui vise à faire marcher le Business. C’est donc cette dernière qui est au service de la croissance du PIB.
Quant à la recherche fondamentale publique en France, cela fait maintenant des années qu’elle aussi subit une politique de réductions de moyens. Son déclin est donc amorcé depuis longtemps. Et là encore, Business as usual.
Il manque la phrase de Jean-Marc Jancovici qui intitule l’une de ses vidéos et qui résume très bien la situation = « Il faut choisir Pib ou Co2 » ….. Autrement dit, on n’aura pas les deux ! Bref choisir entre sauver le Pouvoir d’achat ou l’Écologie, mais on n’aura pas les deux…. Puisque c’est la hausse de la consommation qui provoque la pollution et la dégradation de la vie sur Terre pour toutes les espèces….. MAIS le gouvernement est enfermé dans une logique où il ne peut que vouloir défendre le pouvoir d’achat de ses électeurs pour deux raisons principales, primo c’est le prix à payer pour se faire réélire et garder les planques des élus, secundo le gouvernement est englué dans des décisions des précédents gouvernements par ce qu’on l’appelle les engagements de L’État, bref toutes les prestations sociales offertes aux électeurs (retraites, soins, éducation, subventions, etc)…. Autrement dit; réduire le pouvoir d’achat de seulement 1% c’est de trouver en contrepartie +10% de gilets jaunes et black-blocs dans la rue…. Bonne chance à celui qui voudra réduire le pouvoir d’achat de 5,10, 20 ou 80%…..
ET encore, ce n’est pas fini, supposons et imaginons que 100% des français voudraient vivre de manière écologique, et ben dans les faits en pratique ils n’y parviendraient pas ! Ils ne savent plus ce que c’est que de vivre à l’ancienne, les français ne sont pas formés pour vivre à l’ancienne sans énergies fossiles, tous les savoirs-faire des anciens (avant l’ère industrielle) sont perdus de la mémoire collective….. Il faudrait des milliers de centres de formations pour apprendre à vivre sans énergies fossiles….
Donc, ce sera le déluge, tout se fera dans le chaos à la dernière minute, à la dernière seconde même…. Mais avec beaucoup de ravages….
Voilà le genre de question qu’on se pose, en attendant, tout en pataugeant dans le grand n’importe quoi, et en même temps.
Savants ou militants ? Peut-on être écologue ET écologiste, en même temps ? That is The Question.
Autrement dit, pour les nuls : Peut-on être scientifique ET vert, en même temps ?
Petit tuyau, pour les nuls : Vert, bleu, blanc, rouge, noir ou gris etc. peu importe.
Vous avez 4 heures.