Croissance verte, l’oxymore de la Banque mondiale

Jusqu’à présent on disait « la croissance d’abord l’environnement plus tard », maintenant il y a la croissance verte des riches et la croissance verte des pauvres. Comme le dit un document du 10 mai 2012 de la Banque mondiale, il faut « la croissance verte pour tous » (Inclusive Green Growth : The Pathway to Sustainable Development). Examinons ce qu’en dit Stéphane Hallegatte*, qui a participé à la rédaction de ce rapport :

SH : « Les pays émergents, confrontés à des problèmes environnementaux (surexploitation des ressources, pénurie d’eau, pollution, déchets, épuisement des sols..), réalisent qu’ils doivent les prendre en compte pour assurer une croissance durable. »

Biosphere : les coûts de la dégradation de l’environnement sont estimés à près de 10 % du PIB en Chine, ce qui veut dire qu’une croissance économique de 10 %, score chinois, ne fait pas avancer la richesse réelle du pays. Mais que la Chine « réalise » l’idiotie de son « développement »  ne veut pas dire que son gouvernement va renoncer à sa politique de puissance commerciale. Stéphane Hallegatte n’est pas un économiste, c’est un doux rêveur.

– « Pour les plus pauvres, la sauvegarde des tigres n’est peut-être pas une priorité. En revanche, le traitement des déchets qui s’accumulent ou de la pollution de l’eau sont cruciaux. »

Biosphere : L’humanité ne semble exister qu’à partir du moment où elle réduit toute autre forme de vie. Stéphane Hallegatte ne peut éluder la dimension holistique justifiant la conservation de la biodiversité. La protection des espèces « inutiles » apparaît comme un impératif catégorique. Sinon les humains, sans tigres ni ours polaires, se dévoreront entre eux, au milieu des déchets et des eaux usées.

– « Plus de 60 % de la population africaine n’est pas connectée à un réseau d’électricité. En développant les réseaux électriques, vous développez une politique sociale. »

Biosphere : Il est vrai que les centrales thermiques ont besoin des 1 à 2 milliards de personnes sur la planète qui sont encore privées d’électricité mais il est aussi vrai que le besoin d’électricité n’est pas une nécessité vitale. C’est donc pour les sociétés thermo-industrielles une façon détournée d’exporter leur modèle de consommation. La banque mondiale n’a-t-elle pas déjà créé dans les pays « en développement » des éléphants blancs, des infrastructures disproportionnés et sans avenir !

– « On a calculé que la fourniture d’électricité au 1,4 milliard de personnes qui en sont privées dans le monde conduirait à une hausse des émissions de CO2 en raison du recours accru aux énergies fossiles aujourd’hui prédominantes. Mais elle serait compensée par la seule mise aux normes européennes du parc automobile américain ! »

Biosphere : Cette phrase de Stéphane Hallegatte montre clairement que toute production d’électricité a son côté néfaste. Et laisser croire que les Américains vont dépenser moins d’essence pour permettre la hausse du niveau de vie dans d’autres pays est une véritable imposture.

– « Il existe aussi un levier qui n’est pas économique : celui des comportements. Consommer plus d’énergie, avoir plusieurs voitures, une maison individuelle… c’est afficher un statut social. Jouer sur les normes sociales est parfois plus efficace pour faire basculer les pratiques. »

Biosphere : entièrement d’accord avec ce constat. Mais nous aurions aimé que Stéphane Hallegatte aille au cœur de la solution, supprimer les inégalités de revenus, que ce soit entre pays riches et pays pauvres ou à l’intérieur de chaque pays. Que chacun approche d’un idéal de frugalité, et la biosphère commencera enfin à respirer… La croissance  verte est un oxymore, réunion de deux termes non compatibles puisque toute croissance entraîne un épuisement des ressources et un gonflement des déchets.

* LE MONDE du 11 mai 2012, la croissance verte n’est pas un luxe, c’est une opportunité de développement

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