La présidentiable Delphine Batho nous explique la ligne générale de son programme « La décroissance : pourquoi et comment » :
https://generationecologie.fr/2021/08/30/la-decroissance-pourquoi-et-comment/
Tous les militants pour la décroissance ne peuvent qu’être en parfait accord avec cette analyse. Par contre il y a un oubli total, la décroissance démographique. Dès 1972, le rapport Meadows sur « les limites à la croissance » montrait les interrelations entre exponentielles, qu’elles soient économiques et démographiques, ce que le texte de Delphine Batho ne dit pas. Rappelons que René Dumont, avait une approche réaliste sur la démographie dans son programme de présidentiable écolo en 1974 :
« Depuis 1650, la population du globe a augmenté à un rythme exponentiel. Nous sommes près de 4 milliards, nous serons 7 milliards en l’an 2000 ; même avec une réduction importante des taux de fécondité, on ne serait pas loin de 6 milliards. C’est la FIN du monde ou la FAIM du monde. Nous sommes les premiers à avoir dit que la croissance démographique doit être arrêtée d’abord dans les pays riches, parce que c’est dans les pays riches que le pillage du Tiers-Monde, par le gaspillage des matières sous-payées, aboutit aux plus grandes destructions de richesse… Il faut réagir contre la surpopulation. En Inde surpeuplée certes, mais surtout chez les riches : 500 fois plus d’énergie consommée par tête à New York que chez le paysan indien. Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. La « France de 100 millions de Français » chère à Michel Debré est une absurdité. Les propositions du mouvement écologique : la limitation des naissances ; la liberté de la contraception et de l’avortement. Nous luttons pour le droit absolu de toutes les femmes de régler à leur seule convenance les problèmes de contraception et d’avortement. »
A l’image de René Dumont, les écologistes digne de ce nom doivent clairement assumer une perspective de décroissance démographique, ce que les écologistes institutionnels ne font pas aujourd’hui. Je pense aussi que ce positionnement politique, qu’on pourrait appeler « malthusien » (au sens d’un dictionnaire de français), est porteur politiquement car l’idée de surpopulation est répandue dans la tête des électeurs/électrices alors que c’est devenu un tabou politique et médiatique.
La décroissance démographique peut être exposée publiquement de façon simple et compréhensible par tous et toutes. Notre impact écologique dépend à la fois de notre mode de vie multiplié par notre nombre, de la même manière que la surface d’un triangle dépend de sa longueur fois sa largeur. Séparer les deux est artificiel. Mais le facteur « mode de vie » est assez rigide, nos comportements consuméristes sont formatés par la publicité et l’abondance à crédit. Par contre la maîtrise démographique apparaît d’une simplicité évangélique. Tandis que les transitions énergétiques, agricoles et industrielles sont des mastodontes difficiles à remuer, il est possible de hâter la transition démographique avec des préservatifs et des stylos !
Cela pourrait être mis en place en finançant le planning familial mondial et ses besoins en contraception partout où il y a lieu, ainsi que la scolarisation des filles dans le monde entier. A lui seul, le financement du planning familial suffirait à réduire de 40 % l’accroissement de la population mondiale. En effet on dénombre plus de 30 millions de naissances non désirées sur la planète pour 80 millions de personnes en plus chaque année. Quant à la scolarisation des filles, son impact démographique est majeur. Plus les filles vont à l’école, plus le taux de fécondité baisse rapidement et fortement. Féminisme et environnement, même combat, accélérer la transition démographique revient à mettre en adéquation droits des femmes et droits de la nature. Enfin une telle politique aurait un coût dérisoire comparé à ce que les transitions économiques réclameront : 43 milliards de dollars par an selon l’UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population) dont 4 pour couvrir les besoins des femmes en planification familiale et 39 pour scolariser les filles jusqu’au secondaire.
– « Je pense aussi que ce positionnement politique, qu’on pourrait appeler « malthusien » (…), est porteur politiquement car l’idée de surpopulation est répandue dans la tête des électeurs/électrices […] » (Biosphère)
Hélas, il n’y a pas que l’idée de surpopulation qui soit dans la tête des électeurs/trices.
Cet argument est du même genre que le point 8 du programme de Génération écologie. Je redis qu’on ne peut pas s’appuyer là-dessus. Ce n’est pas l’Opinion (qui va et qui vient) qui doit nous dire ce qui est Bien, Bon, Vrai etc.
– Oui mais… on est en démocratie !
– Oui, je sais, merci.
La surpopulation n’est pas dans la tête mais dans la Terre !
Il n’y a que toi sur Terre qui pense qu’on peut être 20 milliards sur La Terre et que chaque habitant consentira à vivre la vie de moine avec le vœux de pauvreté ! Déjà qu’au Moyen-âge en étant beaucoup moins nombreux qu’aujourd’hui et une population beaucoup plus pieuse, la vie de moine n’intéressait pas grand monde, alors aujourd’hui n’y pensons plus ça n’intéresse carrément plus personne. Et encore même le peu de moine qui nous reste, même eux sont devenus capitalistes en investissant dans des moyens de production industrielle pour vendre des bières et des liqueurs (comme la chartreuse)
Et oui, tu as beau geindre mais ça ne change rien à l’équation
+1 habitant = +1 consommateur
+1 milliard d’habitants = +1 milliard de consommateurs !
– «Tous les militants pour la décroissance ne peuvent qu’être en parfait accord avec cette analyse.»
Sauf peut-être sur le point 8, que j’ai déjà développé. Je pense d’ailleurs que c’est sur ce point que repose toute la crédibilité du programme.
Maintenant c’est vrai, dans ce programme je n’ai rien trouvé au sujet du (sur)nombre. Au point 6 on parle de «la cause de la trajectoire actuelle» et de «la racine du problème». De quoi s’agit-il ?
La cause, de cette trajectoire de destruction, c’est tout simplement notre INCAPACITĒ. Incapacité à ralentir, à décroître, à décoloniser nos imaginaires etc. C’est un simple constat, une fois qu’on a dit ça on n’est pas plus avancé.
Maintenant, pour dire (avec certitude) quelle est la racine du problème, autrement dit le Problème N°1, la Cause Première etc. il faudrait déjà pouvoir dire qu’elle est la cause de cette incapacité.
Finalement cette incapacité est un sacré problème. On peut même dire qu’elle est LE Problème. Quelle en est alors la Cause ?
Le Système, la «nature humaine», la Poule, l’Oeuf… Pas le (sur)nombre quand même, si ?
On peut toujours essayer d’aller plus loin. Et à plusieurs on multiplie alors les chances d’avancer, on appelle ça débattre. Seulement les débats sont pollués par les clivages.
– «Le clivage croissance / décroissance est le cœur du débat politique sur l’écologie» (Pt 6)
Hélas on ne compte plus les sujets de clivages : croissance/décroissance, gauche/droite, natalistes/malthusiens, etc. etc. Ce qui explique qu’on n’avance pas. Retour donc à la case Départ.