Extraits du livre de Michel SOURROUILLE, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir ».
Voici nos trois propositions pour harmoniser les relations entre les différents territoires :
- décentralisation et respect du principe de subsidiarité,
- institutionnalisation d’une conférence mondiale de l’environnement,
- réorientation de l’aide publique au développement.
Ministre de la Subsidiarité entre territoires
1. Décentralisation et respect du principe de subsidiarité
Les grands pays, quel que soit leur régime, ont à faire face aux risques de la bureaucratie et de la technocratie, ce qui peut conduire à de nouvelles formes d’écrasement de l’individu et du citoyen. Cette tendance peut être contrebalancée par la décentralisation qui rapproche l’institution de l’individu. La décentralisation devrait être un principe absolu. L’avantage de l’autonomie locale n’est pas seulement de constituer une école de la démocratie, elle est de réaliser un équilibre indispensable des pouvoirs au niveau spatial. C’est une loi française de 1884 qui affirme le principe toujours en vigueur de la compétence générale de la commune : « Le conseil municipal règle, par ses délibérations, les affaires du ressort de la commune ». Depuis les lois de décentralisation de 1982, le conseil municipal est élu au suffrage universel direct et s’administre librement. Le maire dispose d’un pouvoir réglementaire propre. Chargé du maintien de l’ordre et de la sécurité, il dispose aussi d’un pouvoir de police. Il est enfin un représentant de l’État qui marie ses concitoyens, tient l’état civil et gère tous les équipement locaux (école, voirie). Cette collectivité territoriale de proximité fait participer près d’un Français sur cent aux conseil municipaux. Le département et la région complètent en France les intermédiaires nécessaires entre l’individu et l’État central. Lors des régionales de 2015, le pays est passé de 22 à 13 régions via un processus de fusions. Cette décision de recentralisation constitue une des erreurs politiques majeures de la présidence Hollande, une erreur qu’il faudra réparer.
La nécessaire décentralisation est un procédé qui doit être encadré par le principe de subsidiarité. Il s’agit d’une régulation qui invite à déterminer, au cas par cas, si le transfert d’une décision du niveau local au niveau global permet de gagner en efficacité. Par exemple une pollution comme l’effet de serre ignore les frontières et il est alors préférable de confier la décision à prendre au niveau multinational ; en revanche, la création d’un dépôt de déchet concerne au premier chef la commune dans laquelle il va s’effectuer. Ce principe existe officiellement dans le traité de Maastricht (1992) qui fonde l’Union européenne. La subsidiarité commande à l’Union de n’intervenir que si, et dans la mesure où, les objectifs entrant dans les compétences qu’elle partage avec les États « ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ». Un protocole mentionne trois aspects qui aideront à juger si cette condition est remplie : la question a-t-elle des aspects transnationaux qui ne peuvent être réglés par les États membres ; une action nationale, ou l’absence d’action, serait-elle contraire aux exigences du Traité ; l’action communautaire présente-t-elle des avantages manifestes. Par exemple le droit de chasse des oiseaux de passage ne peut pas être décidé au niveau local, mais au niveau européen ou même parfois au-delà car une telle migration ne connaît pas de frontières. Le recul progressif du principe de souveraineté au profit de celui de subsidiarité et de coopération entre pays permet à l’Union européenne d’envisager plus facilement que d’autres le passage à une gestion multilatérale des problèmes globaux de la planète. Décentralisation réussie et respect de la subsidiarité s’opèrent au mieux quand de plus en plus de territoires acquièrent leur autonomie alimentaire et énergétique. L’État doit promouvoir et faciliter la multiplication des communautés de résilience.
Le principe de subsidiarité doit aussi s’appliquer au niveau économique. Les États n’ont jamais cessé de réguler la vie économique. Ils déterminent les règles du jeu et en conséquence facilitent la transparence des transactions. Or, le phénomène de concentration internationale soustrait la plupart des firmes multinationales au contrôle de l’État-nation. Par exemple Citigroup est le résultat de la fusion entre assureur, banque d’affaires et banque commerciale, d’où l’avènement d’un groupe financier universel, mondialisé et présent dans tous les métiers de l’argent. Une future régulation politique mondialisée limitera la sphère de compétence des multinationales à la répartition équitable de nos matières premières. L’essentiel de l’activité économique s’installera à nouveau dans des emplois de proximité correspondant à l’actuel artisanat et aux professions libérales. Les PME, petites et moyennes entreprises, correspondent à une économie humaine, décentralisée et diversifiée qui repose à la fois sur l’initiative individuelle et la coopération ; chaque entrepreneur peut y exprimer sa capacité d’initiative, son entreprise est suffisamment petite pour trouver des marchés maîtrisés et elle pourra être encadrée par une clientèle attentive à limiter tout abus de pouvoir. Il faudra réduire le carcan administratif qui pèse sur les PME et réduire leurs charges. L’emploi localisé ne peut progresser que si l’État se fait plus léger.
