Malek Boutih était un ancien président de Sos-Racisme. Dans un rapport tenu secret1 par le Parti socialiste, le secrétaire national chargé des questions de société proposait une politique de l’immigration rigoureuse : « Il faut sortir d’un simple rapport humanitaire et charitable avec l’immigration. » Il proposait l’établissement d’une politique de quotas, la suppression de la bi-nationalité et un serment « au respect des lois de la République, de la laïcité et de l’égalité homme-femme » pour les titres de séjour valable dix ans. Les restrictions aux migrations ne sont donc pas le fait exclusif du Front National ou de Sarkozy-Guéant singeant le FN. Le problème paraît plus profond.
Depuis toujours, le PS est mal à l’aise avec le sujet « immigration », car constamment tiraillé entre pragmatisme et humanisme. C’est sous François Mitterrand qu’a été légalisée et organisée en 1981 la rétention administrative. C’est Paul Quilès aussi, en tant que ministre de l’intérieur, qui a fait passer dans la loi en 1992 le système des zones d’attente. Quand les crises économiques se succèdent, quand le chômage devient structurel et insoluble, les pays riches se ferment aux mouvements migratoires. En France, le nouveau projet de loi sur l’immigration débattu à l’Assemblée nationale en septembre 2011 renforçait les facilités d’expulsion des étrangers en situation irrégulière. A la question « Faut-il régulariser massivement les sans-papiers ? »2, tous les candidats à la primaire socialiste du 9 octobre 2011 étaient « contre » et défendaient le « cas par cas » avec seulement quelques nuances : normes de « vie de famille », de travail et d’années de présence ou preuves d’« intégration », comme la maîtrise du français jusqu’aux « reconduites à la frontière ».
Dans les décennies à venir, les conflits d’espace vital et de ressources auront des effets encore plus radicaux sur l’humanisme occidental et l’esprit d’ouverture. Comme l’exprime d’André Lebeau3, « Le découpage de l’espace terrestre en territoires nationaux est achevé. A l’enfermement planétaire qui pèse sur l’humanité s’ajoute un confinement territorial qui fait de la notion d’expansion un synonyme de guerre de conquête. » Comme l’analyse Harald Welzer4 : « Les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes de réfugiés. Des processus sociaux comme l’holocauste ne doivent pas être compris comme une « rupture de civilisation » ou une « rechute dans la barbarie », mais comme la conséquence logique de tentatives modernes pour établir l’ordre et résoudre les problèmes majeurs ressentis par des sociétés. Les hommes changent dans leurs perceptions et leurs valeurs, en même temps que leur environnement et sans s’en rendre compte : c’est le phénomène des shifting baselines. »
Le dernier rapport de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) indique que « la mobilité humaine est sans précédent par le passé »5. Nous cumulons 214 millions de migrants internationaux et près de 1 milliard en comptant les migrations internes. Cela s’accompagne de perception anxiogène et d’image négative des migrants, de manifestation de xénophobie et d’attitudes discriminatoires, d’une percée électorale de l’extrême droite et des partis nationalistes. Nous sommes dans une sorte de spirale avec des manifestations de peur, de rejet et de violences un peu partout dans le monde. L’écologie, la protection des milieux et la stabilité sociale ne font donc pas bon ménage avec les migrations. Comme l’écrivait déjà Malthus il y a deux siècles, « L’émigration, en supposant qu’on en pût faire un libre usage, est une ressource qui ne peut être de longue durée. ».
1. Les inrockuptibles (4 au 10 mai 2005)
2. LE MONDE du 30 septembre 2011
3. L’enfermement planétaire (Gallimard, 2008)
4. Les guerres du climat (Gallimard, 2009)
5. LE MONDE du 7 décembre 2011, La crise ne freine pas les flux migratoires mais accroît les manifestations de rejet