Pour montrer l’illusionnisme technologique qui règne dans nos sociétés thermo-industrielles, considérons l’idée folle « d’énergie libre », définie comme une énergie illimitée, gratuite et facile à produire. Certains croient qu’elle existe, mais que les industriels nous la cachent… En fait c’est un mythe, une fake news qui nous induit en erreur. Notre boulimie énergétique et l’amour du progrès technique cultivé par beaucoup de nos contemporains nous empêche d’accéder collectivement au recul nécessaire pour percevoir les réalités du point de vue scientifique. Ainsi, on a vu se développer médiatiquement des idées de moteurs capables de faire avancer des voitures avec de l’eau, des mécanismes capables de reproduire des phénomènes de fission nucléaire à partir de petites quantités d’hélium, des générateurs utilisant les “champs électriques sans fin” pour produire une énergie illimitée ou encore des scientifiques prétendant être capables de reproduire la fusion nucléaire à froid dans un tube à essai. Un certain nombre de dispositifs ont fait la une des médias en faisant la promesse de fonctionner sur le principe de la production surnuméraire : le catalyseur d’énergie d’Andrea Rossi, le résonateur à eau de Jean-Christophe Dumas, les moteurs à mouvement perpétuels, les générateurs de la Fondation Keshe ou les moteurs à plasma type PlasmERG. Le bide intégral ! Toutes ces tentatives ont été démenties par l’expérimentation scientifique. Pour déterminer la réalité en matière d’énergie, il faut s’appuyer sur les lois de la thermodynamique. Allons au plus simple.
1) on ne peut pas “créer” d’énergie. On peut simplement la convertir. En clair, rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme.
2) quand une énergie est convertie d’une forme à une autre, une partie de l’énergie se dissipe, elle devient beaucoup plus difficile à utiliser. C’est l’entropie.
Si l’on continue à raisonner en termes d’énergie libre, cela nous empêche de voir que le principal problème (du point de vue écologique) n’est pas de savoir comment produire plus d’énergie, mais comment en consommer moins.
Pour en savoir plus, lire Nicholas Georgescu Roegen, « entropie, écologie, économie » (The entropy law and the economic process)
en résumé : La théorie économique dominante considère les activités humaines uniquement comme un circuit économique d’échange entre la production et la consommation. Pourtant il y a une continuelle interaction entre ce processus et l’environnement matériel. Selon le premier principe de la thermodynamique, les humains ne peuvent ni créer ni détruire de la matière ou de l’énergie, ils ne peuvent que les transformer ; selon l’entropie, deuxième principe de la thermodynamique, les ressources naturelles qui rentrent dans le circuit avec une valeur d’utilité pour les humains en ressort sous forme de déchets sans valeur. Lorsqu’on brûle un morceau de charbon, son énergie chimique ne subit ni diminution ni augmentation (premier principe de la thermodynamique : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme), mais l’énergie initiale s’est dissipée sous forme de chaleur, de fumée et de cendres qui ne peuvent être récupérée (deuxième principe ou loi de l’entropie : tout se transforme et échappe alors à l’emprise humaine). En fait tout organisme vivant s’efforce de maintenir constante sa propre entropie ; il y parvient en puisant dans son environnement immédiat de la basse entropie (utilisable) afin de compenser l’augmentation de l’entropie à laquelle son organisme est sujet. Si les humains n’arrivent plus à capter de basse entropie à proximité, ils essayent de la prendre ailleurs. L’énergie atomique n’est ainsi qu’une tentative contemporaine de délier de l’énergie liée. Mais on ne peut produire de façon meilleure ou plus grande qu’en produisant des déchets de manière plus forte et plus grande. Il n’y a pas plus de recyclage gratuit qu’il n’y a d’industrie sans déchets.
Pour en savoir encore plus grâce à notre blog biosphere :
9 décembre 2018, L’illusion technologique confrontée au climat
9 novembre 2018, L’illusion d’une énergie offerte par les algocarburants
18 février 2008, illusions technologiques
Il faut absolument avoir lu «Entropie, écologie, économie» de Nicolas Georgescu Roegen.
Le chapitre 2 s’intitule «L’énergie et les mythes économiques». Tout y est analysé, en ne perdant jamais de vue l’importance des mythes.
– «Les mythes ont toujours tenu un rôle primordial dans la vie de l’homme […] Beaucoup de mythes trahissent la plus grandes folie de l’homme».
Nous retrouvons donc le mythe du mouvement perpétuel, ainsi que ce mythe économique qui nous raconte que quoiqu’il advienne «nous trouverons bien [toujours] quelque chose». La section VIII et
le chapitre 3 sont consacrés à cet autre mythe économique, qui plait beaucoup à certains écologistes, celui de «L’état stable: un mirage à la mode».
En attendant le mythe de l’«énergie libre» a la dent dure. Le Net regorge de «preuves» qu’elle existe, et que ça marche. On trouve des plans, des vidéos, et rien que ça suffit déjà à entretenir cette croyance loufoque. Là encore les «débats» se résument à un affrontement entre ceux qui y croient (POUR) et ceux qui n’y croient pas (CONTRE). Les premiers évoqueront le moteur Pantone, qu’ils assimileront au fumeux moteur à eau, dénonceront le complot des compagnies pétrolières qui veulent nous empêcher de rouler propre et gratuitement, et patati et patata. Là encore quand on a affaire à des gens qui ont besoin d’y croire, on peut raconter tout ce qu’on voudra.
En attendant, on peut penser que si… les gens avaient quelques notions de physique, s’ils avaient lu «Entropie, écologie, économie» de Georgescu Roegen, s’ils avaient un minimum d’esprit critique, s’ils savaient comment ils fonctionnent, pourquoi ils se plaisent à croire à n’importe quoi, etc. alors ils seraient peut-être un peu moins cons.
En attendant, la bibliothèque du Vrai Écolo ne saurait se limiter aux bouquins de Nicolas Hulot, et des belles histoires d’araignées et de grand-ducs, ni même à la Bible de Malthus.
Ce livre de Georgescu Roegen est incontournable. Comme l’est le «Petit cours d’autodéfense intellectuelle» de Normand Baillargeon, bien rangé à côté de «Propaganda» d’Edward Bernays.
Bien sûr il y en a d’autres, des tas, et bien sûr je pourrais en remplir des pages. Mais à quoi bon ? 😉
Et bien Michel, il n’est pas inutile de donner vos références de lecture … Sachez qu’il y a derrière son ordinateur une personne qui apprécie vos commentaires quotidiens (il est d’ailleurs dommage qu’ils soient limités dorénavant) et qui va de ce pas, se procurer ces 2 bouquins … Merci !
Bonjour DUMARET. Je profite de mon droit de réponse (3 max) pour moi aussi vous dire merci. Savoir que quelque part il y a quelqu’un qui apprécie mes radotages et mes conneries ne peut que me faire plaisir. Et rien que ça, c’est déjà. Merci ! 😉