« Nous avons abandonné la fabrication des yaourts propre à l’économie domestique. Alors pourquoi ne pas appliquer ‘la règle du yaourt’ à notre procréation ? Pourquoi ne pas s’en remettre à la techno-science pour concevoir les enfants ? La société de croissance nous a tellement habitués à dépendre de techno-organisations complexes et à y voir les conditions du progrès. En nous plongeant dans un univers urbain artificialisé, elle a renforcé notre sentiment d’être au centre de tout et accru l’importance que nous portons à l’écoute de nos propres désirs, quitte à passer par-dessus les contraintes biologiques. Dans ce cadre il devient logique qu’un sentiment de toute puissance nous habite et qui, mêlé à notre passion pour l’égalité et notre difficulté à supporter l’altérité de l’autre sexe, nous amène à refuser notre statut sexué d’homme ou de femme pour imaginer la possibilité de couples de même sexe pouvant enfanter. Cette société de croissance place notre humanité dans une orbite noire. A quand la gestation en labo pour les couples homo mâles ? Dangereux Homo faber et homo sans père ni mère, il n’y aura pas que les tropiques à être tristes. Comment imaginer que nous puissions supporter cela sans un trouble infini nous mettant en situation de faire n’importe quoi ? » (texte d’un correspondant)
Ce texte pose le problème, la procréation assistée comme similaire à un yaourt industrialisé. Mais il ne nous donne pas les moyens de savoir où sont les limites. Or la faisabilité d’une technique encourage les demandes. A chaque nouvelle marche du “progrès”, on ne s’interroge plus sur le palier à ne pas franchir. L’écologiste René Dumont disait dans les années 1970 que la catastrophe à venir serait quand chaque Chinois userait d’une mobylette ; pourtant aujourd’hui ils désirent avoir une Mercedes. Une approche écologiste (systémique ) est donc nécessaire. On ne peut se positionner contre la consommation à outrance et exiger le droit pour chaque individu d’avoir une Mercedes… ou un enfant alors qu’on est stérile. Primauté des besoins fabriqués, épuisement des ressources naturelles. Les deux phénomènes sont liés. Que coûtent en termes de ressources naturelles ces technologies médicales ? Devrait-on continuer, comme c’est le cas actuellement, à réserver la PMA (procréation médicale assistée) aux nantis de la planète ? Là est l’indécence de nos désirs individuels sans limites, l’oubli des autres. Ne vaudrait-il pas mieux utiliser nos ressources à sauver des milliers d’autres enfants nés naturellement de la malnutrition, du paludisme ou de la mortalité à la naissance. Les occidentaux sont pour l’instant des enfants gâtés avec la multiplication des ressources technologiques très chères pour la santé et des centenaires par dizaines de milliers dans les centres de soins palliatifs. Nous n’aurons jamais les moyens de poursuivre notre consommation effrénée de soins médicaux. Une société pour être vivable établit des limites et refuse les extrêmes.
Le recours à la technique ne fait pas nécessairement une humanité plus heureuse. L’espèce humaine doit faire des choix collectifs, ne pas répondre aux désirs engendrés par nos frustrations de tous ordres. Faisons de l’enfant un prolongement de la communauté et pas un bien à usage individuel. Cessons d’utiliser la technologie comme substitut pour oublier notre manque de lien. Retrouvons le sens de la convivialité.
Techniques et égalitarisme
Avec la PMA, le technototalitarisme se range sous la bannière de la technique « libératrice-émancipatrice ». Le point de divergence entre techniques douces et techniques dures se fera sur les inégalités économiques et la plus ou moins juste répartition des possibilités techniques puisque avec la crise un produit tend à devenir très cher sur le superflu comme sur le nécessaire. Autrefois le moulin à eau ou à vent appartenait au Seigneur qui s’en servait pour accroître encore plus sa politique de faste.
En conséquence, la volonté égalitariste pourrait aider à combattre la toute-puissance techniciste.