Les procédures dites démocratiques deviennent tellement complexes qu’on en oublie trop souvent le sujet posé. Le débat sur la Fin de vie atteint le summum du sac de nœuds que seul un coup d’épée pourrait trancher. Des zones d’ombre demeurent sur l’articulation entre les travaux citoyens et le débat politique. Voici les protagonistes de cette sombre affaire :
- Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) : a rendu un avis sur la fin de vie le 13 septembre 2022, : il sera associés à la rédaction.de la future loi.
- Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) : il attend encore sa saisine officielle.
- Comité de gouvernance (« co-gouv ») de la convention citoyenne sur la fin de vie : réuni par le CESE pour la première fois le 29 septembre 2022.
- Convention citoyenne de 150 membres : constituée dès octobre prochain, ses conclusions seront rendues en mars 2023.
- La question qui lui sera posée : sa rédaction est encore dans les limes, il faut qu’elle soit intelligible pour l’ensemble des Français.
- Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation des professions de santé : responsable de l’animation du débat politique sur la fin de vie.
- Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique : « j’ai vocation à porter le débat sur la fin de vie auprès des Français, à côté de la convention citoyenne dont je superviserai l’organisation ».
- Trois groupes de travail animée Agnès Fimin le Bodo à partir de la mi-octobre . Le premier réunira un représentant de chaque groupe parlementaire à l’Assemblée nationale et au Sénat ; le deuxième regroupera des professionnels de santé, dont des médecins spécialistes des soins palliatifs, et le dernier sera composé d’associations d’usagers. Les trois vont conduire des travaux en parallèle de ceux de la convention citoyenne. Ils devront les achever au printemps 2023.
- Les représentants des cultes : écoutés par Agnès Fimin le Bodo
Le point de vue des écologistes malthusiens
Dans le contexte décrit ci-dessus, il est clair qu’avant même sa constitution, on sait déjà que la Convention citoyenne sur la fin de vie aura encore moins de poids que la Convention citoyenne pour le climat. En effet des citoyens tirés au sort, mais représentatifs de la population, vont se retrouver égarés parmi de multiples instances officielles déjà bien constitués. De plus il faut compter sur le lobby des soins palliatifs qui va s’agiter dans les couloirs de ces instances, un lobby majoritairement constitué de médecins pro-life. Nos députés et sénateurs devraient trancher en dernier ressort, mais adeptes de l’eau tiède et du conservatisme, on devrait aboutir très loin d’une autorisation du suicide assisté. C’est pourquoi il ne faut pas attendre grand chose de ce simulacre de concertation à la mode Macron.
Lire, Tout savoir sur la Convention Citoyenne
Alors parlons du fond du problème. Au niveau démographique, la maîtrise de l’accroissement naturel passe bien sûr principalement par l’action sur la natalité, mais aussi de façon marginale sur les conditions de la mortalité. Par exemple il y a Interruption volontaire de grossesse (IVG) d’un côté, et potentiellement interruption volontaire de vieillesse (IVV) de l’autre. Plus de 220 000 IVG contre un maximum de quelques milliers de personnes concernées par la sédation (personne ne connaît le chiffre exact). Notez qu’il existe par ailleurs 164 unités de soins palliatifs pour 1880 lits. Mais ce n’est pas l’essentiel de parler de nombre, il s’agit de réfléchir en termes de valeurs que nous voulons voir se propager dans la société.
Pour l’avortement, complètement illégal autrefois mais pratiqué de tous temps par les femmes, on a mis démocratiquement en évidence le principe du libre exercice de la volonté des femmes concernées par leur grossesse. Selon la loi (article L. 2212-1 du Code de la santé publique), toute femme enceinte qui s’estime placée dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa grossesse, qu’elle soit majeure ou mineure. Seule la femme concernée peut en faire la demande. Pourquoi ne pas aboutir à une loi similaire pour la fin de vie, le suicide étant pratiqué de tous temps par les individus :
« Toute personne qui s’estime placée dans une situation de détresse peut demander à un médecin les moyens d‘une interruption de vieillesse » ?
Question gouvernementale posée à la Convention sur la fin de vie : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? (LE MONDE du 11 octobre 2022).
Jean-Luc Romero, président d’honneur de l’ADMD : « Il faut reconnaître qu’en demandant si la loi actuelle répond à toutes les situations, on induit la réponse. »
De toute façon la Convention des 150 citoyens tirés au sort donnera un avis, mais le dernier mot appartiendra au Parlement !!!
Une mère a injecté une surdose d’insuline à sa fille Emilie, 26 ans. Elle est atteinte d’une maladie neurologique gravissime, le syndrome de Rett, diagnostiqué un an après sa naissance, qui la rend physiquement et mentalement polyhandicapée, couplé à un diabète insulinodépendant. Dans un corps de 26 ans, Emilie est un bébé de six mois qu’il faut laver, lever, porter, nourrir au biberon ou à la cuillère… Sa mère, Corinne M. a été mise en examen pour tentative d’assassinat, elle encourait la perpétuité, le juge d’instruction a requalifié les faits en « administration de substances nuisibles », un délit passible de trois ans d’emprisonnement.
