Résumé du point de vue* des économistes Irmi Seidl et Angelika Zahrnt :
« Pétrole bon marché, besoin de reconstruction d’après-guerre mondiale, modèle fordiste…, depuis les années 1950 on croit à la permanence de la croissance économique. Or le produit intérieur brut échoue à mesurer le bien-être, les écarts de revenus augmentent, le taux de chômage croît constamment, la dette publique monte en flèche, les problèmes environnementaux empirent, la crise financière et budgétaire s’installe. Malgré cela, politiciens, économistes et médias continuent à aspirer à la croissance économique. La croissance est supposée guérir tous les maux qu’elle amène dans son sillage. Ceux qui mettent en question la validité de cette hypothèse sont difficilement audibles. Qu’est-ce qui rend si forte cette fixation sur la croissance économique ?
La réponse tient au fait que l’aide sociale, les entreprises, le secteur bancaire et financier, les marchés, l’industrie des biens de consommation et les individus sont réglés sur l’hypothèse d’une croissance constante. D’ailleurs, il suffit que la croissance marque le pas pour que le désordre politique et social advienne. Considérons l’industrie des biens de consommation : lorsque la sécurité de l’emploi diminue, les gens réduisent leur consommation. Il s’ensuit que l’activité de ce secteur industriel ralentit, entraînant une croissance du chômage qui se conjugue avec la diminution des revenus, etc. Bref, un cercle vicieux.
Pour que les politiques changent, il faut trouver une solution… qui fait défaut. Le passage à la post-croissance est inévitable. Mais il serait préférable d’y arriver par la voie de la raison plutôt que par celle du désastre. »
Le commentaire de biosphere : il sont rares les économistes à montrer que la période de croissance n’est qu’une parenthèse historique et à envisager en conséquence le passage à la « post-croissance ». Cela mérite d’être salué. Malheureusement Irmi Seidl et Angelika Zahrnt se refusent encore à employer le terme « décroissance » alors que c’est bien de cela dont il s’agit.
On laisse encore croire sur les plateaux médiatico-politiques que la décroissance est une lubie de l’écologie radicale. Mais c’est l’idée de la croissance perpétuelle du PIB dans un monde fini qui se révèle être un fantasme. Une étude approfondie des réalités contemporaines montre que nous nous dirigeons inéluctablement soit vers une décroissance subie et inégalitaire (récession, puis dépression), soit une décroissance choisie, maîtrisée, partagée de façon solidaire. La volonté de croissance économique doit faire place au sens des limites, il faut organiser une société de décroissance. Sinon c’est le désastre, comme le prévoient d’ailleurs Irmi Seidl et Angelika Zahrnt…
* LE MONDE du 5 février 2013, Comment guérir de notre dépendance à la croissance ?
@Yves
« Biosphere […] représente un discours critique et en marge qui s’oppose frontalement à l’idéologie dominante »
Mais l’idéologie de Biosphere *EST* l’idéologie dominante de ce blog. Je ne peux pas à chaque fois que j’interviens faire une longue liste de toutes les opinions et idéologies que je ne partage pas.. Même si je pense globalement, j’agis localement, comme le propose Biosphere comme modèle de fonctionnement sociétal, et je critique sur le blog Biosphere l’idéologie de Biosphere.
Il ne serait pas acceptable de donner à Biosphere le bon Dieu sans confession simplement parce qu’on devrait, si je vous comprends bien, choisir entre s’opposer en bloc ou approuver en bloc.
À coq au vin,
La position des Amis de la Terre est beaucoup plus qu’une simple opinion ! L’opinion (ou doxa en grec) c’est le degrés zéro du savoir : c’est s’en tenir à la croyance, sans prendre la peine d’interroger d’éventuels présupposés ou de vérifier les faits sur lesquels on s’appuie, sans se donner la peine de construire un raisonnement ou une proposition, sans se replacer à l’intérieur d’un cadre.
Dans le cas qui nous intéresse, il ne s’agit donc pas de « partager des opinions » mais de se retrouver (ou non) dans un ensemble complexe de valeurs, de croyances, de données scientifiques et de positions philosophiques que l’on appelle idéologie et qui est à mon avis le socle incontournable de toute proposition ou projet politique.
« Relever la partialité » comme vous dîtes est intéressant, mais il faut savoir dans quel contexte on le fait et à quelles fins. Si vous faîtes le même travail critique réalisé ici sur le discours dominant alors c’est véritablement utile pour l’intérêt général… j’imagine donc que vous ne cessez de dénoncer les propos de Jacques Attali, Alain Minc, Jean-Marc Ayraut ou tant d’autres, c’est-à-dire d’une manière générale de tous ceux qui occupent l’espace médiatique en cherchant à imposer ou à légitimer leur vision du monde (celle d’une minorité possédante).
Ce qui est dit sur ce blog est « discutable », on peut réagir, nuancer, s’opposer, etc. mais il faut bien comprendre que cela représente un discours critique et en marge qui s’oppose frontalement à l’idéologie dominante. En cela il est précieux et même s’il n’est pas parfait il est très stimulant intellectuellement. Ce que vous ne percevez peut-être pas c’est que vous acharner sur la « partialité » de Biosphère revient le plus souvent à défendre l’ordre établi plutôt que de rechercher la vérité de manière désintéressée…
@Yves
Comme je ‘ecrivais c’est leur droit, et aux Amis de la Terre de defendre leurs opinions, et a ces deux « economistes » de les partager. Et effectivement on trouve de l’ideologie partout et chez tout le monde. Ce que je critique c’est le deux poids deux mesures de Biosphere: dans le billet du 6 fevrier le billet de biosphere releve et condamne une ‘ideologie’ a priori des sociologies de Sangly et Gross, en affublant de guillements le mot sociologue, pour nier ou minimiser leur importance; et ici Biosphere ne le fait pas pour les « economistes » Zahrnt et Seidl. La difference est que Zahrnt est militant dans une structure d’ecologie politique.
Je releve la partialite de Biosphere.
À coq au vin,
Les Amis de la terre défendent un projet politique au sens large, un projet de société, or tout projet politique repose sur une idéologie. En quoi est-ce un problème ? Ce qui compte ce sont les valeurs qui animent ce projet et sa dimension éthique. Il se trouve que celui-ci vise la soutenabilité et la justice sociale en tenant compte du bien commun et de l’interdépendance des être vivants humains et non-humains. C’est un choix qui est fait et qui ne repose ni sur une vérité révélée, ni sur une vérité éternelle et universelle. C’est une position, voilà tout.
Je ne sais pas ce que nous pouvons faire d’autre que nous positionner… À moins d’entretenir savamment le scepticisme ou de se complaire dans le nihilisme vous n’échappez pas à l’idéologie.
Ces deux economistes sont des militants ecologistes. Zahrnt est aux « Amis de la Terre » Allemands / BUND. Vous auriez ete bien inspire de le preciser. Ce sont donc des militants politiques et des lors, leur analyse n’est pas objective, mais ideologique. C’est leur droit, mais vous devriez utiliser pour les citer des guillemets comme vous l’avez fait dans un billet recent pour les sociologues qui n’ont pas les memes opinions que vous. Ce sont bien deux « economistes » qui utilisent l’economie pour soutenir leur cause (mais pas tout a fait la votre car Zahrnt est en faveur du developpement durable).
Une décroissance maîtrisée n’est tout simplement pas possible. Pourquoi ? Car pour se transformer avec souplesse et agilité, le système a besoin de fonctionner de manière optimale. Or, pour fonctionner de manière optimale, le système a besoin de croissance. Dès lors, l’effondrement est inéluctable. CQFD.