Stephen Emmott s’appuie sur des graphiques terrifiants, l’expansion démesurée de la population mondiale, la croissance exponentielle du CO2 dans l’atmosphère, le réchauffement des océans, le taux d’extinction des espèces, les pertes énormes de surfaces boisées, la surexploitation des écosystèmes marins, une consommation d’eau qui croît deux fois plus vite que ne croit la population, une production croissante de véhicules à moteur, etc. « Et chacun de ces problèmes s’accentue à mesure que la population mondiale s’approche des 10 milliards d’habitants… Une population plus nombreuse accroît la demande d’eau et de nourriture. La demande de nourriture renforce à son tour le besoin de terres, ce qui accélère la déforestation. Cette demande augmente également la production alimentaire et le transport. Tout cela alourdit les dépenses énergétiques. Celles-ci finissent par renforcer les émissions de CO2 et de méthane, ce qui aggrave encore le changement climatique… La façon dont les plantes vont réagir à ce phénomène nous est tout simplement inconnue pour l’heure… »
Dix milliards pour Stephen Emmott, c’est trop difficile à faire vivre et à nourrir. Au cours des quarante prochaines années, nous devrons produire pour nous alimenter plus de nourriture que n’en a fourni toute la production agricole au cours des 10 000 ans passés. Or la quantité de nourriture que nous produisons dépend presque entièrement des engrais chimiques à base de phosphate. Les réserves sont limitées, elles vont bientôt être épuisées. Lorsque ce moment arrivera, cela signifiera pour la population humaine la fin de l’agriculture telle que nous la connaissons. « Seuls les idiots refuseraient d’admettre qu’il y a une limite au nombre de personnes que notre planète peut supporter. Mon avis est nous avons dépassé cette limite. Depuis longtemps. Mais je crois que nous allons continuer à faire comme si de rien n’était. »
L’idée générale de Stephen Emmott ? « Tandis que notre population se rapproche des 10 milliards, nous pénétrons en territoire inconnu. Mais s’il est une chose prévisible, c’est que les choses vont s’aggraver encore… Quelle que soit la façon dont on envisage les choses, une planète peuplée de 10 milliards d’habitants promet d’être infernale. » Alors le recours au fusil ? « Ce n’est pas un hasard si un nouveau type d’acteur participe désormais à presque toutes les conférences scientifiques sur le changement climatique auxquelles j’assiste : l’armée. » Il a demandé à l’un des scientifiques les plus rationnels et les plus brillants qu’il connaisse – un jeune chercheur de son labo – ce qu’il ferait, lui, s’il avait une chose, une seule, à faire dans la situation où nous sommes. Sa réponse ?
« Apprendre à mon fils à se servir d’un fusil. »
Ainsi se termine le livre de Stephen Emmott, 10 milliards (2014)
– « Apprendre à mon fils à se servir d’un fusil. »
C’est ce que pensent ces survivalistes, qui se construisent des bunkers. Ceux-là construisent le monde de Mad-Max. Au fond d’eux ils ont hâte qu’il arrive, ce monde infernal, ne serait-ce que pour ne pas avoir le sentiment d’avoir bossé pour rien.
Apprendre à se servir d’un fusil pour chasser, pourquoi pas. Seulement dans le monde de Mad-Max les cartouches sont rares, c’est d’ailleurs ce qui fait leur valeur. Mieux vaut encore apprendre à se servir d’un arc.
Personnellement je préfère conseiller aux jeunes d’apprendre à se servir d’une bêche et d’une perceuse (à main) et autre. Je préfère leur conseiller d’apprendre à connaître l’Autre plutôt que de le tuer.
On nous répète ici que ce n’est pas bien de vouloir tuer le messager. Messager ou pas, tuer c’est pas bien. Et voler c’est pas beau. Aujourd’hui le messager s’appelle Stephen Emmott. Avant de le tuer, ou ne serait-ce qu’écouter son message (lire son bouquin «10 Billion»), commençons déjà par essayer de voir à qui on a affaire. Qui est ce type ? Pour qui il bosse, pour qui il a bossé ? Qui sont ceux qui le soutiennent, qui se cachent derrière lui, etc. ?
L’article débute en faisant référence à ces courbes qui illustrent la Grande Accélération. Et nous retrouvons la relation de cause à effets qui est généralement faite. L’auteur de ces premières lignes juge ces graphiques «terrifiants». Reconnaissons déjà que quelqu’un de terrifié, terrorisé, n’est pas dans les meilleures conditions d’objectivité et de lucidité. En suivant il parle d’expansion « démesurée», de croissance «exponentielle», de pertes «énormes», de «surexploitation » etc. Ce ne sont là que des jugements subjectifs. ( Nous avons déjà parlé des exponentielles et de la transition démographique.)
– « Et chacun de ces problèmes s’accentue à mesure que la population mondiale s’approche des 10 milliards d’habitants… [etc.]» (Stephen Emmott)
Et personne ne peut dire le contraire, on ne peut même pas dire qu’il s’agit là d’une coïncidence. Ce qui nous amène tout naturellement à penser c’est P (Population) qui tire tout le reste vers le haut (taux de CO2, nombre de bagnoles, de satellites etc.) Si nous multiplions P par 2 nous en déduisons logiquement que la Consommation sera elle aussi multipliée par 2. Et c’est ce que nous croyons voir à travers ces graphiques et ces courbes exponentielles avec ou sans « ». Seulement nous sommes peut-être victime d’un biais (cognitif).
Sinon comment expliquer (par exemple) cette «consommation d’eau qui croît deux fois plus vite que ne croit la population » ?
En fait il faut tout simplement distinguer les besoins des «besoins».
Les véritables besoins sont indéniablement liés au nombre N d’individus. Si pour se nourrir et gambader un cheval a besoin d’1 hectare de pâture, alors 2 chevaux ont besoin de 2 hectares. Et là aussi, tôt ou tard, le nombre N de chevaux se heurte à une limite. D’autant plus qu’il n’y a pas que les chevaux qui ont besoin de ces hectares.
Quant aux «besoins» de 3 douches par jour, d’une piscine individuelle, de changer de bagnole tous les 2 ans, de toujours plus de ceci et de cela, ça c’est autre chose.
Et là nous voyons bien que N est secondaire.