Covid-19, nécessité d’un triage médical

Urgence, pas toujours la même tous. Lors d’un accident « standard », il y a une équipe de deux ou trois personnes pour s’occuper de la victime. Dans une situation à multiples victimes, il y a a plus de victimes que d’intervenants. Un triage médical* devient alors nécessaire, notamment en cas de guerre ou de catastrophe de grande ampleur. Les degrés de priorité déterminent l’ordre dans lequel les patients vont être traités et évacués. La pandémie au coronavirus en Italie pose le problème de qui doit vivre et qui doit mourir.

Avec plus de 1 800 cas supplémentaires diagnostiqués en vingt-quatre heures et 97 morts, ce qui porte le nombre de décès à 463, c’est tout le système sanitaire italien qui menace de s’effondrer. Le nombre de nouveaux cas croît de 25 % à 30 % par jour, à un rythme très supérieur aux nouveaux moyens mobilisables. « L’un des meilleurs systèmes de santé au monde, celui de la Lombardie, est à deux pas de l’effondrement », explique le docteur Antonio Pesenti dans une interview au quotidien milanais Il Corriere della Sera. « Nous faisons de notre mieux, mais sommes dans une situation de pénurie », reconnaît le docteur Matteo Bassetti, qui dirige le service des maladies infectieuses à Gênes. « Nous les réserverons aux patients qui ont le plus de chance d’en bénéficier », poursuit le médecin. Pour accompagner les médecins réanimateurs dans leurs décisions, des recommandations éthiques ont été publiées ce week-end. L’objectif est « d’assurer un traitement intensif aux patients ayant les plus grandes chances de succès thérapeutique : il s’agit donc de donner la priorité à l’espérance de vie », estime la Société italienne des réanimateurs. Il n’est plus possible, dans un tel contexte, d’appliquer la règle du « premier arrivé, premier servi ». La situation est d’autant plus tendue que le nombre de respirateurs artificiels est limité. « C’est un cauchemar, lâche le docteur Matteo Bassetti. Nous avons beaucoup de patients âgés avec des comorbidités, mais nous avons aussi beaucoup de patients plus jeunes, qui souffrent de pneumonies avec une insuffisance respiratoire », ce qui requiert « une ventilation pendant une semaine ou deux ». A Bergame, tout près de l’épicentre de l’infection, les médecins se retrouvent « à devoir décider du sort d’êtres humains, à grande échelle », témoigne le docteur Christian Salaroli, réanimateur. « Pour l’instant, je dors la nuit. Parce que je sais que le choix est basé sur l’hypothèse que quelqu’un, presque toujours plus jeune, est plus susceptible de survivre que l’autre. C’est au moins une consolation. » Ce médecin décrit « une médecine de guerre », dont l’objectif est de « sauver la peau » du plus grand nombre.**

Une recherche « urgence tri hôpital » sur google donne 4 570 000 personnes ; c’est dire son importance. Les malades qui se précipitent aux urgence d’un hôpital trouvent le temps d’attente bien long, mais ils ont rarement conscience qu’ils font l’objet d’un tri, le premier arrivé n’est pas automatiquement le premier servi. Pour la première fois aujourd’hui, grâce au Covid-19, notre société d’abondance se retrouve dans un état de tri généralisé, mais au lieu de réfugiés sur les routes, il y a obligation de confinement. La situation actuelle est à l’image du monde de demain, une société de pénurie sur une planète souillée et exsangue. Yves Cochet a même exprimé l’idée que la tâche principale des politiciens serait de réduire au maximum le nombre de morts. Puisse la sobriété être partagée équitablement et qu’il n’y ait plus de tri entre puissants et misérables….

