« Il y a un truc plutôt bien, c’est le suffrage universel. Il y a un autre truc, manipulable, c’est la démocratie participative », écrivait un internaute. On pourrait aussi bien dire, « Il y a un truc très manipulable, c’est le processus électoral, et un autre d’avenir, la conférence de consensus. » Dans nos sociétés de multitudes humaines, la démocratie directe est impossible, il s’agit donc d’élire des « représentants ». On met alors en place une démocratie de masse d’où émerge des leaders censés personnifier le peuple. On se retrouve alors avec des Trump, des Narendra Modi, des Poutine et autres Erdogan à la tête d’État dit « démocratique ». Par contre la conférence de citoyens met au travail un panel de citoyens tirés au sort et représentatifs de la société globale. Il n’y a pas de magouilles électoralistes possibles, pas de pression du lobbying, pas de conflits d’intérêt, pas de soif du pouvoir. Il y a surtout un apprentissage propre à la question particulière à traiter par quelques citoyens représentatifs du commun des mortels. Le résultat sur le Climat (conférence des 150 citoyens) était très convainquant avec ses 149 mesures. Malheureusement nos « élus » ont complètement dénaturé leur avis, on n’en fera pas assez pour le climat. Il est vrai aussi que la France connaît un exercice personnel du pouvoir, Emmanuel Macron étant aidé dans son jupiterisme par le contenu d’une constitution présidentialiste. Cela entraîne une déformation de ce que devrait être réellement une participation des citoyens aux prises de décisions.
La dynamique de concertation mise en place par le président français a été couplée avec une dynamique verticale impulsée par ce grand chef. Quand les « gilets jaunes » ont surgi sur les ronds-points fin 2018, Macron a dégainé « le grand débat national ». Avec près de 2 millions de contributions en ligne, plus de 10 000 réunions organisées localement, des milliers de cahiers de doléances ouverts, le gouvernement a revendiqué un succès. Qu’en reste-t-il ? C’était voué à l’échec, rien n’était fait pour avoir une dynamique autonome ; on a abouti à une synthèse faite par le seul président de la République. La Commission nationale du débat public avait été écartée d’entrée de jeu, le pouvoir en place voulait garder la main et tester juge et partie. Pour la convention citoyenne sur le climat, le sommet de l’État a corrigé un peu le tir. Pendant près d’un an et demi, 150 volontaires, tirés au sort, ont été chargés de réfléchir aux moyens de « diminuer d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, dans un esprit de justice sociale ». Mais les conventionnels, à la lecture du projet de loi Climat et résilience résultant de leurs travaux, ont attribué au gouvernement la note de 3,3 sur 10 s’agissant de la prise en compte de leurs recommandations. C’est un exemple parfait de la non-représentativité de l’Assemblée nationale quant à l’urgence climatique.
Un autre internaute soutient le gouvernement : « En démocratie la légitimité vient du vote, pas du hasard ! ». Pourtant le tirage au sort est au fondement d’une démocratie véritable. Il est possible d’impliquer des citoyens ordinaires sur des enjeux politiques complexes à un niveau national, c’est ce que démontre le tirage au sort. Le recours à des panels de citoyens désignés par le hasard fait un retour significatif dans les démocraties libérales. Cette démarche rompt avec une théorie politique fondée sur l’élection comme mode de désignation légitime des représentants. Elle s’inscrit dans une ancienne tradition. Au IVe siècle avant J.-C. était « considéré comme démocratique que les magistratures soient attribuées par le sort et comme oligarchique qu’elles soient électives » selon la formule d’Aristote. Dans un contexte marqué par la professionnalisation du politique et une crise de défiance envers les élus, le recours au sort présente une rupture. La compétence collective d’un groupe repose moins sur les aptitudes personnelles de ses membres que sur leur diversité cognitive ; une assemblée tirée au sort a plus de chances de produire des décisions justes et intelligentes qu’une assemblée élue. On s’y expose à la diversité et on se débarrasse des logiques partisanes, des lignes fixes, ce qui amène à évoluer dans ses opinions. Le temps de la délibération amène à réfléchir collectivement pour produire du consensus.
L’urgence écologique devrait démultipliez les conférences de consensus, les thématiques ne manquent pas, surpollution, surconsommation, surpopulation et en même temps épuisement des ressources fossiles et des stocks halieutiques, chute de la biodiversité, stress hydrique, etc. Président et autres élus à la solde du système « business as usual », cela ne peut signifier « démocratie »…
Pour en revenir donc à cette idée émise par Biosphère, à savoir (dé)multiplier les conférences de consensus en se servant comme exemple de la Conférence citoyenne sur le climat. Comme exemple et non comme modèle, car il n’est évidemment pas question que ça se solde de la même façon.
Tirer donc au sort un certain nombre de citoyens (j’oublie les guillemets), 150 me parait être un bon panel. Et leur soumettre un problème à régler, leur laisser pour ça un certain temps, là encore il suffit de trouver la juste mesure. Mettre à leur disposition tous les élément (avis d’experts etc.) afin qu’ils puissent juger d’une façon la plus juste possible. Ce serait là en effet quelque chose qui se rapprocherait plus de la démocratie.
(suite) Toutefois il faudrait que durant ce travail cette commission ne subisse aucune influence du reste du monde. Cela veut dire que les membres de cette commission seraient tenus au secret. Notons au passage que c’est comme ça que fonctionne le jury populaire (jurés d’assises).
