Quand je parle avec un écolo-sceptique radical qui se moque ouvertement de mes efforts de sobriété, j’ai envie de lui sauter à la gorge. Cela ne changerait rien à son parti pris. Alors, comment changer d’imaginaire collectif ?
Philippe Marty : Le sujet de l’écologie est désormais solidement ancré au cœur de nos conversations lors de nos dîners en famille, entre amis ou entre collègues. D’un côté, les écologistes de la première heure qui se radicalisent, terrorisés par un avenir qu’ils savent déjà largement incertain. De l’autre, les sceptiques, ceux qui n’y croient pas, ou qui font semblant, et que les gesticulations décarbonées de leurs adversaires d’un soir commencent sérieusement à agacer. Et au milieu de ce vacarme, un peu perdus, il y a ceux qui font leurs premiers pas. Depuis qu’ils ont décidé de diminuer significativement leur consommation de viande rouge, les plus radicaux leur reprochent de ne pas réussir à arrêter complètement. Les autres les reçoivent à dîner, sourire aux lèvres, avec une magnifique côte de bœuf. Ces nouveaux écologistes qui, en se lançant, pensaient devenir ces fameux colibris qui font leur part, chers à Pierre Rabhi, se retrouvent finalement cantonnés au rôle d’insectes inutiles ou de Canadairs surdimensionnés.
Le point de vue des écolos colibris
Dans « La part du colibri, l’espèce humaine face à son devenir », Pierre Rabhi rappelle l’enseignement de la légende amérindienne du colibri : « Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Tu crois que c’est avec ces quelques gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? » « Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part. »
Nous avons à peine quelques décennies pour réagir. C’est le moment de juger notre véritable intelligence et de constater si nous sommes capables de reprendre les rênes du progrès en mains. Si la réponse est négative, nous allons à la collision. Nous sommes devenus un acteur de l’évolution, pour le meilleur ou pour le pire. Et l’exemplarité des uns peut devenir la norme future de tous.
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pour un peuple écolo, l’austérité est notre destin (2012)
extraits : Contre le pouvoir du capital, le peuple communiste avait ses mots d’ordre et son catéchisme marxiste : exploitation de l’homme par l’homme, lutte de classes, syndicat courroie de transmission, dictature du prolétariat, etc. Le peuple communiste avait sa solidarité de classe, dans l’atelier, dans les banlieues rouges, dans les mutuelles, dans le syndicat. Le peuple communiste existait, il n’existe presque plus. Le peuple écolo n’existe pas encore, il existera un jour. Devant la catastrophe en marche, nous n’avons que deux solutions, soit subir dans le désordre et la violence une récession économique sévère, soit faire preuve de coordination et d’exemplarité dans la sobriété partagée…
Le colibri, emblème de l’écologie en marche
extraits : « Faire sa part » : c’est le mot d’ordre du mouvement Colibris, l’organisation créée en 2007 sous l’impulsion de Pierre Rabhi, chantre de l’agroécologie et de la sobriété heureuse. Or le changement climatique tient pour beaucoup au fonctionnement des grandes structures qui forment le socle de l’économie mondiale ; les productions énergétique et alimentaire sont fortement émettrices de gaz à effet de serre, ce qu’une modification des comportements individuels n’est pas en mesure de changer rapidement. Ainsi, « faire sa part » est incontestablement une belle idée, mais c’est aussi une idée dangereuse. Si le colibri se contente de chercher à éteindre seul l’incendie, la fin de la fable ne fait guère de doute : la forêt a brûlé et les animaux sont morts, et le colibri avec eux… mais ne rien faire à titre individuel, c’est trop facile ; c’est toujours la faute des autres, des multinationales, de l’Etat, de l’Europe…
L’indispensable VADE-MECUM de l’écologiste
extraits : L’interdépendance est une des caractéristiques de l’écologie. En matière humaine, il y a interrelation de fait entre notre comportement individuel, l’engagement dans des collectifs intermédiaires et l’état de la planète.Aujourd’hui se constitue progressivement un peuple écolo dont les idées vont structurer la pensée et l’action tout au cours du XXIe siècle. Nous sommes tous potentiellement partie prenante de ce changement. Ci-dessous une ébauche de vade-mecum (va-avec-moi) de l’écologiste, à garder toujours en tête. Mais à chacun de trouver sa propre voie…
COMMENT ? Comment faire pour qu’advienne ce « peuple écolo » ?
Vu que tout le monde aujourd’hui s’en revendique, écolo, je pense que nous devrions d’abord nous entendre sur ce à quoi doit ressembler ce peuple écolo.
S’agit-il d’un peuple d’andouilles, de fous furieux, d’esclaves… ou bien d’un peuple de gens libres, éclairés, responsables, de citoyens comme ON dit ?
