L’écologie politique n’assume pas clairement la rupture avec le dogme de la croissance. C’est ce que regrette, dans une tribune au « Monde », la députée Delphine Batho de Génération écologie. De toute façon la décroissance ne relève pas d’un choix. Que ce soit de gré ou que ce soit sous la contrainte de la nature et de l’épuisement des ressources fossiles, la sobriété est déjà notre ligne d’horizon. Reste deux possibilités : soit on l’embrasse, soit on la repousse le plus tard possible… sachant que plus on attend plus ce sera brutal et douloureux.
Lire, Delphine Batho, un programme de décroissance
Delphine Batho : La jeunesse cherche une réponse radicale, au sens littéral du terme, c’est-à-dire qui s’attaque à la racine du fonctionnement de nos sociétés. La jeunesse coupe les amarres. Dans les grandes écoles et dans les universités, des jeunes refusent de devenir les futurs cadres de la destruction. A l’échelle mondiale, au collège, au lycée, ils ont fait grève pour le climat. Dans la rue, ils se collent à terre, dans les musées, sur le périphérique parisien, dans les stades, ils crient leur désespérance. Ils quittent leur boulot pour ne plus se sentir comme des souris dans une cage à faire tourner la grande roue de la consommation. La jeunesse devrait se tourner vers l’écologie politique, mais qu’entend-elle ? Une polyphonie chaotique où se mêlent simplisme de l’utopie à bon marché, pragmatisme du changement de chaudière, opinions à l’emporte-pièce sur tout un tas de sujets. Dans un mouvement paradoxal, plus le danger de l’extinction devient évident pour le plus grand nombre, plus le discours de l’écologie politique devient confus, immature, sans grille de lecture.
Les options du présidentiable Mélenchon, visant une augmentation du produit intérieur brut de 2 % par an, étaient contraires aux objectifs écologistes. Les mots d’ordre de hausse du pouvoir d’achat et de relance de la consommation se sont imposés au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Le cœur de cette crise de l’écologie politique est l’absence de rupture avec le dogme de la croissance économique. Là où la décroissance n’est pas assumée, les programmes paraissent interchangeables. Le moment est donc venu d’assumer la décroissance comme étendard de l’écologie.
Le point de vue des écologistes
Michel SOURROUILLE : Parler politiquement de décroissance permet de renverser la table des productivistes, pas de proposer un projet de société. Le mot sobriété est bien meilleur car il comporte non seulement l’aspect d’une maîtrise quantitative, mais aussi une dimension morale. Il s’agit de penser différemment par la modération contre la démesure, qui propose la satisfaction des besoins essentiels contre la surconsommation, le dévoiturage contre la sur-mobilité, la maîtrise de la fécondité contre la surpopulation. C’est une bonne chose que ce mot serve cette année 2022 d’élément de langage dans tous les domaine, sobriété énergétique, sobriété consumériste, sobriété foncière, sobriété démographique, sobriété partagée, etc. Même le gouvernement s’y met. Macron a prononcé le mot « sobriété » pour la première fois en février 2022 , le gouvernement a détaillé le 6 octobre son plan de sobriété énergétique. Contre l’ébriété, la sobriété !
Lire, Le gouvernement s’empare du mot « sobriété »
JVM : Pourquoi continuer à utiliser ce critère imbécile du PIB sur une planète aux ressources finies ? De Yvan Illich à Bruno Latour, en passant par Aldo Léopold et André Gorz, tout à été dit depuis longtemps déjà, hélas. Peut-être faudra-t-il encore quelques catastrophes (proches, n’est-ce pas, qui touchent nos pays riches et pollueurs) pour que les technocrates au pouvoir changent de « braquet »… et encore… Compte tenu de l’urgence, Delphine Bato propose l’exigence de la radicalité (qui nécessite probablement une réforme des institutions et une refonte du lien social à partir de l’intérêt général, des communs) , ce qu’ont compris de nombreux mouvements de jeunes. On est très loin de l’éthique de la bienveillance, du « care », qui participent à la dépolitisation du débat.
Don Sancho de la Mancha : La décroissance n’est pas un choix politique, elle vient du fait qu’en moins de 200 ans nous aurons utilise l’essentiel des ressources naturelles (fossiles, métaux, etc). Il va donc falloir gérer la pénurie, avec le choix entre la poursuite de la jungle actuelle ( des super-riches et de plus en plus de pauvres) ou un système plus juste.A court terme les choix qui sont faits ne vont pas dans cette direction, qui pourra se payer des voitures électriques ?
DomTom : Et oui la décroissance implique moins de consommation et une meilleur répartition des richesses….Si on ne s’engage pas vers la seule voix possible : la décroissance, on l’a subira avec son lot de tension géopolitique, de famine, d’effondrement économique…
Aloes : La sobriété est un mot pertinent car il permet d’ajuster en permanence le souhaitable et le possible.
