Désurbanisation ou ville autarcique ?

Tandis que 30 % de la population mondiale vivaient dans les zones urbaines en 1950, cette proportion est passé à 47 % en 2000 et devrait atteindre 60 % en 2030 et 70 % en 2050. En France, c’est déjà plus de 82 %. On assiste véritablement à « l’explosion de l’urbain », il s’agit d’un processus généralisé d’artificialisation de la vie. La vie dans les grandes villes brise les cycles naturels et nous coupe de notre lien intime avec la nature. Nous vivons dans des cités où nous oublions facilement que la nature travaille en cercles fermés.

Croire qu’on peut faire aussi bien que la biosphère dans un appartement urbain, c’est du délire… à moins d’être subventionné !

Audrey Garric : Corentin de Chatelperron et Caroline Pultz se sont donné pour mission d’imaginer à quoi pourrait ressembler une vie urbaine durable en 2040. Depuis juillet 2024 et jusqu’à fin novembre, ces aventuriers de l’écologie proposent un autre chemin afin de mieux vivre dans les limites planétaires : « On veut créer un nouvel imaginaire désirable, qui ne soit pas un futur high-tech autour du métavers, ni un retour en arrière décroissant. » Cette expérience dite « Biosphère urbaine » est financée par la mairie de Boulogne-Billancourt, le Centre national d’études spatiales et Arte. Dans leur studio de 26 m2 prêté par la commune, le couple expérimente une vingtaine d’inventions low-tech. Déjections décomposées en compost par des larves de mouches, des pleurotes sous brumisateur dans la douche, des plantes cultivées en bioponie (hors sol), des grillons, etc. Le duo, qui ne cherche pas l’autarcie, se fournit en épicerie bio, avec des aliments locaux. Côté énergie, l’appartement, qui n’est pas relié à l’électricité, a été équipé de 4 mètres carrés de panneaux solaires. De quoi alimenter la poignée d’appareils électriques : un thermos, un microfrigo, un rétroprojecteur, un ordinateur et les téléphones portables. Leur expérience est-elle applicable au plus grand nombre ?

Le point de vue des écologistes

Imaginons ce qui arriverait à n’importe quelle ville si elle était enfermée sous une coupole de verre qui empêcherait les ressources matérielles nécessaires d’entrer et de sortir. Il est évident que cette ville cesserait de fonctionner en quelques jours et que ses habitants périraient… Ce modèle mental d’une coupole de verre nous rappelle assez brutalement la structurelle vulnérabilité des grandes régions urbaines.

C’est pourquoi le concept d’autonomie de la vie urbaine est un leurre, à plus forte raison l’appartement autosuffisant. La solution n’est pas dans les low tech, mais dans la désurbanisation, l’exode des urbains vers la ruralisation. Utopie ? Vers 650 de notre ère, un effondrement vertigineux a frappé l’empire romain. La cité de Rome comptait près de 700 000 habitants lors de sa gloire, il n’y en avait plus que 20 000 au final. Après l’effondrement de la civilisation thermo-industrielle, nous redeviendrons paysan.

Le DÉBAT, y’en pas

José Martin : Le jour où les tarifs d’eau et d’électricité partiront en vrille, ces pratiques se généraliseront plus vite qu’on ne le pense. Je pense souvent à ma grand mère qui ne gênerait quasiment pas de déchets et vivait en quasi autonomie.

Marie81 : Mes grand-parents et leurs voisins nourrissaient un cochon avec les épluchures de légumes et restes de repas.

Geisberg : J’ai grandi dans un village, il y a longtemps. Les chèvres tondaient nos fossés, pas de tout à l’égout, compost naturel, des poules gambadant dans nos vignes et revenant le soir, vaisselle sans détergent – les « eaux grasses » nourrissaient un porc et les carpes. Je me rends compte aujourd’hui que nous vivions autrefois en quasi-autarcie, sans polluer ou évacuation de déchets.

clodo galactique : Il est possible en effet que ce soit le futur pour une partie de la population. Mon ami universitaire en « écologie&évolution » pense que nous allons vers un futur où les gens raisonnables se regrouperont en communautés autonomes face a des foules « sauvages » et je ne suis pas loin de partager sa conviction.

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

Cultiver la nature en ville ou désurbanisation ?

extraits: Certains essayent désespérément de trouver des solutions agricoles en milieu urbain. Il y a les tentatives de villes en transition (Rob Hopkins), la bonne idée des AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), la vogue des locavores, les incroyables comestibles, etc. Mais les villes étendent leurs tentacules dans toutes les directions et stérilise toujours plus loin les sols. Les bétons et goudrons de la capitale française ne se prêtent pas aux plantations en pleine terre. La solution de long terme se trouve dans la désurbanisation, l’exode urbain qui succédera à l’exode rural….