Hier, dans “Carbone fossile ou vivant, rien ne va plus”, j’ai évoqué «le communisme de décroissance» de Marx. Comme je m’y attendais, personne n’est venu en rajouter.
De deux choses l’une, soit c’est parce qu’ON ânarien à foot de ce que je raconte (pour essayer de faire progresser l’intelligence collective si chère à ce blog), et dans ce cas c’est parle à mon cul ma tête est malade… soit c’est parce que cette idée de «communisme de décroissance» cloue le bec de nos dits écolos fâchés avec le rouge. (à suivre)
(suite) Et dans ce cas ils n’ont évidemment rien à dire, si ce n’est des absurdités. N’empêche que c’est dommage qu’ON n’ose pas affronter le tabou. Pourquoi ce mépris ou cette peur du rouge ? Ce n’est pas parce que le rouge s’est soldé ici ou là par des fiascos ou des horreurs, qu’ON doit pour autant fermer la porte aux idées de Marx, de Kohei Saito (philosophe marxiste japonais ) ou autre. Et c’est bien sûr pareil pour le vert.
– « […] les marxistes, de Bebel à Bordiga, ont également parlé de surmonter la course folle alimentée par le processus d’accumulation, de ralentir le rythme effréné de la vie sous le capital. Mais nous ne parlons pas de « décroissance » pour deux raisons : […] »
( Marxisme et écologie: Critique du “communisme de décroissance” de Saito
22 avril 2024 – fr.internationalism.org)
(à suivre)
(suite et fin) Ces deux raisons sont intéressantes. J’estime qu’elles peuvent être entendues et discutées, sérieusement, sereinement. Notamment la seconde, qui devrait nous aider à voir ce à quoi doit ressembler ce peuple écolo.
Le «communisme de décroissance» ne peut pas comme ça être balayé d’un revers de la main, cette idée (ce projet) mérite bien mieux que ça.
Seulement le problème, là encore, c’est que nous risquons de nous retrouver avec certains rouges de la première heure, ces rouges radicaux, dogmatiques, qui n’auront qu’une envie, celle de sauter à la gorge de ces rouges modérés, ou en formation. Qui bien sûr n’en feront jamais assez à leurs yeux. Bref, c’est comme avec certains verts.
Moralité : La couleur ne fait rien à l‘affaire, quand ON est con ON est con. Et avec des cons il n’y a rien à faire. Misère misère !
-« Quand je parle avec un écolo-sceptique radical qui se moque ouvertement de mes efforts de sobriété, j’ai envie de lui sauter à la gorge. Cela ne changerait rien à son parti pris.
Alors, comment changer d’imaginaire collectif ? »
Merci Biosphère pour cet article, dans la parfaite continuité des deux du 16 août dernier :
– “Bientôt la crise ultime, qu’on l’attende ou non”
– “Catastrophisme inopérant, catastrophe advient”
La question ultime reste donc toujours la même : COMMENT ?
Comment changer d’imaginaire collectif, comment faire progresser l’intelligence collective, comment amener les gens à décoloniser leur imaginaire, comment désintoxiquer un toxico, comment transformer un percheron en cheval de course… etc. etc. ?
(suite) Je ne connais pas d’écolo-sceptique radical. Par contre je connais pas mal de bougres de gros andouilles dans le déni et manquant cruellement de connaissances, d’intelligence, de capacités, de savoir vivre et j’en passe.
Premièrement, force est d’admettre qu’il n’est pas facile de trouver quelqu’un avec qui discuter, débattre, échanger. Platon estimait ce ratio à 1/1000. Bien sûr s’il s’agit du Foot et des Jeux du Cirque là c’est beaucoup plus facile. Et encore, à condition de faire partie du même club ! Sinon là encore la discussion risque de vite dégénérer en pugilat. Deuxièmement il faut admettre qu’il y a des sujets qui fâchent, des sujets qu’il vaut mieux éviter, ne pas aborder, notamment avec certains. Et quand ce n’est pas possible, de les éviter, je pense alors, et très sérieusement, qu’il faut les prendre à la rigolade. (Biosphère : « Rire pour réfléchir, quitte à provoquer ! »)
(à suivre)
(suite et fin) Je pense que tout le monde, un jour ou l’autre, a eu envie d’étriper quelqu’un, ou de lui sauter à la gorge comme ON dit. Bien sûr ce ne sont là que des expressions, des images. ON dit aussi voir rouge…
Il y a deux façons de voir rouge, la bonne et la mauvaise. Ce qui ne peut que combler les binaires. Sauf que quand ON est fâché avec le rouge, et là ON ne parle pas du gros qui tache, eh ben ON reste aussi con qu’avant.
Par contre il y a mille façons de sauter à la gorge de quelqu’un. Même qu’il y a des gorges qu’ON a envie d’y mordre dedans. Certes pas pour discuter ni réfléchir. Mais bon, ON n’est pas des bêtes quand même ! Quoique…