Un exemple parmi d’autres qui montrent que la « fin de vie », rendue passible de tribunaux, est un problème difficile à résoudre, avec ou sans aide médicale…
La voix du procureur s’est étranglée lorsqu’il a conclu son réquisitoire par une phrase de Corinne M., le jour du drame :
« J’ai eu seulement envie de partir pour un monde meilleur. Partir pour dormir. »
Yves de Locht : Médecin belge, oserais-je dire à ces nombreux patients français atteints de maladies très graves sans aucun espoir de traitement ou de guérison : « Revenez l’année prochaine, vous n’avez pas encore assez souffert et vous pouvez encore vivre quelques années dans cet état-là » ?
Au moment de l’euthanasie, mes patients me disent merci. Je me sens plus humain, j’ai respecté, honoré et accompagné mon patient jusqu’au bout.
– « Il y a la question des gens qui vont mourir, dont s’occupent les soins palliatifs.
Pour ces patients-là, on ne manque pas de loi, on manque de moyens. […]
Et puis il y a la question des gens qui veulent mourir, une question sociétale qui, à mon sens et au sens des soignants, n’appelle pas de réponse médicale, mais qui est une autre question – les gens qui veulent avancer ou choisir le moment de leur mort.
[…] Contrairement à ce qu’on imagine beaucoup dans le débat public, la question de l’euthanasie n’est absolument pas une question de notre quotidien. Du tout. »
( Docteur Claire Fourcade, médecin en soins palliatifs à Narbonne )
Lire : Soins palliatifs: l’euthanasie «n’est pas une question de notre quotidien»
( 25 septembre 2022 sur vaticannews.va )
En matière de « fin de vie », certains imaginent le pire, par exemple Michel C, « Que d’horreurs commises au nom de la liberté… L’écofascisme est en tain de s’étendre partout… plan diabolique… »
C’est là ce qu’on appelle le sophisme de la pente glissante, une forme de pétition de principe consistant à affirmer, sans offrir la moindre preuve à l’appui, que poser un certain geste déclenchera une chaîne d’événements tous plus funestes les uns que les autres. En fait les personnes qui emploient ce genre de sophismes agitent des épouvantails à l’usage des crédules.
En réalité, pour gérer la fin de vie, si l’État déplace la frontière du licite et de l’illicite, c’est de façon démocratique et en gardant toujours des garde-fous.
Le coup du sophisme de la pente glissante c’est bon, vous me l’avez déjà fait le 15 SEPTEMBRE 2022 À 16:27 (“CCNE et interruption volontaire de vieillesse”)
Et comme il se devait, je vous ai renvoyé la baballe en suivant (À 17:53).
Je suis désolé, mais ce n’est pas moi qui tend le bâton pour me faire battre. Et les questions que je (me) pose, et qui restent toujours sans réponses, sont des plus légitimes. En attendant, je maintiens que le «poids du nombre» (ou Surnombre) n’a rien à foutre dans le débat (ou «débat») sur la fin de vie. Et rien que ça, vous aurez quand même du mal à le nier.
– « Alors parlons du fond du problème. Au niveau démographique [etc.] » (Biosphère )
Le fond du problème ? Le débat (si on peut appeler ça un débat) sur la fin de vie est suffisamment délicat et compliqué comme ça, le « poids du nombre » n’a pas à venir s’y rajouter.
– « tout ce qui permet de réduire volontairement notre poids démographique ne peut qu’être positif.» (Biosphère 28 septembre 2022 : “Comment avorter, chirurgie ou chimie ?”)
Tout et n’importe quoi ? Oui ! Chez Biosphère tout et n’importe quoi est bon pour remettre la question du Surnombre sur la table. Le Poumon vous dis-je ! Politiquement-Correct oblige, la liberté sera toujours mise en avant et défendue. Du moment bien sûr qu’elle aille dans le Bon Sens. Celui de la réduction du Surnombre. Dans le cas contraire c’est différent, bien sûr. Avec la démocratie c’est évidemment pareil.
Que d’horreurs commises au nom de la liberté ! Et au nom de telle ou telle valeur, bref au nom du Bien.
Dans la Décroissance de ce mois-ci (N°193-p.4) Serge Latouche nous dit rester impressionné par la justesse du roman Soleil Vert :
– « Tout y est. […] Cet écofascisme est en train de s’étendre partout sur terre. »
Je le vois moi aussi cet écofascisme qui progresse, alimenté notamment par la peur et la Grande Confusion. Je le redis, le «poids du nombre» n’a rien à faire dans ce débat. Si ce n’est pour abuser les gogos.
Le 12 septembre 2022 (Interruption volontaire de vieillesse au Japon) Biosphère nous faisait la pub pour le film Plan 75. On peut se demander si ce n’est pas plutôt la promotion de ce genre de plan diabolique, qu’il nous faisait là.