Mère Térésa déclarait en 1988 : « Pourquoi nous soucier de la Terre ? Nous devons nous occuper des pauvres et des malades. Dieu prendra soin de la Terre. » Les religions du livre ne nous ont pas donnés de règles et de conseils pour vivre en harmonie avec Gaïa. Les concepts humanistes de développement durable, de gestion et d’intendance sont entachés d’orgueil. Nous ne sommes pas plus doués pour gérer la Terre que des chèvres pour jardiner.
Bruno Latour : « On parle de « reprise » post-covid, mais cela sonne comme une incantation, pas comme un projet mobilisateur. Le projet mobilisateur s’est décalé, comment maintenir les conditions d’habitabilité de la planète ? Il n’y a rien dans l’idéologie de l’Homo œconomicus, qui permette de répondre à cette questions. S’il est vrai que les humains ont construit artificiellement leur propre environnement, à l’intérieur duquel nous sommes confinés, il faut nous intéresser à ce dont nous dépendons, la température globale, la biodiversité. Cela change complètement le rapport au sol, c’est cela « atterrir ». Gaïa, la « Terre-mère », cette notion résume justement le changement de « lieu » que nous ressentons avec la pandémie. Pour exercer quelque forme politique que ce soit, il faut une Terre, un lieu, un espace. La meilleure preuve que la politique « sous Gaïa » est nouvelle c’est cette étonnante contrainte qui pèse sur toutes les décisions individuelles et collectives, de rester « sous les deux degrés » des accords climatiques. C’est cela que j’appelle « le nouveau régime climatique ». C’est bel et bien un nouveau régime juridique, politique, affectif puisque l’on vit dans une zone critique, « sous Gaïa », confinés dans les zones d’habitabilité. Le conflit entre les « extracteurs » et les « ravaudeurs » complique celui existant entre les bourgeois et les prolétaires. Il faut reconnaître que Laudato si’ [l’encyclique du pape François] a complètement rebattu les cartes avec cette injonction, vraiment prophétique, d’entendre le « cri de la Terre et le cri des pauvres » ! C’est quand même plus costaud que l’idée de classes géosociales… Ça touche beaucoup plus loin, que faites-vous sur Terre , quelle Terre habitez-vous ? Cela résonne beaucoup plus que les injonctions à « sauver la nature », qui reste toujours extérieure. Je ne sais pas penser sans un terrain empirique. Depuis quatre ans, on instaure des ateliers collectifs d’autodescription : « De quoi dépendez-vous pour exister, comment maintenir les conditions d’habitabilité ? » C’est un moyen de reconstruire l’écologie politique sans jamais parler d’écologie ! Mais avec le couvre-feu, c’est un cauchemar à organiser…
Sarah Py : J’ai un problème avec Bruno Latour. Et cela me rappelle Michel Serres. Je ne vois là rien de structurel, aucun concept opératoire sur lequel se fonder : la Planète, la Terre mère, ça sonne la religiosité à deux sous. Et pour le reste, du vague, du général, rien qui accroche et vous incite à persévérer, à chercher cette voie d’entrée à une pensée.
Jean Rouergue : » la Planète, la Terre mère, sonne [pour vous, comme une] religiosité à deux sous »…. Remplacez cela par biocénose et vous aurez fait un grand pas..
JDL : Pour les amateurs de lecture rapide, une phrase fulgurante de Michel Serres : « la terre, jadis notre mère, est devenue notre fille. »
Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :
5 août 2015, La revanche de Gaia, un réchauffement irréversible
28 février 2015, Une religion pour la terre-mère est-elle dangereuse ?
21 septembre 2013, un intellectuel face à l’apocalypse, Bruno Latour
29 décembre 2009, notre Terre-mère Pachamama
3 juin 2007, culte de Gaïa
Pour ceux qui aiment lire, et qui s’intéressent aux saintes écritures… il semblerait que les considérations écologiques ont une place proéminente dans la Bible. C’est ce que raconte Manfred Gerstenfeld* dans un article de CAIRN-INFO.
( «La Bible et l’environnement». Mis en ligne le 01/02/2013 )
Extrait de la conclusion : « L’analyse de la Bible d’une perspective environnementale est aujourd’hui très peu développée, mais s’insère tout de même dans une longue tradition d’exégèse qui s’enrichit génération après génération. On pourrait prévoir que dans l’avenir il est très probable que la lecture écologique de la Bible deviendra également une chose très commune.»
* Manfred Gerstenfeld est un auteur israélien d’origine autrichienne.
– « Environment and Confusion » (1993)
– « Judaïsme, environnementalisme et environnement » (1998)
– « The Environment in the Jewish Tradition: A Sustainable World » (2002)
«Croissez et multipliez, emplissez la terre et soumettez là»
A l’époque où le christianisme n’était encore qu’une secte habitée par quelques allumés, cette incantation était plus sûrement un appel à la conversion, une incantation prosélyte, plutôt qu’un appel à la ponte immodérée de marmaille, laquelle serait due pour l’essentiel à l’installation quelques siècles (millénaires) auparavant de l’agriculture/pastoralisme aux dépens des sociétés de chasseurs-cueilleurs.
A l’époque ce n’était pas le Christianisme, puisque cette phrase de la Genèse est antérieure de 4 à 600 ans à la naissance de Jésus-Christ. Donc il est bien injuste d’en rendre les chrétiens responsables. Ajoutons qu’elle a été écrite par des hommes vivant dans un monde hébergeant entre 100 et 150 millions d’habitants soit entre 80 et 55 fois moins qu’aujourd’hui, dans ce contexte elle était plus excusable.
