Deux discours se rejoignent sur le monde.fr pour se retrouver en symbiose avec ce blog biosphere. En résumé :
Julia Marton-Lefèvre*, directrice générale de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) : La nature est la base essentielle qui permet et entretient la vie sur notre planète. Nourriture, eau, médicaments, abri, air non pollué… tous ces produits et services indispensables à la vie, et beaucoup d’autres, proviennent de la nature. Cependant, les organismes internationaux d’aide au développement et les gouvernements donateurs ont largement négligé le rôle de la nature, se tournant plutôt vers des programmes de « développement » à grande échelle, portant parfois atteinte à l’environnement, pour aider les pays à sortir de la pauvreté.
René Passet**, membre du Collegium : Il n’est désormais d’économie viable qu’une bio-économie au sens propre, c’est-à-dire une économie ouverte aux lois de la biosphère. Le paradigme qui s’impose aux sociétés n’est plus celui de la mécanique, mais celui de la biologie et des systèmes complexes régissant la survie évolutive de l’humanité et de la biosphère. Dire que l’humanité consomme plus d’une planète est une façon d’affirmer qu’elle a franchi les limites de la capacité de charge de la biosphère. Or, la généralisation des standards européens ou étatsuniens actuels, exigerait une quantité de ressources représentant 4 à 7 fois celles dont peut disposer notre planète sans épuiser son patrimoine productif.
D’un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), publié le 12 mai, il ressort qu’une croissance mondiale viable, impliquant un retour aux consommations de ressources naturelles de l’année 2000, exigerait une division par trois des consommations actuelles de ces ressources pour les pays industrialisés, et une stabilisation pour les autres. Les auteurs de l’étude soulignent eux-mêmes que cela ne pourrait être obtenu que moyennant une quantité de contraintes qui « peut être difficilement envisagée ».
Il s’agit d’un tournant décisif. L’économie se trouve confrontée à sa vraie nature d’activité transformatrice de ressources et d’énergies réelles ; elle ne saurait se reproduire elle-même dans le temps que dans la mesure où ses règles d’optimisation restent subordonnées au respect des fonctions assurant la reproduction à très long terme de la nature ; elle est amenée à se penser dans la reproduction du monde. Or, en dépit des crises et des catastrophes qu’il ne cesse de provoquer, le paradigme néolibéral reste encore dominant. L’humanité continue son chemin sur la pente fatale.
Il nous faut réhabiliter les économies de proximité, assurer le droit des peuples à satisfaire par eux-mêmes leurs besoins fondamentaux. En un mot, réinventer le monde dans un temps limité. « There is no alternative… »
* LEMONDE.FR | 28.06.11 | La nature, une solution pour de nombreux enjeux mondiaux
** LEMONDE.FR | 28.06.11 | La bioéconomie de la dernière chance