Notons enfin que la concentration des entreprises qui découle paradoxalement de l’évolution du capitalisme n’est, au-delà des apparences, que l’expression d’une coopération pragmatique, une institutionnalisation progressive. Le principe fondateur d’une activité économique n’est pas la concurrence comme le croit les libéraux, mais tout au contraire la coopération entre entreprises et consommateurs… dans le respect du principe de subsidiarité.
2. Institutionnalisation d’une conférence mondiale de l’environnement
À menace mondiale, réponse mondiale. Dans le domaine économique, de puissantes organisations multilatérales ont été mise sur pied, la Banque mondiale, le Fonds monétaire internationale (FMI), l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Or, les questions écologiques, d’essence pourtant planétaire et interdépendante, restent traitées de manière éclatée, par l’intermédiaire d’institutions spécialisées avec des déperditions considérables d’efficacité. Il existe plus de 500 traités internationaux relatifs à l’environnement. Mais que pèsent les recommandations du modeste Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) par rapport aux choix libre-échangistes de l’OMC ?
La priorité diplomatique à poursuivre, c’est la création d’une Organisation mondiale de l’environnement. Lors du Sommet mondial du développement durable à Johannesburg, le président Jacques Chirac avait introduit cette idée le 2 septembre 2002 :
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l’admettre… Dix ans après Rio, nous n’avons pas de quoi être fiers. La conscience de notre défaillance doit nous conduire, ici, à Johannesburg, à conclure une alliance mondiale par laquelle les pays développés engageront la révolution écologique, la révolution de leurs modes de production et de consommation… Pour humaniser et pour maîtriser la mondialisation. Il est temps de reconnaître qu’existent des biens publics mondiaux et que nous devons les gérer ensemble. Il est temps d’affirmer et de faire prévaloir un intérêt supérieur de l’humanité, qui dépasse à l’évidence l’intérêt de chacun des pays qui la compose. Pour mieux gérer l’environnement, nous avons besoin d’une Organisation mondiale de l’environnement…. Aujourd’hui, à Johannesburg, » l’humanité a rendez-vous avec son destin. »
Mais dans le plan d’action adopté en 2002 à Johannesburg, l’expression « Organisation mondiale de l’environnement » ne figure pas une seule fois, tandis que le sigle OMC apparaît 28 fois. L’OME devrait être une Organisation intergouvernementale autonome, elle est toujours en 2022 en attente de formalisation.
« Aucun des grands chocs environnementaux – changements climatiques, pénuries énergétiques, érosion de la biodiversité, épuisement des ressources, stress hydrique, désertification des sols, pollutions, déforestations, acidification des océans, urbanisation galopante, maladies émergentes – ne sera contenu à l’intérieur des frontières nationales. De la manière dont on va traiter tous ces chocs dépend rien moins que l’instauration d’un état de guerre ou de paix au sein des communautés humaines. Tony Blair disait à juste titre que le changement climatique était une menace bien plus grave pour l’avenir que le terrorisme international. Le prix Nobel de la paix, attribué conjointement à Al Gore et au GIEC en 2007 pour leur action en faveur du climat, soulignait le lien fondamental entre la paix et la protection de l’environnement.
