Le candidat à la présidence François Hollande n’avait qu’un mot à la bouche, croissance, croissance, croissance. Mais récemment, juste avant d’être élu*, son discours était plus nuancé : « Quant à l’opposition croissance/ décroissance, nous savons que la tendance pour les dix prochaines années est au mieux de retrouver 2 ou 2,5 points de croissance, c’est-à-dire la moitié de ce que nous avons connu pendant les « trente glorieuses ». D’où l’importance de donner à cette croissance un contenu en emplois, en écologie surtout. Il y a aussi des secteurs qui doivent décroître parce qu’ils sont source de gaspillage. » Hollande partisan de la décroissance sélective, c’est une bonne nouvelle. Puisse François ne pas suivre les présupposés d’Arthur Lewis (1915-1991), prix Nobel d’économie 1979 pour ses travaux en économie du développement. Arthur Lewis a cherché dans son livre The Theory of Economic Growth à invalider les objections écologiques que ses thèses croissancistes pouvaient soulever :
« On avance parfois que l’objectif visant à élever continuellement le niveau de vie de toutes les nations du monde doit être illusoire, dès lors qu’il aurait pour conséquence d’épuiser rapidement les stocks mondiaux de minéraux et de combustibles. Cet argument repose cependant sur deux conjectures non démontrées. Premièrement, il présuppose que l’inventivité humaine sera à terme incapable de trouver de nouveaux substituts à ce qu’il aura été épuisé, alors même que cette hypothèse paraît aujourd’hui de plus en plus douteuse au regard de ce que nous découvrons sur la nature de l’atome et la transformation des éléments. Et secondement, il présuppose que les générations futures ont une droit égal aux ressources mondiales. Mais pourquoi devrions-nous rester pauvres au motif de prolonger la vie humaine sur terre ? Ne serait-il pas tout aussi justifié d’affirmer que les générations futures ont un droit égal d’utiliser pleinement les ressources qu’elles peuvent trouver et de laisser à leurs descendants dans les siècles à venir le soin de s’occuper d’eux mêmes ? »**
Pour les tenants de la durabilité (ou soutenabilité) faible comme Arthur Lewis, le capital naturel peut toujours être remplacé par des éléments fabriqués, donc par du travail et de capital technique. Les économistes considèrent donc une croissance économique sans se soucier des générations futures ni du reste de la Biosphère puisque selon leurs croyances on trouvera « sans doute » une solution technique à tous les problèmes que la technique a créé. Au contraire une durabilité forte nécessite que le patrimoine naturel reste constant puisqu’il est jugé absolument complémentaire de l’activité humaine. L’équilibre de la Biosphère doit être préservé et ses ressources utilisées uniquement si elles restent renouvelables dans le temps. Dans son premier discours de président élu, François Hollande a consacré tout un passage à la jeunesse… il aurait mieux fait de parler des générations futures.
* LE MONDE du 5 mai 2012, Du progrès au pacte social, les pistes pour sortir de la crise de civilisation
** éditeur Allen & Unwin, 1955, p. 424 – traduction Yohann Ariffin