Deux pages sur le « catastrophisme » du biologiste Jared Diamond (annonce en première page du MONDE). Deux pages qui reprennent son point de vue avec ce sous-titre : « L’échec du Sommet de la Terre, cet été, rend plus crédible la thèse du géographe et biologiste américain : « De tout temps, les humains se sont massacrés et ont détruit leur environnement. » L’homme serait donc un animal suicidaire*.
LE MONDE retrace les cinq facteurs qui, selon Diamond, se retrouvent dans chaque effondrement :
– Les hommes infligent des dommages irréparables à leur environnement, épuisant des ressources essentielles à leur survie ;
– Un changement climatique perturbe l’équilibre écologique, qu’il soit d’origine naturelle ou issu de l’activité humaine ;
– La pression militaire et économique de voisins hostiles s’accentue du fait de l’affaiblissement du pays ;
– L’alliance diplomatique et commerciale avec des alliés pourvoyant des biens nécessaires se désagrège ;
– Les élites aggravent l’effondrement en cours en continuant à protéger leurs privilèges à court terme.
Impossible de ne pas voir dans ce tableau un descriptif de la situation contemporaine. Perte de biodiversité et pic des hydrocarbures, réchauffement climatique d’origine anthropique, concurrence sur les ressources et même guerres civiles, diplomatie du chacun pour soi, niveau de vie américain non négociable, etc.
Des historiens reprochent à Jared Diamond son catastrophisme, mais ce n’est pas faire du catastrophisme que d’annoncer que nous allons au désastre en sciant la branche (la biosphère) sur laquelle nous nous trouvons. D’autres relèvent la capacité de résilience de nos sociétés et critiquent le fait qu’on puisse parler de catastrophe inéluctable. Mais ces critiques sur son pessimisme, Jared Diamond les écarte : « On oublie le sous-titre de mon livre Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie. Nous avons encore le choix. Plusieurs sociétés ont su déjouer les drames environnementaux, comme les Japonais sauvant leurs forêts à l’époque d’Edo. » Et quand on lui reproche de donner trop d’importance à la géographie et à l’écologie, Diamond a cette formule : « Allez faire pousser du blé au pôle nord, et ensuite revenez me parler du faible rôle du climat sur l’Histoire et l’esprit humain. » Jared Diamond fait donc de la pédagogie de la catastrophe pour que la catastrophe ne serve pas de pédagogie… un peu trop tard. Ce n’est pas là du catastrophisme !
* LE MONDE culture&idées, 29 septembre 2012
Quelques auteurs de référence sur la pédagogie de la catastrophe :
1948 : La planète au pillage de Fairfield Osborn
1965 : Avant que nature meure de Jean Dorst
1979 : Le principe responsabilité de Hans Jonas
2002 : Pour un catastrophisme éclairé- quand l’impossible est certain de Jean-Pierre Dupuy
2005 : Pétrole apocalypse d’Yves Cochet
2006 : Effondrement de Jared Diamond
synthèse : Chaque année, la New Economics Foundation (NEF), calcule la date à laquelle la consommation de ressources par l’humanité dépasse la capacité de renouvellement de la planète. Cette date anniversaire a été baptisée « Jour de la dette écologique » (« Overshoot day »). Cette date intervient chaque année de plus en plus tôt, ce qui signifie que les ressources disponibles pour une année sont consommées de plus en plus vite. En 1987, l’humanité était passée dans le rouge un 19 décembre. En 1995, cette date était intervenue le 21 novembre. En vivant au-delà de nos moyens environnementaux, nous privons des millions de personnes dans le monde de la possibilité de satisfaire leurs besoins. Ensuite, nous mettons en danger les mécanismes de survie de la planète…
La Biosphère te dit : « Si la pédagogie de la catastrophe n’est pas appliquée, alors ce sera la catastrophe qui servira de pédagogie… dans la douleur »