Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot :
J’ai interpellé Emmanuel Macron sur le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) quand il était encore candidat. Son point de vue était alors celui-ci : : « Nous ferons de la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat une des priorités de notre action internationale. Nous devrons prendre des sanctions commerciales au niveau européen contre les pays qui ne respectent pas les clauses environnementales des accords commerciaux conclus avec l’Union européenne. » Cet accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne tend à niveler les normes environnementales par le bas. Le CETA et le TAFTA (accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis) sont des exemples d’incohérence d’une Europe à l’avant-garde sur les changements climatiques, mais en train de s’accommoder de traités de libre-échange qui vont mettre à mal tous les acquis environnementaux que nous avons érigés dans nos frontières. L’Europe va ouvrir grandes les écluses pour laisser entrer des biens qui n’auront pas respecté nos règles. Adhérer à ces traités est climato-incompatibles, à moins d’un encadrement rigoureux. Mi-septembre 2017 dans Libération, j’exprimais ma déconvenue sur le CETA, incompatible avec le plan climat porté par mon ministère. En l’état, cet accord fait une grande place aux énergies fossiles et limite la capacité des États à prendre les mesures nécessaires à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. En s’appuyant sur les tribunaux d’arbitrage, le CETA permettra aux entreprises de porter plainte contre un État adoptant une politique publique contraire à ses intérêts privés. Mais une étape cruciale a été franchie avec un plan d’action de la France conçu avec les parlementaires.
En présentant, mercredi 25 octobre 2017, un plan « pour la mise en œuvre du CETA », le gouvernement devait répondre à une double contrainte. D’une part, il lui fallait répondre à mon inquiétude et à celle des ONG, d’autre part rassurer l’UE sur la prochaine ratification du CETA. Il ne saurait être question, avec ce plan d’action dont j’étais partie prenante avec les ministres des affaires étrangères, de l’économie et de l’agriculture de tolérer l’importation de produits qui n’auraient pas respecté les règles environnementales et sanitaires. Pour faire le suivi de ces importations, nous proposions à Bruxelles un renforcement des contrôles au sein de l’UE, notamment la mise en place d’« une force spécialisée antifraude dans le domaine alimentaire ». Le règlement des différends ne doit pas permettre un nivellement par le bas des normes, insistent les concepteurs du plan. Le tribunal arbitral, contesté, serait remplacé par une « cour bilatérale d’investissement », où les juges seront choisis par les parties (UE et Canada) et non plus par les investisseurs privés. La deuxième partie du plan répond aux remarques de la commission d’experts, qui estimait que « le grand absent de cet accord est le climat ». Le gouvernement propose de renforcer les discussions avec le Canada sur la tarification du carbone, en particulier dans les transports maritime et aérien, qui vont s’accroître avec la multiplication des échanges commerciaux. La question des carburants, et de leur éventuelle taxation notamment en fonction de leur empreinte carbone, est posée. La France va proposer à l’UE de distinguer ceux issus des schistes bitumineux, ceux qui proviennent de l’Alberta, et les pétroles issus des productions offshore. Les nouveaux OGM, cibles des ONG, sont aussi dans le collimateur. « Le principe de précaution, qui n’est cependant pas mentionné dans le CETA, permettrait de cibler les produits présumés dangereux, même si ces derniers n’étaient pas mentionnés au moment de la signature de l’accord », affirme une source gouvernementale.
Si ce plan d’action reflète ce que la France peut proposer de mieux dans les circonstances actuelles, sa réussite est liée à ce que l’UE va décider. Si l’Europe ne nous aide pas à faire la démonstration que les outils que nous souhaitons mettre en œuvre vont mieux protéger les citoyens européens, il ne faudra pas s’étonner que des pays renâclent à ratifier ce traité. Ce serait injurieux pour nos députés de penser qu’ils vont voter en faisant l’économie du nécessaire débat. Nous avons engagé des discussions avec le Canada et la Commission qui doivent se poursuivre. Si elles n’aboutissent pas, chacun en tirera les leçons. Je n’ai pas changé d’avis sur les risques du CETA. Je ne fustige pas l’ensemble du traité mais certains risques, notamment environnementaux et sanitaires, que j’avais pointés du doigt. Mais il y a des choses que l’on peut faire, et d’autres non, ne serait-ce que du point de vue juridique. Le CETA nous alerte sur les futurs traités commerciaux entre l’UE et ses partenaires : nous serons beaucoup plus exigeants à l’avenir. De nombreuses ONG, dont la Fondation pour la nature et l’homme, que j’ai créé et présidé, critiquent ce plan de suivi. Mais il faut faire attention à ne pas tomber dans les jeux de rôle. Les ONG doivent évidemment garder leurs exigences, mais il faut aussi être un peu objectif pour ne pas décourager tout le monde.
Ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…
Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne peut avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en reste au business as usual…