Mais de plus ils ne devraient pas écouter les infos, les sondages etc. bref rien de ce qui pourrait les influencer et fausser leur jugement. Or, comment faire ?
J’ai quand même eu l’impression que la commission était fortement influencée et loin d’être représentative.
Bonjour Didier Barthès.
Je pense que cette CCC était suffisamment représentative. Certes les tirés au sort pouvaient refuser d’y participer, ce qui fait que ce sont les plus motivés qui y sont allés. Personnellement j’aurais laissé ma place.
Par contre c’est sûr que cette commission a été fortement influencée. Et de tous les côtés. Déjà par Macron qui dès le début a défini les limites, disons les règles du jeu. Mais aussi par les me(r)dias qui les informaient au jour le jour des réactions des uns et des autres.
(suite) Ce qui était inévitable puisque la majeure partie de la partie, ou des travaux, environ 85 heures, ont été filmés et publiés sur le site de la convention (Transparence oblige).
Imaginez-vous à leur place, en train d’avancer un pion… et vous entendez Pierre Paul et Jacques qui disent “Oh non pas ça !“ Ou alors “Vas y Johnny c’est bon !“
Pour bien jouer à ce genre de jeu, je pense qu’il faut du silence, non ?
C’est ce que je disais précédemment, pour bien faire les 150 auraient dû plancher à huis clos, coupés du monde, durant TOUTE la durée de l’exercice. Ce qui veut dire au moins un mois. Et là je pense qu’il faut vraiment être motivé, non ? Pas comme moi en tous cas. 😉
Quelle démocratie ? Quand on regarde les financements des partis politiques et l’accès aux médias, on se rend compte que le système électoral est conçu principalement pour les riches. Il est même possible d’être inscrit dans plusieurs partis, comme çà les riches pré-sélectionnent les candidats auxquels on devra voter. Bon puis les programmes mensongers n’en parlons pas.
« Nul ne peut adhérer en même temps à plus d’un parti politique »
(Article 21 de la loi organique des partis politiques )
Quand on ne sait pas où on est, c’est qu’on est perdu, autrement dit dans le brouillard.
Comment alors pourrait-on savoir où est la bonne direction ? Non, dans ce genre de situation le mieux est encore de ne pas bouger, et d’attendre que ça s’éclaircisse.
En attendant ce qui est clair c’est que nos démocraties n’en ont plus que le nom. Dans les nébuleuses de la Grande Confusion, essayons déjà de voir dans quel type de régime nous vivons.
Viviane Forester a vu ça comme «Une étrange dictature» (2000). D’autres voient ça comme une oligarchie, une ploutocratie, une synarchie, une énarchie. Et dans un autre registre comme une ochlocratie, qui se décline aujourd’hui en «facebookratie» ou «twittocratie».
Pour avancer, disons qu’il y a de tout ça, nous essaierons de voir plus tard dans quelles proportions.
Le second problème est d’arriver à dire avec certitude quel est le type de régime idéal. Et tant qu’à bien faire, lequel est le pire. On nous a mis dans la tête que le meilleur était la démocratie. Seulement ça reste à prouver.
Logiquement, le meilleur régime ne devrait-il pas être tout simplement le gouvernement des meilleurs (aristocratie) ? Oui mais voilà, qui sont ces meilleurs ? Pas les pires en tous cas.
Ceux qui gouvernent ont toujours eu besoin de savoir ce que le peuple a dans la tête. Et c’est normal. Mais jamais comme aujourd’hui. Pour tout et n’importe quoi aujourd’hui on veut savoir ce qu’en pense la sacro-sainte Opinion. Pour ça les sondages, qui permettent aux dirigeants d’adapter leurs stratégies, afin d’amener l’Opinion (le Peuple) là où ils en ont décidé. (La Fabrication du consentement : De la propagande médiatique en démocratie. Chomsky)
Le comble c’est que le Gros Animal a lui aussi besoin de savoir ce qu’il pense.
Ça tombe bien il adore les sondages, les ragots etc. Ainsi aujourd’hui n’importe quel «citoyen» peut se dispenser de réfléchir par lui même, il voit où est la moyenne, la norme, ce qui est «bien-beau-vrai» et ce qui ne l’est pas. Et donc il «sait» ce qu’il convient de penser et de faire. Pour patauger encore et toujours plus maintenant on tient compte des tweets et des commentaires sur les réseaux dits sociaux (société du commentariat), et bien sûr des «analyses» qu’en font «les spécialistes». Bref, l’ochlocratie c’est le grand n’importe quoi et nul doute que nous y sommes.
– « L’historien grec Polybe (vers 200 – 125 avant JC) considère l’ochlocratie comme le pire des régimes qui termine le cycle des six phases constituant la théorie de succession des régimes politiques : monarchie, tyrannie, aristocratie, oligarchie, puis démocratie qui dégénère en ochlocratie avant l’avènement d’un homme providentiel qui ramènera la monarchie. » (site La Toupie)
Au stade où nous en sommes, et si Polybe a vu juste… alors il ne nous reste plus qu’à attendre cet homme (ou cette femme) providentiel(le).
En attendant, on peut bien sûr continuer à réfléchir sur la meilleure façon de rafistoler cette démocratie en ruines. On peut toujours essayer de voir si une bonne dose de tirages au sort, ou de proportionnelle, ou de ceci ou de cela, pourrait lui faire du bien. Oui bien sûr on peut, mais j’ai bien peur qu’on ne fasse que tourner en rond.