La première fois où on a parlé de désurbanisation sur ce blog

22.09.2009 désurbanisation

Qu’on le veille ou non, il faudra bien un jour sortir du culte de la croissance, toujours plus de pouvoir d’achat, toujours plus de bagnoles, toujours plus d’avions, travailler toujours plus. L’urbanisation croissante est un élément de cette anthropisation forcenée de notre planète qui a accompagné la révolution industrielle dès le XIXe siècle. Mais au lieu d’être progressive, l’explosion urbaine est devenue selon les termes mêmes du Monde (22 septembre 2009) « violente », particulièrement en Afrique : les villes y passeront de 350 millions d’habitants en 2005 à 1,2 milliards en 2050. Ce ne sont que des prévisions statistiques, je prévois au contraire d’ici à 2050 un retour aux campagnes.

Cela ne veut pas dire que j’ai une pensée anti-urbaine, il y a des toutes petites villes fort agréables. Mais quand les habitants des bidonvilles constituent déjà en moyenne 36 % des citadins dans les pays dits « en développement », cela veut dire que ce n’est pas une urbanisation gérable, ce n’est donc pas une évolution durable. Jamais on ne pourra mettre de l’électricité, de l’eau courante et des routes goudronnées partout. Jamais on ne pourra mettre en place des services urbains à la portée de tous. Jamais on ne pourra trouver un emploi à cet afflux de main d’œuvre. Jamais il n’y aura assez de policiers (étymologiquement « créatures de la cité ») pour contrôler une société non policée.

Le discours de vérité n’est pas dans la vérité des prix, il est dans le sens des limites, à commencer par la limitation drastique de l’urbanisation. Cela ne peut se faire que si on s’investit dans l’agriculture durable au lieu d’investir dans les marchés financiers.

Les premières fois où on a parlé de désurbanisation dans LE MONDE (c’est rigolo à lire !)

26 mai 1945.  » URBANISATION ET DESURBANISATION, PROBLÈME DE L’HEURE « 

L’exode des campagnes vers les villes n’entraîne rien de moins qu’une  » détérioration de la race  » … Les campagnes, dépeuplées et affaiblies sanitairement par les mariages consanguins, ne constitueront plus à bref délai le réservoir traditionnel des élites. La solution la plus efficace est de décongestionner les grandes villes, soit en transportant les industries nouvelles dans les campagnes, soit en développant les moyens de transport pour que les ouvriers aient a la campagne de meilleures conditions d’existence.

13 août 1945. PROPOS SUR L’ALCOOLISME

L’alcoolisme est un problème social. La France fait vivre un débit de boisson pour 80 habitants et le nombre des bouilleurs de cru est passé de 677.000 en 1916 à 3.500.000 en 1934, chiffre qui n’a pas diminué depuis dix ans. Ce qui signifie que si l’hygiène morale et physique du pays a tout à gagner a une large émigration des villes vers la campagne – à une  » désurbanisation « , comme l’on dit, – c’est à condition que le citadin dépaysé ne se borne pas simplement à changer la variété de son toxique.

4 février 1966. Les armées libèrent plusieurs centaines d’hectares de terrain

La diminution des effectifs et la technicité croissante des armements permettent au ministère des armées, pour faciliter des opérations d’urbanisme, notamment dans la région parisienne, de libérer certains terrains domaniaux qu’il occupait. Cette politique de décentralisation et de désurbanisation à la fois a été rendue possible grâce à l’assouplissement d’un décret impérial de 1853, qui réglementait (parfois jusqu’à 950 mètres) les zones de protection et les périmètres défensifs autour des fortifications militaires… En gros, mille deux cents fortifications sont en instance de déclassement ou doivent voir leurs périmètres de servitudes rectifiés parce qu’ils concernent des zones à urbaniser en priorité….

22 novembre 1973. Theodore Roszak, le visionnaire, et Vance Packard, le réformiste

DEPUIS une dizaine d’années les éludes se multiplient, aux États-Unis, qui proposent une analyse de la société industrielle et les éléments d’une alternative pour une société post – industrielle.l’idée de la  » croissance zéro  » n’implique nullement une régression primitive, pas plus que le rejet de la technologie moderne. Elle signale plutôt le lien actuel entre production et répression (Roszak), sur-industrialisation et fragmentation sociale (Packard)… Roszak considère qu’il convient de rejeter l’industrialisme urbain en tant que mode dominant. Trois voies sont suggérées : 1) la désurbanisation : de petites agglomérations rurales bien développées permettraient à chacun de choisir le mode vie qui lui convient ; 2) une  » économie de permanence « , qui, à l’opposé de l’économie de l’opulence, amènerait un nouvel équilibre social ; 3) un système social-fondé sur la notion de  » tribu « .

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