Il n’y a en tout cas nulle raison qu’elle nous serve de guide aujourd’hui, bien au contraire. On a peuplé, on a soumis on a détruit (peupli, soumissi détruiti)
Très juste remarque Didier Barthès. De toute façon la Génèse ne raconte pas que ça.
Quatrième Jour de la Création, Dieu invente les poissons et les oiseaux. Et leur dit :
– «Fructifiez, multipliez , emplissez l’eau des mers, et que les oiseaux multiplient sur la terre.» (Genèse 1, 22)
C’est au Sixième Jour qu’il dit à Adam et Eve (mâle et femelle) : «Fructifiez, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tout être vivant qui se meut sur la terre». (Genèse 1,28)
L’idée de domination de la nature est certes là. Du moins la domination des «poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tout être vivant qui se meut sur la terre». Quant au reste du vivant, les plantes, les vers sous la terre, les poissons d’eau douce etc. là il faut demander aux spécialistes.
(suite) Plus sérieusement, comment pourrait-on interpréter correctement tout cela, sachant déjà qu’il s’agit là de traductions de traductions ?
«Fructifiez, multipliez» est souvent traduit par «croissez et multipliez». Or croître et fructifier ce n’est pas tout à fait la même chose. Croître peut aussi vouloir dire grandir, devenir adulte. Ce passage peut alors être traduit par : «Grandissez, soyez adultes, devenez des maîtres de sagesse, capables d’être parents… et puis multipliez».
Et là encore «multipliez» peut vouloir dire autre chose que «baisez, baisez et remplissez la Terre au delà de ses limites». Multipliez peut alors vouloir dire «devenez multiples». C’est à dire riches de connaissances, moins cons.
Finalement, à quoi bon chipoter avec ça ? 😉
– « Les religions du livre ne nous ont pas donnés de règles et de conseils pour vivre en harmonie avec Gaïa. » (Biosphère)
– «Croissez et multipliez, emplissez la terre et soumettez là» (Genèse 1, 28)
S’appuyant notamment sur cet ordre divin, certains écologistes dénoncent dans le christianisme une religion anthropocentrique. Ils reprochent au christianisme d’avoir apporté une rupture dans l’ordre du monde et de persister dans cette voie, en appelant notamment au développement. En effet, en 1967 dans l’encyclique Populorum progressio le Pape Paul VI déclarait : «Le développement est le nouveau nom de la paix.»
Or depuis quelques années l’Eglise se préoccupe de plus en plus de l’environnement, des atteintes dont il est l’objet et dont les hommes sont les premières victimes, et appelle donc au «respect de la Création».
En 2000 la Commission sociale des évêques de France déclarait :
– « Les chrétiens sont invités à revisiter leur théologie de la Création. Il ne s’agit pas d’abord d’exploiter la terre ni de la dominer sans retenue, mais de la gérer avec sagesse, d’en prendre soin, de la rendre habitable pour tous ».
Le 12 septembre 2008, Nicolas Sarkozy accueillant le Pape Benoît XVI à Paris, déclarait : « Les religions, et notamment la religion chrétienne, avec laquelle nous partageons une longue histoire, sont des patrimoines vivants de réflexion et de pensée, non seulement sur Dieu, mais aussi sur l’homme, sur la société, et même sur cette préoccupation aujourd’hui centrale qu’est la nature et la défense de l’environnement ».
Les évêques invitaient donc les chrétiens à relire les textes… et Sarkozy affirmait que le christianisme portait en lui cette réflexion sur la nature et la défense de l’environnement. Personnellement peu m’importe que la Bible parle d’écologi(sm)e ou pas. Nous savons que les textes peuvent être interprétés dans un sens comme dans l’autre, surtout ce genre de textes.
Arrêtons de bouffer du curé et réjouissons-nous qu’ils soient aujourd’hui écolos. La spiritualité n’a pas nécessairement besoin de Gaïa, de Pachamama ou de Bouddha. Ni même de Dieu. Je pense là à cette histoire que racontait le Dalaï Lama : Un jour un occidental, peut être un français, lui disait combien il était séduit par le bouddhisme. Et le Dalaï Lama de lui rétorquer quelque chose comme ça : «Pourquoi le bouddhisme ? Le christianisme c’est très bien également. »
Oui, tout a fait d accord.
Je suis de l’avis de Sarah Py. Pour moi, Gaïa et Pachamama c’est du blablabla.
Non pas du charabia, mais en effet une sorte de religiosité à deux sous, comme dit Sarah.
Et à côté, rien ! Rien que «du vague, du général, rien qui accroche et vous incite à persévérer, à chercher cette voie d’entrée à une pensée. » Rien que du blablabla qui sonne faux.
Ou alors qui ne sonne, ne chante ou ne parle qu’à certains, en manque de spiritualité, un peu paumés etc. Et qui me font penser à Tartufe. La mode n’est plus d’aller en pèlerinage à Katmandou, aujourd’hui elle est à prier Gaïa et à encenser la Pachamama. Sans oublier Sainte Greta et Saint Nicolas 🙂
Moi qui ne suis pas cureton pour deux sous, mais qui toutefois a été bercé par le son des cloches des églises, comme d’autres le sont par d’autres, je préfère de loin écouter le Pape. Ou encore l’Abbé Pierre, et même Mère Térésa. Question de goût, tout simplement.
Oui en effet, moi aussi, je ne mélangerais pas les deux sujets, la foi est une chose, la défense de la nature en est une autre. Il n’y a nulle raison, ni de les opposer ni d’appuyer la seconde sur la première ou inversement,