Il faut doter d’urgence notre politique étrangère d’une véritable diplomatie environnementale, en prise avec tous les enjeux géostratégiques. La première mesure concrète pourrait être la création d’une grande direction des Affaires globales au sein du ministère des Affaires étrangères, qui se consacrerait aux questions caractérisées par les interdépendances transfrontalières ».1
3. Réorientation de l’aide publique au développement
La France doit aussi augmenter son aide publique au développement (APD). Mais il ne s’agit pas de consacrer des crédits à n’importe quel type de développement. L’expérience montre que des sommes considérables ont été dilapidées pour des projets qui se sont révélés contraires au développement tout court, souvent au profit unilatéral des entreprises des pays donateurs. L’objectif est de contribuer à promouvoir une agriculture durable dans les pays du Sud, à renforcer les modes de production et les marchés locaux, à encourager la protection de la diversité biologique. La pratique du co-développement permettrait en outre de limiter les flux migratoires vers le Nord par la création d’emplois sur place. L’ensemble de l’aide économique devrait s’accompagner de moyens accrus donnés au planning familial.
« Le capital humain est inévitablement lié aux questions démographiques. La population doit être stabilisée à un niveau compatible avec l’espace de fonctionnement sécurisé de notre planète. La planification familiale s’avère être d’un excellent rapport coût-efficacité : les Nations unies ont ainsi montré que chaque dollar investi dans la planification des naissances permet à terme d’économiser de deux à six dollars sur d’autres objectifs de développement. On estime qu’un tiers des naissances dans le monde est le fruit de grossesses non désirées. Plus de 200 millions de femmes vivant dans les pays en développement préféreraient retarder leur grossesse suivante, voire ne pas avoir d’autres enfants.
Malheureusement, de nombreux obstacles empêchent ces femmes d’assurer leurs choix : absence d’accès aux contraceptifs, valeurs culturelles ou opposition des membres de la famille. La stabilisation, voire la réduction de la population mondiale, pourrait nous permettre d’atteindre nos objectifs ».2
Il ne suffit pas de créer des emplois ou d’accroître la production agricole si la pression démographique augmente encore plus vite. Les efforts déployés par un ministère du Planning familial peuvent avoir davantage d’effets que ceux d’un ministère de l’Agriculture cherchant à augmenter la productivité agricole. Comme l’explique fort bien le démographe belge John May, « un dollar investi dans la planification familiale permet aux gouvernements d’économiser jusqu’à quatre dollars en dépenses de santé, de logement, d’approvisionnement et d’autres services publics ». Alors que nous dépensons mondialement quelque 42 milliards de dollars par an en nourriture pour animaux domestiques, il suffirait de 24,6 milliards pour financer les services de planning familial. Il faut promouvoir l’éducation des jeunes filles, renforcer le rôle des femmes dans les communautés, lutter contre la mortalité infantile. Il faut aussi permettre aux femmes de prendre leurs propres décisions quant à la maternité. Il faut que le sentiment d’un homme qui « se sent plus grand quand il a une grande famille » devienne l’expression d’une contre-vérité socialement dénoncée. Si toutes les femmes pouvaient décider du moment de leur grossesse, le taux de fécondité à l’échelle du globe passerait sous l’indice de renouvellement des générations. Toutes ces mesures doivent être considérées comme « sujets écologiques ». Rappelons cette recommandation, adressée au Comité des ministres du Conseil de l’Europe à propos de l’aide publique au développement (APD) :
- Pour les pays donateurs, consacrer au moins 0,7 % du PIB à l’APD, dont 10 % à la santé et aux droits sexuels et reproductifs.
- Dans les pays destinataires de l’APD, le budget santé devrait représenter 15 % du budget national, le planning familial étant financé aux deux tiers par le pays, le tiers restant émanant de donations externes.
Notons que ce texte est encore imprégné du « tabou » qui interdit de parler directement de la nécessité vitale de modérer la natalité. À l’occasion des élections européennes du 25 mai 2014, l’association Démographie Responsable demandait qu’un quart du budget actuel de l’aide au développement de l’UE soit affecté au planning familial.
Nous nous trouvons au seuil d’un changement de civilisation imposé par les contraintes biophysiques de la planète. Il nous faut élaborer ensemble une société post-carbone, une civilisation à basse consommation d’énergie, de viande et de métaux, économisant pour les générations futures les ressources rares de la planète, respectant la biodiversité, limitant la population humaine. Il nous faut au cours de ce siècle réinventer une civilisation agraire, rétrécir les villes… et agrandir si possible l’espace sauvage. Un présidentiable écolo porte en lui et devant les électeurs ce programme. C’est un projet qui paraît utopique, car cela signifie modifier nos modes de vie et de comportement, aller à l’encontre de la plupart des dérives de la société de consommation et de la société du spectacle, retrouver les valeurs qui permettent une société durable ici et ailleurs, maintenant et pour le(s) siècle(s) à venir. Le programme d’un quinquennat ne suffit pas pour envisager tout ce qu’il faut faire. La gouvernance de la France doit élaborer une perspective à long terme dont on présentera plus tard quelques éléments…
1. Nicolas Hulot (avec le Comité de veille écologique), Pour un pacte écologique, op. cit.
2. Collectif, Vivement 2050 ! : Programme pour une économie soutenable et désirable, Paris, Éditions Les petits matins, 2013.
