« Ne plus sous-traiter les questions écologiques jugées désormais « centrales » par le PS au turbulent allié écologiste », tel est le fondement de la nomination de Nicole Bricq au titre de ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Nicole Bricq, une socialiste de toujours, possède une sensibilité écolo : elle avait adhéré au pôle écologique du PS lors du congrès de Reims (motion B, pour un parti socialiste résolument écologique). Elle n’avait pourtant jamais fait connaître ses propres positions sur l’urgence écologique et a certainement préféré son action à la Commission des Finances du Sénat. Nicole a d’ailleurs été la première étonnée de sa nomination à l’écologie ; elle était plutôt attendue au budget et nous envisagions plutôt la nomination de Marie-Hélène Aubert, transfuge des Verts. Mais Hollande a voulu s’entourer d’un noyau dur de socialiste, ce qui ne présage rien de bon pour faire avancer la cause écolo ! Tout dépendra des arbitrages du premier ministre, Jean-Marc Ayrault, dont rien ne laisse deviner la fibre écolo, si ce n’est le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Car maintenant commencent les difficultés pour Nicole Bricq, il va falloir concilier l’inconciliable : le socialisme n’est que contradiction en matière d’écologie. Comment faire cohabiter de façon pacifique le lobby du nucléaire, très présent au PS comme « le député Areva » et maire de Cherbourg Bernard Cazeneuve, et les défenseurs de la sortie du nucléaire, complètement marginalisés ! Il y a bien le député du Gers Philippe Martin, un fervent opposant aux OGM, mais il y a surtout des partisans des trangéniques qui travaillent activement dans l’ombre du PS comme Alain Deshayes. Le PS n’a jamais pu réellement réfléchir à l’urgence écologique. Laurence Rossignol, secrétaire nationale à l’environnement depuis 2008, n’a jamais réalisé quelque chose de concret à ce poste. La motion B au congrès n’a obtenu que 1,58 % des voix. Rien n’a bougé vraiment au sein du socialisme, le PS se comporte comme un rassemblement d’écuries où il faut placer son poulain et certainement pas penser aux choses qui fâchent comme l’urgence écolo.
Rappelons aux socialistes cette évidence : il y a encastrement de trois sphères. Les activités économiques et financières ne constituent qu’une première sphère, complètement incluse dans une sphère sociale plus large (culture, politique, sentiments…), ouverte elle-même sur la sphère englobant le tout, la biosphère dont nous procédons et dans laquelle nous sommes. La situation d’interdépendance entre ces trois sphères appelle impérativement la prise en compte simultanée des régulations économiques et sociales, sur lesquelles nous pouvons agir, et des régulations écologiques dont nous sommes dépendants. Or François Hollande n’a qu’une idée en tête, le social d’abord. Choc pétrolier ou peak de quelque chose a de fortes chances de taper à la porte de l’Elysée lors de ce quinquennat !
En juin 1998, Nicole Bricq était alors députée avait rédigé un rapport sur la fiscalité écologique. Un sujet qu’elle a suivi récemment au Sénat, lors des débats sur la taxe carbone en 2009 ou sur la taxe poids lourds en 2011. Elle a aussi lu attentivement le rapport du Centre d’analyse stratégique, remis au gouvernement en octobre 2011, sur « les aides publiques dommageables à la biodiversité ».
Si la ministre semble peu familière des papillons et des libellules, on peut penser que ses compétences de fiscaliste pourraient être précieuses, si elle en a la volonté, pour réorienter un système économique aujourd’hui organisé pour détruire la nature.
Hervé Kempf,
LE MONDE du 20-21 mai 2011, De la truffe à la Chine