* https://fr.wikipedia.org/wiki/Triage_m%C3%A9dical

** AFP 10 mars 2020, Face au coronavirus, l’Italie étend les mesures d’isolement à tout son territoire

4 réflexions sur “Covid-19, nécessité d’un triage médical”

  1. Cette question du tri et du rationnement, surgie dans le débat public, va nous accompagner durablement. L’accès à la ventilation mécanique pour les patients en détresse respiratoire n’est en effet que la pointe émergée d’un continuum du rationnement des chances face à l’épidémie… Le médecin trieur n’est pas l’ange posté à l’entrée du royaume, il n’est pas là pour jouer à Dieu et dire qui aura ou non droit à la vie, mais pour sauver le plus de vies possible, en refusant de se cacher derrière la Providence ou la distribution aléatoire du malheur. Le tri, en pénurie, opère le basculement d’une médecine individuelle, censée donner à chacun ce dont il a besoin, à une médecine collective, qui oblige le sauveteur à prendre en compte, à côté de la victime en face de lui, les besoins de tous les autres au regard du stock de ressources disponibles. D’autres exigences éthiques que celle de l’égalisation des chances que constitue la prise en charge prioritaire des plus vulnérables, sont ainsi affirmées : l’utilitarisme, qui vise à sauver le plus de vies possible (même si cela implique de renoncer à sauver cette vie-là qui demanderait à son seul bénéfice trop de temps et trop de ressources pour un pronostic trop mauvais), l’efficience (ne pas gaspiller des ressources médicales rares pour un bénéfice trop incertain), la justice (qui a droit à quoi, s’il n’y en a pas pour tout le monde).
    Frédérique Leichter-Flack, spécialiste de l’éthique

  2. Le coronavirus semble plus grave que ce que l’on pensait au départ : 16 % des patients ont besoin d’être hospitalisés, 5 % doivent être placés sous ventilation artificielle
    et surtout de façon durable – vingt jours en moyenne, c’est très long !

  3. Eh oui, en situation de crise, ou de guerre, lorsqu’on est débordé, ou lorsqu’un bateau coule, il faut faire des choix. Des choix souvent difficiles. Lors d’un naufrage ce sont les femmes et les enfants d’abord. En tout cas c’est ce qu’on voit dans certains films. Dans d’autres ce sont les premières classes d’abord, le secondes ensuite etc. Mais ici nous ne sommes pas au cinéma. Même si nous regardons tout ça bien au chaud dans nos logements douillets, bien installés dans nos canapés, en attendant la suite.
    Ce choix, entre ceux qui doivent vivre et ceux qui peuvent attendre… c’est le triage médical. Le docteur Matteo Bassetti parle de cauchemar. Et je comprends. De son côté le docteur Christian Salaroli arrive encore à dormir la nuit et se console comme il peut. Je comprends aussi.

    Aujourd’hui, comme toujours, ces choix difficiles ce sont des êtres humains qui les font. Souhaitons que ça reste ainsi. Préservons à tout prix ce qu’il nous reste d’humanité.
    Parce que ces choix pourraient très bien aussi, être faits par des machines. Aujourd’hui dans le cadre de la fameuse IA (intelligence artificielle), notamment celle qui sera embarquée dans nos futures voitures autonomes, des gens développent des logiciels (algorithmes) pour que dans certaines situations, disons délicates, la bagnole fasse le BON CHOIX. Imaginons la bagnole «intelligente», bardée de capteurs et de caméras, qui se retrouve face à une petite vieille et un gamin. Pas moyen d’éviter les deux ! Le problème à résoudre, lequel éviter ?
    Ces machines peuvent être programmées comme on veut. Et elles obéiront. Si l’algorithme «décide» d’écraser la vieille, le type dans la bagnole (on ne peut même plus l’appeler «chauffeur») pourra le soir même dormir tranquille, la con science tranquille, ce n’est pas lui qui aura choisi. Pratique, non ? On appelle ça le Progrès.
    Partant de là on peut tout imaginer. Avec la reconnaissance faciale (au faciès) la bagnole «intelligente» pourra même faire la différence entre une vieille blanche, une vieille jaune, noire etc. Et bien sûr pareil pour les gamins. Là non plus l’âge ne fait rien à l’affaire. Comme on dit, on n’arrête pas le Progrès ! Misère misère !

  4. « Yves Cochet a même exprimé l’idée que la tâche principale des politiciens serait de réduire au maximum le nombre de morts.  »

    J’ exprime l’ idée qu’ une hécatombe due à monseigneur Covid-19 parmi la classe politichienne et journalopique serait hautement souhaitable pour le devenir du pays .
    Que covid -19 les « prenne en mains » et leur fasse payer leurs crimes commis au nom du mondialisme !

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