Un ministre de l’Économie biophysique et des Flux financiers, un ministre de l’Énergie durable (en adéquation avec les Besoins !), un ministre de l’équilibre entre Population ET Alimentation, un
ministre du Travail ET de la Glandouille (du Temps partagé), un ministre de la Brouette ET du Tire-Bouchon (des Techniques douces et appropriées) etc. etc. Et enfin ce ministre de la Subsidiarité dont je n’ai bien compris le rôle. En tous cas ça nous en fait bien douze, comme promis.
Et douze comme les apôtres. Sans oublier le premier ministre, en charge de l’écologie, dans le rôle de Jésus. Et en attendant, pour ne surtout pas déroger à l’Ordre Établi, au dessus (ou au delà) il y a Dieu. Ou Jupiter, c’est comme on veut.
Ce Ministre me fait penser à notre Rantanplan, haut commissaire au Plan. Du flan !
Dans le cadre du premier point, on remplacerait notre actuelle usine à gaz par une autre usine à gaz, dont rien ne laisse penser qu’elle marcherait mieux.
Dans le cadre du second, le Rantanplan de la Subsidiarité élaborerait de superbes formules, du genre «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs et blablabla», que notre GEC (Grand Ecolo en Chef) Président de la Raie Publique et en même temps se ferait un honneur de chanter lors des grandes messes organisées par ce énième grand Machin, l’OME. N’oublions pas la seconde Loi du Système : The Show must gon on !
Quant à ce troisième point, depuis combien de temps qu’on en parle ? Encore et toujours du blablabla ! Tant que nous resterons dans ce système (Le Système), régi par le Pognon et le Busines as usual, «la réorientation de l’aide publique au développement» ne voudra rien dire.
Tout le monde déteste les riches, mais tout le monde veut le devenir.
Tout le monde aime les pauvres, mais personne ne veut l’être !
(Çà me rappelle le très socialiste François Hollande qui disait détester les riches et allait mettre au pas la finance, qu’on allait voir ce qu’on allait voir ! Bon tout le monde connaît la suite, et surtout le patrimoine de François Hollande)
Tout le monde ? Et quand bien même ! Mais qu’est-ce que Hollande vient faire là dedans ? Tant qu’à «bien» faire, parle nous de tous ceux qui voulaient moraliser le Capitalisme. De Sarko qui devait faire tomber les paradis fiscaux et patati et patata ! Sans oublier les revenus et la fortune de ta très chère Marine nationale.
T’oublie ton Melenchon multimillionnaire et qui défendait le traité de Maastrich pour renforcer la finance
Multimillionnaire le Méluche !! Et pourquoi pas multimilliardaire ?
Ben oui, tant qu’à «bien» faire autant les sortir le plus grosses possibles.
Mais es-tu au moins sûr et certain et con vaincu que mon Jean-Luc il est plus riche que ta très pauv’ chère Marine nationale ? Ben oui, suffit pas de comporter des conneries pour en faire des vérités.
Reprenant avec son autorisation les écrits de Michel SOURROUILLE, notre blog biosphere a présenté depuis quelques jours des textes préparatoires à la présidentielle 2027. En effet les résultats de l’épisode 2022 montrent que cinquante ans après la publication du rapport Meadows sur les limites à la croissance, en 1972, l’écologie politique stagne électoralement. La simple idée qu’il puisse exister des limites écologiques à la croissance économique est restée minoritaire dans l’opinion publique, et carrément hérétique parmi les décideurs. L’idée de décroissance y est au mieux ignorée, au pire utilisée comme une invective facile pour disqualifier l’ensemble des écologistes. Or le dernier rapport du GIEC est plus alarmant que jamais, une guerre en Ukraine fait craindre pour la sûreté des centrales nucléaires, la hausse des prix de l’énergie préfigure un choc pétrolier et gazier…