Pour en savoir plus
La décroissance implique la sobriété, c’est évident. Et comme la décroissance ne peut-être que de gauche, la décroissance implique la sobriété partagée. Seulement, quoi de mieux que les mots pour nous enfumer ? Récemment des petits malins ont inventé le verbe «sobériser» (s’engager dans une croissance économique avec sobriété). Et voilà bientôt un an que Macron nous soule avec sa «sobriété». Non ce n’est pas une bonne chose !
Leur «sobriété énergétique» et autre «sobriété partagée» ne sont que des attrapes-couillons. Avec ces gens-là ce seront toujours les mêmes qui devront se serrer la ceinture, baisser le chauffage, etc. et choisir entre bouffer et se chauffer. Pourquoi ? Pour maintenir Le Système, bien évidemment ! L’environnement, le climat etc. les gens ont compris. Et ils sont disposés à réduire (les études et les sondages le disent). Seulement ils demandent de l’équité, de la justice sociale.
Décroissance partagée du chauvinisme ! En cette heure de glorification du dieu foot et de son équipe « nationale », je me rappelle encore le fait qu’on avait refusé de m’inscrire en faculté sous le prétexte fallacieux que j’avais mis « cosmopolite » pour indiquer ma nationalité. Français, Marocain, Arabes ou Juifs, nous sommes tous enfants de la même Terre et baptisé d’une certaine origine par inadvertance. D’ailleurs maintenant je préfère GLOCAL, le fait que nous devrions tous et toutes penser globalement et vivre localement. C’est de ce mot de référence dont a besoin Delphine Batho qui se centre sur la décroissance économique au lieu d’envisager que nous devrions faire décroître toutes les conneries que le système thermo-industriel et sa société du spectacle nous a inoculé dans la tête.
Apprenons à partager la Terre… chacun dans son coin.
Les mots sont très importants, nous sommes d’accord. Les slogans aussi.
«Plus de liens moins de biens» , «Penser global, agir [ou vivre] local» etc. ces slogans parlent d’eux-mêmes et ne peuvent que séduire. Seulement la mayonnaise ne prend pas. Pourquoi ? Parce que le mot «décroissance» fait peur. Pourquoi ?
1) Parce que Le Système s’applique à ce qu’il en soit ainsi. La peur et l’abrutissement sont ce qu’il a de mieux pour maintenir l’Ordre Etabli.
2) Parce que nos imaginaires ne sont pas suffisamment décolonisés.
Décoloniser les imaginaires (Serge Latouche), voilà donc la première des choses à faire. Ce travail (c’en est un) commence bien sûr au niveau individuel, nous avons suffisamment d’outils pour ça (textes, livres etc.) Seulement pour ça il faut déjà en avoir l’envie. Sans parler du temps. Or, le temps ne se perd ni ne se gagne… le temps il faut juste le prendre. (à suivre).
Ce travail doit donc être encouragé. C’est là le rôle des politiques (entre autres) et donc de la Gauche. Pour ceux qui sont fâchés avec la Gauche… et/où qui sont déboussolés… disons alors que c’est le rôle des Écologistes (les vrais). Seulement ils doivent être clairs. Pour moi Delphine Batho est très claire : «Le moment est donc venu d’assumer la décroissance comme étendard de l’écologie.»
On connait l’histoire du mot «décroissance», qualifié de mot-obus, ainsi que les autres mots que certains lui préféraient («a-croissance», «post-croissance»). Force est de constater que «décroissance» reste celui qui dérange le plus Le Système.
Bien plus que «sobriété», qui lui a permis d’inventer la «croissance sobre», et qui désormais se conjugue à toutes les sauces. ( à suivre)
Le mot «décroissance» semble donc impossible à récupérer, impossible à falsifier.
La Droite s’y est essayé (Alain de Benoist), en vain. Sa «décroissance» comme son «anti-capitalisme» ne trompent que les gogos. Le mot «décroissance» reste donc indispensable pour ce travail de décolonisation des imaginaires, ainsi que pour identifier les faussaires.
– «Les solutions sont dans la science, le progrès […] il faut chercher, il faut pousser les chercheurs, il ne faut en aucun cas avoir une vision rabougrie de décroissance.»
(Marine Le Pen . RMC-BFMTV 16 novembre 2022)
Bien sûr, on ne peut pas attendre d’un percheron qu’il devienne un cheval de course. Nous devons bien accepter le fait qu’il y a des imaginaires qui ne pourront jamais être vraiment décolonisés. Mais un tout petit peu ce serait déjà ça, non ? 🙂