En 1541, la population de l’Angleterre était estimée à 2,8 millions de personnes, en 1696 à 5 millions. Le Royaume-Uni passe ensuite de 12 millions en 1801 à 41 millions en 1901. Il ne peut pas être anodin de vivre dans un pays de quelques millions d’habitants et d’y survivre accompagné de quelques dizaines de millions. En 2023, le Royaume-Uni compte plus de 67 millions d’habitants.
L’Anglais Malthus a commencé à écrire son Essai sur le principe de population en 1798. Il s’inquiétait de la croissance démographique trop rapide si on ne s’en soucie pas. Rappelons d’abord la loi de Malthus ainsi définie par lui-même : « Lorsque la population n’est arrêtée par aucun obstacle, elle va doubler tous les vingt-cinq ans, et croît de période en période selon une progression géométrique (exponentielle). On n’obtiendra pas avec la même facilité la nourriture nécessaire. En effet, l’agriculture étant soumise à la loi des rendements décroissants, les moyens de subsistance ne peuvent jamais augmenter plus rapidement que selon une progression arithmétique (linéaire). D’où un décalage croissant entre population et alimentation ». Il en déduisait qu’il était nécessaire de limiter sa fécondité pour essayer de garder un niveau de population en concordance avec l’état des ressources. Il n’a pas été écouté et on a pensé par la suite que la révolution agricole allait permettre de nourrir tout le monde.
En fait les Anglais, grâce à leur réserves de charbon, ont surtout entamé une révolution industrielle pendant le XIXe siècle. L’essor des manufactures a été privilégié, et pour conserver le blé à bas prix il suffisait d’importer le nécessaire grâce au libre-échange : draps anglais contre vin du Portugal. Le Royaume-Uni est donc entré dès cette époque dans ce qu’on appelle une densité subventionnée. Une nation est surpeuplée lorsqu’elle n’arrive pas à subvenir aux besoins énergétiques de sa population, c’est-à-dire à son alimentation et à ses besoins en combustible. Dans les systèmes subventionnés, ce sont les ressources agricoles et énergétiques qui sont pillées dans le monde entier. L’impérialisme anglais est bien connu. Les villes ont été de tous temps subventionnées par les campagnes, ce qui leur permet d’atteindre une densité de population beaucoup plus élevée. Avec l’essor international du libre-échange promu par l’Angleterre, le subventionnement ville-campagne s’est étendu à un subventionnement des pays industrialisés par les pays en voie de développement. Si le subventionnement Sud-Nord cessait, ne seraient pas surpeuplés les pays qu’on pense.
Si Malthus était anglais, la démographie n’est guère aujourd’hui en vogue au Royaume-Uni. Ce n’est pas un problème qui préoccupe les Britanniques. Le gouvernement n’a pas de politique démographique, il ne s’intéresse pas aux questions de fertilité ; ce serait imprudent d’y faire allusion, ou bien ce serait considéré comme rasoir. Dans un pays où le rôle de l’État s’est réduit durant les dix-huit années de thatchérisme, où l’on a longtemps été adepte du « short-termism » (intérêt pour le court terme), à quoi cela servirait-il de dépenser de l’argent pour prévoir un avenir qui, de toute manière, dépend essentiellement du secteur privé. Ici, on garde plutôt une culture anti-planificatrice. Ainsi, l’idée de recenser la population tous les cinq ans au lieu de dix a-t-elle été rejetée pour des questions de coût, et les conservateurs ont-ils dissous l’organisme qui coordonnait les recherches sur un plan interministériel.
Pourtant les données statistiques sont là. Pour une densité moyenne mondiale de 61 hab./km², celle du R-U est de 277 en 2022 ; seulement un hectare (100 mètres de côté) pour 2,77 personnes, c’est trop peu pour satisfaire tous les besoins tout en laissant de la place à la biodiversité. Certes le taux de fécondité n’est que de 1,56 enfants par femme en 2020, mais la population augmente encore de 0,4 % à cause de l’inertie démographique. De toute façon, cela ne répond pas à la problématique principale : entasser plus de 67 million de personnes sur un territoire exigu est-il signe d’un surpeuplement, d’un sous-peuplement ou d’un équilibre stable et durable ? Quand on voit le nombre de candidats à l’immigration vers le R-U, on pourrait croire que ce pays est le paradis. C’est une erreur.
Près de 90 % de la population du Royaume-Uni vit au sein de zones urbaines. C’est nettement plus qu’en France ou en Allemagne où les taux d’urbanisation sont respectivement de 75 % et 74 %. Or vivre en ville, c’est se couper de toute possibilité d’autonomie tant alimentaire qu’énergétique, c’est là aussi une densité subventionnée par l’extérieur. Un krach boursier ou un choc pétrolier, c’est toute l’économie urbaine qui peut s’effondrer. Avec 4,3%, le taux de chômage du Royaume-Uni en 2023 est désormais 0,3 point de pourcentage plus élevé qu’avant la pandémie de coronavirus.
Le taux d’autosuffisance alimentaire n’est que de 62%. L’inflation alimentaire grimpe en 2023. Près de 10 millions de personnes se trouvent en situation de pauvreté alimentaire outre-Manche. Le 21 février 2023, les médias titrent : « Pénuries au Royaume-Uni : des supermarchés rationnent les fruits et légumes. » Les conditions météorologiques difficiles dans le sud de l’Europe et en Afrique du Nord ont perturbé la récolte. Un tiers des produits alimentaires consommés au Royaume–Uni provient de l’UE. Tiens, le R-U dépend de l’extérieur ?
Le Royaume-Uni échappe encore à la catastrophe car elle est passée d’une puissance charbonnière à une puissance pétrolière. Mais le pire n’est pas exclu, à une époque où nous savons qu’il faudrait se passer des ressources fossiles pour éviter l’embrasement climatique.
En savoir plus sur la surpopulation
Alerte surpopulation, le combat de Démographie Responsable (2022)
Surpopulation… Mythe ou réalité ? (2023)
Un panorama des pays surpeuplés,
Surpopulation généralisée dans tous les pays
Pour lutter contre la surpopulation,
Si un de nos commentateurs trouve un pays où la surpopulation n’existe pas,
qu’il nous en fasse part, nous reproduirons son analyse sur ce blog biosphere…
nous écrire à biosphere@ouvaton.org
– « Une nation est surpeuplée lorsqu’elle n’arrive pas à subvenir aux besoins énergétiques de sa population […] Dans les systèmes subventionnés, ce sont les ressources agricoles et énergétiques qui sont pillées dans le monde entier. Les villes ont été de tous temps subventionnées par les campagnes. [etc.]»
Les châteaux aussi, ont été de tous temps subventionnés (alimentés) par les campagnes, environnantes. Comme les prisons, surpeuplées ou pas.
Du moment où elle est dépendante de l’extérieur, pour manger et se chauffer… peut-on dire d’une ville (comme d’un château, une prison, une maison, une région, une île…) qu’elle est surpeuplée ? Et parce qu’elles sont obligées de faire des milliers de kilomètres pour béqueter et survivre… doit-ON décréter que les bécasses sont en surnombre ?
Ben non, ça n’a aucun sens. ( à suivre )
Les hommes ont toujours voyagé et échangé. Les frontières n’ont pas toujours existé, elles se déplacent en permanence, certaines disparaissent, d’autres apparaissent, les bécasses et les oies sauvages se foutent des frontières. Et elles ont raison ! Parce que raisonner (résonner) dans le cadre des nations, là encore ça n’a finalement pas beaucoup de sens.
C’est à l’échelle du monde qu’il faut raisonner (penser global).
Et justement :
– «Si le subventionnement Sud-Nord cessait, ne seraient pas surpeuplés les pays qu’on pense.»
Voilà donc que si ON cessait d’exploiter et de piller les pays du Sud… ces derniers ne seraient plus surpeuplés. Et ce n’est pas moi qui l’ai dit ! C’est formidable. 🙂